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Coordination fortuite. [PV : Ay ~]

Laël Smith
Laël Smith
Professeur de Philologie
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Dim 12 Juin - 18:30

© Yamashita sur épicode

Just hold on
we're goin'... to crash...





 Je referme la porte de ma salle derrière moi et je m'y adosse un moment. Je finis en avance aujourd'hui, grâce à un arrangement convenu avec Lizzie la semaine dernière ; elle avait tenu à me rendre la pareille et je me rappelle avoir souri en lisant le mail qu'elle avait envoyé à la promotion concernée - les deuxième année de licence. Je passe une main dans mes cheveux et j'ouvre mon sac. J'étais passé chez le cordonnier pour Boyd ce matin, et il m'avait longuement parlé des précautions à prendre pour les chaussures en cuir. Je me décolle de la porte et je roule silencieusement dans les couloirs de l'université. J'ai pas mal de travail et je dois revoir ma traduction d'une célèbre inscription trouvée à Pompéi - je n'en suis toujours pas satisfait - ; mes mots sont maladroits et la seule langue où ma traduction est correcte se trouve être le slavon russe - clairement pas assez répandue.

   J'esquive de justesse un étudiant pressé, mon expression froide toujours présente, mes pensées n'ayant pas changé ; mon corps a simplement des réflexes. Je passe par mon bureau pour récupérer des livres qui me serviront, que je cale sous mon bras, ainsi que les copies, que je range dans mon sac. Peut-être devrais-je essayer de la traduire en russe et de demander l'avis de Maïa... ? Ma main gauche vient essuyer une partie de mon visage, dont mon oeil droit qui se ferme momentanément alors que mon corps se penche légèrement pour négocier le virage qui me permet de sortir des bâtiments universitaires. Ou alors, peut-être est-ce l'occasion d'allier Amélie et Boyd, vu à quel point les deux sont passionnés par le russe et le slavon russe. C'est sans doute le meilleur compromis ; comme ça, je pourrais corriger mes copies en même temps, et Maïa pourra se concentrer sur ses révisions. Je m'arrête machinalement à un passage piéton avant de me rendre compte qu'il était vert pour moi et qu'il vient de passer au rouge. Petit détail insolite, qu'importe.

   Je traverse l'avenue une fois le piéton vert à nouveau et je m'engage dans une petite descente, qui penche un plus juste avant le virage. J'ai l'habitude cet endroit, c'est pourquoi je laisse mes pensées vagabonder à nouveau. Quel horaire conviendrait le mieux pour faire cette séance de traduction avec mes enfants ? Ils ont sans aucun doute des devoirs importants et des révisions pour leurs examens, après tout nous sommes en fin d'année, et je plisse légèrement mes yeux. Le samedi, j'ai mon rituel d'Arts Martiaux durant mes heures libres avec Amélie et Boyd, et après le dîner Amélie aura ses cours de natation synchronique. Ce dimanche après-midi, Boyd sera à un anniversaire... L'horaire est toute trouvée. Soit ce soir après le dîner, soit dimanche matin pendant (et) ou après le petit-déjeuner. J'envoie un message à mes deux enfants pour leur faire part de mon idée et je range la machine dans mon sac.

   Mes livres précieusement calés sous le bras, mon corps se penche franchement de côté pour négocier correctement le virage, en calculant bien mon élan plus rapide à cause de la descente plus marquée. À peine le virage passé, quand le sol sous mes pieds est plus plat, une vive douleur s'empare de mon coccyx et de ma tête. Sonné, ma vision se floutant sous le choc, je ferme instinctivement les yeux. J'ai dû heurter quelqu'un. Je passe ma main sur mon visage, remarquant ainsi que ma lèvre saigne un peu et je rouvre les yeux. Mon coccyx me fait mal - à moins que ce ne soit la fin du sacchrome - et j'essaie vaguement de me redresser, sans grand succès.

   - Je suis vraiment désolé. Rien de cassé ?

   Je lève mon oeil droit jaune avec la pupille fendue et je me fige quelques secondes avant qu'un sourire léger ne vienne orner mon expression complètement calme - la froideur ayant disparu de mes traits. Le cordonnier chez qui je vais de plus en plus souvent, il fait un bon travail en même temps et il a réussi à m'intéresser sur son travail. Son accent est plutôt marqué, d'ailleurs, maintenant que je m'en rappelle. Il n'est pas de Great Britain, c'est clair. Ah, il saigne du nez. Je lui tends mon mouchoir.

   Nous sommes toujours assis sur l'asphalte, mais personne n'est là pour railler notre manque de réaction - et après tout, qu'importe l'avis des autres.


Aymeric Peyrot
Aymeric Peyrot
Cordonnier
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Mar 14 Juin - 3:17

Pour midi, le vieux a préparé sa soupe aux pois. La sienne, celle qu’il a hérité de son grand-père marin-pêcheur. Va savoir pourquoi un marin-pêcheur aurait eu l’idée de se passionner pour les pois. N’empêche que c’est sa recette et, respect pour les anciens oblige, Aymeric reste silencieux à ce sujet. Il préfère se pencher au-dessus de son bol, à s’improviser Moïse en séparant la soupe en deux à l’aide de sa cuillère. Mais ça marche pas des masses, alors il abandonne l’idée de se couronner prophète. Tout le monde ne peut pas être un héros. Alors tant pis, il mange sa soupe sans se plaindre, sans provoquer d’autre miracle que celui de ne pas tâcher sa serviette. En silence, il repense à sa matinée, à ce qu’il a fait, à ce qu’il lui reste à faire et surtout au dessert qui l’attend.

Ce dernier arrive et c’est finalement du jelly. Du bout de la cuillère, Aymeric teste le matériau, un peu perplexe. Ça se mange ? Pour de vrai ? Comme pour confirmer ses pensées, il lève les yeux vers le Vieux. Oui, visiblement, ça se mange. Soit. Plongeant une cuillère dans la texture suspecte, Aymeric met momentanément son appréhension de côté. Et la récupère aussitôt que le goût du mélange agite ses papilles. Il relève un regard vers le vieux qui semble se marrer comme jamais. Le pire dans tout ça, c’est qu’il l’a fait exprès ; à voir l’étincelle qui agite son regard, il n’y a aucun doute à avoir là-dessus. Mais le Pyrénéen a trop d’orgueil, alors il s’oblige à avaler ce truc infecte, soutenant plus ou moins le regard amusé du vieux. Et ça le fait encore plus ricaner.  Alors Aymeric oublie sa fierté, oublie qu’il est poli et annonce que c’est tout simplement dégueulasse. Le vieux sourit encore plus et répond seulement : «  Alors on est d’accord ». Juste ça. Et il attrape plat et assiettes et les vide dans la poubelle.

Ce vieux, il l’étonnera toujours. Souriant encore à  son petit cirque, Aymeric s’brosse les dents et en profite pour remettre en place sa carcasse. Comme d’habitude, sa carrure est un peu bordélique, mais tant pis, un Pyrénéen, c’est ça. Un Béarnais, ça descend tout droit de la montagne, alors il ne faut pas s’imaginer un truc bien taillé. T’auras toujours un peu de désordre et des traits trop embrouillés, comme s’ils avaient été taillés à la va-vite dans la roche de laquelle il s’est extirpé. Il faut s’y faire. Lui, en tout cas, il s’y est fait et déboule maintenant les escaliers. Il fait un dernier tour de l’atelier, vérifie qu’il n’a oublié aucune commande et trempe les morceaux de cuir qui serviront demain. Il fait ensuite un léger ménage, parce que ça fait plusieurs jours que le vieux se plaint que c’est un peu crado. Qu’il le sermonne, qu’il lui dit qu’il devrait faire un effort, qu’il devrait ranger un peu ses affaire. Ça ferait plus professionnel, qu’il dit. Alors Aymeric écoute et se plie aux désirs du vieux. Il range tout, brosse, chiffons, outils, en sifflotant légèrement. Cette après-midi, comme tous les mercredis, il est censé rendre visite à un ami du Vieux, Amir.

Amir, c’est un bottier d’une cinquantaine d’année avec un accent vraiment prononcé. Il a jamais osé lui demander d’où il venait, mais il a cet accent chantant du levant. Et Aymeric, ça lui plaît. Il aime bien l’écouter lui conter mille histoires qui ne tiennent pas debout, tandis qu’il lui explique comment tracer le patron d’une chaussure. Parce qu’Amir, c’est un bottier, un type qui imagine et construit des chaussures.  Parce que si peu de gens font la différence, un cordonnier n’est pas un bottier. Un cordonnier, ça répare les bobos laissés par le sol. Un bottier, lui, crée. Et le vieux, on ne sait pour quelles raisons, avait jugé que pour parfaire l’apprentissage de son petit protégé, il fallait qu’il rencontre Amir. Aymeric n’avait pas vraiment bronché, comme d’habitude. Il s’est dit que, quitte à travailler le cuir, autant le faire de A à Z, de la création aux bobos. Il a donc accepté cette petite formation, un après-midi par semaine. Là, il y apprend la morphologie des pieds, les différentes pathologies, comment les traiter, les cuirs à utiliser, à quel moment et pourquoi, et encore plein de choses. Comme les meilleurs outils à utiliser et ceux à éviter. C’est tout un art qu’Aymeric découvre chaque mercredi et, à vrai dire, il ne se démerde pas trop mal.

À peine arrivé chez Amir, il doit déjà se mettre à la tâche. Comme chaque mercredi, il commence par analyser les semelles et deviner la pathologie qui s’y est logée. Et quand il finit ses diagnostics, il passe à la création. Aujourd’hui, Amir a décidé que c’était le talon. C’est parti, alors, pour trois heures de bricolages, à tenter de donner la forme désirée au talon. Le nez collé sur le cuir, Aymeric ne voit pas les heures passer. Ce n’est que lorsqu’il termine les derniers nœuds qui relient le cuir à la semelle, qu’il se rend compte qu’il est quatre heures passées. Sa journée est officiellement terminée, alors il montre son chef d’œuvre à Amir, qui s’empresse de le féliciter. Il n’a qu’un dixième de chaussure, c’est vrai, mais c’est déjà un dixième de bien fait.

Le teint un peu rouge lorsqu’il passe les portes de la boutique d’Amir, Aymeric garde contre lui son début de chaussure. Comme un gosse, il veut la ramener au Vieux pour obtenir quelques compliments. Ou au moins pour prouver qu’il ne fait pas que glander, qu’il n’écoute pas seulement les histoires folles d’Amir, qu’il bosse aussi un peu.

Dans la rue, il observe son bout de chaussure. Avec ce bout de rien, bien callé dans sa main, c’est vrai qu’il a l’air un peu pommé. D’autant plus qu’il ne cesse de tripoter le talon frais fait, comme s’il voulait s’assurer qu’il existe. Le spectacle est presque affligeant, mais Aymeric ne s’en rend pas compte. Se foutant du regard des gens, il songe vaguement au cuir qu’il va mettre par-dessus. Il ne fait même pas attention au chemin qu’il emprunte. C’est toujours comme ça, avec Aymeric. Une idée, une pensée et il vole loin de la terre ferme.  

Son envol est pourtant stoppé sec. En une seconde, il débarque de ses nuages et se retrouve le cul à terre, à ne pas comprendre ce qu’il fout là. Il a senti un violent coup contre son visage, puis une poussée en arrière et enfin, la chute. Et puis y’a son foutu nez qui semble soudainement crier qu’il existe. Grimaçant légèrement, Aymeric porte ses mains à ses narines. Il récolte du sang et ça ne l’impressionne pas plus que ça. Non, ce qui l’intrigue, c’est cette voix qui vient capter son attention. Une voix qu’il reconnait. Putain, c’pas vrai, c’est lui qui lui est tombé sur la tête  ?  

« … Dieu ? »

D’accord, il n’est peut-être pas tout à fait retombé sur terre. Ouvrant un œil, Aymeric décale ses mains de son nez et se rend compte que non, ce n’est pas dieu. En même temps, qu’est-ce qu’il aurait foutu là. Non, c’est un homme, juste un homme. Un homme qui demande s’il n’a rien de cassé. Un homme qu’il reconnait. Alors, le nez douloureux, le dixième de chaussure tombant lamentablement sur son torse, il lui répond par un léger : « Khaid-ré ».

Un jour, ce type – Monsieur Smith - , lui avait expliqué comment dire bonjour dans une langue ancienne. Laquelle, il ne sait plus trop. Il n’avait pas trop suivi quand le prof lui avait expliqué toutes ces subtilités linguistiques. Mais il avait quand même retenu ce « bonjour » prononcé clairement à l’arrachée. Comme on dit, c’est l’intention qui compte. Et justement, il remercie celle de Monsieur Smith lorsqu’il lui tend un mouchoir. S’essuyant avec calme au beau milieu de la rue, le cul toujours à terre, Aymeric lance un sourire désolé à son plus fidèle client. « Désolé, je ne vous ai pas senti venir ».

Comme tout chez Aymeric, son anglais est bancal. Il ne se rend pas bien compte des double-sens qui peuvent bien se cacher dans ses phrases. Il est bien trop occupé à se morfondre sur le fait, qu’en plus d’avoir un accent pourri, il parle désormais du nez. Nez qui lui fait d’ailleurs atrocement mal. Alors même s’il y a laissé bien trop de sous-entendus, que quiconque pourrait carrément se foutre royalement de sa tronche, lui, il ne fait pas gaffe. Il sourit seulement -certes un peu lamentablement- à son interlocuteur. No souci.
Laël Smith
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Jeu 16 Juin - 1:22

© Yamashita sur épicode

And I will
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   J'attends que ma vue revienne avant de rouvrir les yeux, les griffes de l'asphalte m'ayant déjà raclé le coccyx, et le bas du sacchrome comme je l'ai deviné. Je me masse d'une main le bas du dos en m'excusant à mon interlocuteur, sans plus. Ce qu'il dit d'ailleurs peu de temps après que je me sois excusé m'informe qu'il est au moins tout aussi sonné que moi, mais je ne réponds pas à son interrogation ; je n'ai pas à répondre et de toutes façons je n'en ai pas envie. J'essaie de me redresser vaguement mais je sens que je ne suis pas perpendiculaire à la légère pente et je n'ai pas envie de sentir davantage ce raclement contre mes vertèbres assez sensibles comme ça. Mes précieux livres calés sous le bras, j'inspire calmement et profondément. Ma vue est toujours un peu floue, mon cerveau n'a pas encore bien récupéré de sa petite chute imprévu. Ça ne fait qu'avancer le checking oculaire et neuronal que je dois faire avec Joe et Maïa - j'avais accepté qu'elle m'utilise pour sa thèse en neurologie.

   J'ouvre lentement mes yeux, en même temps que lui, d'ailleurs. Une personne que je connais un peu mieux que ce que je croyais au premier abord en l'ayant percuté assez violemment. Un petit sourire se forme sur mes lèvres. Aymeric et son accent sont facilement repérables, rien qu'à ce dernier je sais qu'il n'est pas de Great Britain. En le voyant saigner du nez, je me rends compte que je me suis ouvert la lèvre ; sans doute l'ai-je mordu lors de ma chute. Le sang goutte de mon menton et s'écrase sur le sol goudronné sous nos pieds. Je ne m'en formalise même pas, je n'essaie pas non plus d'arrêter la mince rivière sanguine s'écoulant de ma lèvre inférieure. Aux premiers mots qu'il prononce, je penche ma tête de côté. Il s'en est souvenu, visiblement, même si la prononciation n'est pas tout à fait exacte. J'incline la tête en parlant à mon tour, et je lui tends un mouchoir en même temps.

   - χαίρε, za'ro.

   Je lui réponds en ionien-attique, avec une prononciation plus correcte. J'apprécie déjà l'effort, voir un cordonnier s'intéresser un tant peu soit-il aux langues anciennes est quelque chose qui me pousse à lui apprendre, ou du moins à lui apprendre au moins le ionien-attique, petit à petit, à son rythme. Le petit surnom que je lui ai donné est seulement l'abréviation de l'espagnol « zapatero », ce qui signifie « cordonnier » ; rien de bien original en somme. Seulement, cet homme fait très bien son travail et il mérite pour moi l'appellation de cordonnier. Ce n'est pas pour rien si je ne me tourne que vers lui quand cela concerne les chaussures, désormais. J'incline ma tête quand il me remercie pour le mouchoir, ce n'est pas grand chose après tout et il en a plus besoin que moi. Je lève une main à côté de mon visage lorsqu'il s'excuse, toujours assis sur l'asphalte que je commence à trouver confortable. ... Peut-être pas à ce point là, maintenant que j'y pense...

   - Ce n'est pas grave, j'étais dans mes pensées et j'ai mal négocié le virage. Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait quelqu'un, à vrai dire, encore moins vous.

   Comme quand je suis en pleine réflexion, je penche ma tête de côté. Il a plutôt un accent français... mais lequel ? Les français ont énormément d'accents selon leur localisation, presque autant qu'il n'existe de dialectes indonésiens - petite hyperbole. Son accent m'est familier, c'est forcément un endroit que je connais. Je sens la trace de sang qui commence à sécher sur mon visage mais je ne m'en formalise même pas. C'est en relevant mes yeux vers son visage que je remarque quelque chose sur son torse, dont je m'empare sans aucune forme de gêne. Arquant un sourcil, je porte le petit bout sombre en face de mon oeil en fronçant un peu mes sourcils. Je le rends tout de même à mon propriétaire.

   - Qu'est-ce donc... ? Une nouvelle création, za'ro... ?

   J'essaie de me relever, mais n'étant pas perpendiculaire à la petite pente je n'arrive qu'à coller mon séant au goudron sec une fois de plus en riant légèrement. Je passe une main dans mes cheveux en positionnant mes rollers correctement, me relevant à moitié sans tomber. Je ne remarque qu'après que je me suis accroché à za'ro, qui essaie de se relever aussi, manquant de me faire perdre mon équilibre. Voilà bien longtemps que mes rollers m'ont joué un petit tour. Deux personnes sur le trottoir d'en face nous regardent, amusés et apparemment moqueurs, mais je les ignore sans plus de forme de procès, occupé à ne pas tomber et à ne pas faire tomber le cordonnier non plus. Une fois relevé, je repense à son accent. Alors, quel accent régional a-t-il, notre za'ro... ?


Aymeric Peyrot
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Ven 17 Juin - 15:39
Le cul à terre, le nez en sang, Aymeric trouve encore le moyen de sourire. Il observe son interlocuteur et, s’il n’avait pas la lèvre en sang, le Béarnais se serait certainement marré. La situation est trop cocasse. Mais il se sent un peu coupable de cette lèvre en sang et il se dit qu’il doit faire quelque chose. Quelque chose d’un peu plus grand que son χαίρε mal prononcé.  χαίρε que M’sieur Smith reprend et corrige. Et s’il n’est pas certain de s'en souvenir, Aymeric fait tout de même l’effort de noter cette rectification. On ne sait jamais, il est minable en anglais, mais peut-être pas en langues mortes ? Qui sait. Sûrement pas lui, en tout cas. Et puis, y’a le Za’ro que son client prononce qui occupe un peu trop son esprit pour se pencher sur le dorien-ionien attique ou pas attique, il ne sait plus. Ce mot, il a dû l’entendre quelque part. Ce mot, il a comme un lointain accent de chez lui, mais pas complètement. Cherchant dans sa mémoire, délaissant un peu le sol anglais, il se laisse transporter jusque dans les Pyrénées, les mains bien callées contre son nez. Il s’y perd quelques instants, sans trouver de réponse. Il a toujours cette fâcheuse tendance à faire l’aller-retour sans jamais ramener d’autres choses qu’un vent de nostalgie.

Et c’est ce qui arrive à ce moment-là. Il oublie un peu ce Za’ro, ne réalise même pas que, s’il l’a déjà entendu, c’est parce que c’est de l’espagnol, la langue qu’il apprend depuis qu’il est tout petit. Il ne capte pas, mais retombe sur terre avec le vouvoiement de son client. Il lève un sourcil, quelques instants, se demandant si c’est bien à lui qu’il s’adresse. Aymeric, il ne s’est toujours pas fait à la vie active. Tu sais, celle où l’on arrête de te prendre pour un gamin, qui est pourtant toujours bien présent dans tes tripes. Cette vie active qui essaie d’étouffer tes cris de liberté sous un imposant Vous, celle où l’on te dit Monsieur, comme pour te rappeler que tu es un grand et que c'est fini les conneries. Si Monsieur Smith n’avait pas été M’sieur Smith, Aymeric l’aurait sûrement repris. Il lui aurait dit que, eh, à 21 piges, le tu est encore d’actualité. Mais M’sieur Smith, ce n’est pas du genre que t’as envie de reprendre. C'est un professeur de langues, à ce qu'Aymeric a compris. Alors, c’est plus le genre devant qui tu fermes ta gueule et que tu te sens heureux qu’il te considère au moins un peu. Aymeric ne reprend donc pas ce Vous bien trop grand pour un p’tit con des Pyrénées. Il se la ferme, préférant hocher vaguement de la tête. Il répète l’opération devant ses excuses, honorant néanmoins ses gestes de son anglais tout bonnement terrifiant : « Donte rorry misteur smisse, hit’s okay ». Yep, c’est aussi dégueulasse que ça, sa prononciation.

Toujours affalé sur le sol, Aymeric regarde son bout de truc, ce dixième de chaussure, s’envoler loin de lui. Comment M’sieur Smith peut s’intéresser à ça ? Comment un M’sieur aussi brillant que lui peut bien trouver un intérêt aux godasses ? Surtout que, prise comme ça, son bout de truc ressemble encore plus à rien. À côté des gros livres du monsieur, le costume trop cher qui va avec, Aymeric a vraiment l’impression d’être un moins que rien. Avec ses grolles trop lourdes pour le sol londonien, ses fringues trop banales et son bout de chaussure, il n’a rien pour lui. Et il se sent encore plus misérable quand il rattrape son bout de godasse incomplète et qu’il la serre dans ses doigts, comme s’il s’agissait d’un bien précieux. Cachant sa gêne sous un sourire bancal, il répond à la question de M’sieur Smith. Parce que oui, bien sûr, c’est une de ses créations. Encore que le mot est peut-être un peu excessif. Ce n’est qu’une chaussure, quoi. C’est pas du Van Gogh.

« Yess, misteur Smith, Hit is ».

Il s’interrompt un instant. Il regarde son chef d’œuvre et continue, toujours en anglais. Mais puisque le narrateur a un peu pitié de vous, de vos yeux, de votre santé mentale - et a à cœur votre paix intérieure -, il va l’écrire en français. Ça rassure un peu, ça fout moins les boules. « Mais j’sais pas si on peut appeler ça une création. J’uis juste un cordonnier ». Parce qu’une création, c’est l’œuvre d’un artiste. Lui, il n’est rien de plus qu’un artisan. Prenant bien soin de caller son bout de godasse entre ses doigts, Aymeric tente de se redresser. Pas parce qu’il en a vraiment envie – le sol est plutôt confortable tout compte fait- mais parce que son client semble désirer quitter le sol. L’imitant alors, il suit le mouvement et perd soudainement son équilibre. Bordel, la Terre ne lui a jamais semblé si bancale. Et le ciel si brutal. Y’a quelque chose, tombé des nuages, qui lui assassine le pied et lui, il a ce réflexe bizarre de se mordre la lèvre pour encaisser le juron qu’il aurait envie de prononcer. Il ne comprend rien de ce qu’il se passe. Tout ce qu’il voit, c’est que M’sieur Smith va peut-être se casser la gueule. Sans réfléchir, il accroche ses mains couvertes de sang sur la veste de son client, dans ce geste de désespoir un peu brutal. Et quand il beurre suffisamment sa veste de traces rouges, il le relâche.

Les yeux écarquillés, Aymeric constate les dégâts. M’sieur Smith est debout, mais sa veste est foutue. Et lui, il saigne toujours du nez. Et sent en plus une odeur de fer dans sa bouche. Bredouillant mille excuses, qu’il prononce certainement très mal et trop vite pour être comprises, Aymeric baisse les yeux au sol. Alors ce n’était qu’un livre qui lui a détruit les orteils ? Ça lui apprendra, tiens, à prononcer à l’arrache les mots des anciens. Merde, ça se prononçait comment, déjà ? Il ne sait plus, mais il s’essuie les mains sur son pantalon et rattrape le livre. À peine redressé, prêt à le rendre à son propriétaire, avec encore un milliard d’excuses, il sent un truc bizarre dans son nez. Un truc qu’il ne faut pas ressentir dans ces moments là. Surtout pas quand t’as les mains occupées. Oh non.

Sans réussir à se retenir, Aymeric éternue. Pas de ce petit éternuement mignon, qui te fait oublier l’exécrable situation dans laquelle tu te trouves. Non, y’a rien de mignon, de fragile, d’adorable. Y’a juste un gros éternuement qui fait voler des milliers de particules de sang sur le bouquin de m’sieur Smith, et peut-être aussi sur sa veste. Il manquait plus que ça, putain. Aymeric se fige. C’est pas possible, les dieux veulent sa peau aujourd’hui ? Il n’ose plus un geste, sa connerie le laissant sans voix. S’il le pouvait, il s’enfoncerait sous terre et y resterait un moment. Mais il ne peut pas. Déjà parce que le sol de Londres, c’est du goudron. Et parce qu’il n’a pas de pelle sur lui, de toute façon. Alors tu vois. Quand c'est pas ton jour, c'est pas ton jour.

Soudainement envahi par les remords, la voix d’Aymeric revient. Et ses excuses aussi. « Sorri, sorri, sorri misteur Smice, sorri, I’ll… ».  Je vais quoi ? Il ne sait pas. Il pourrait rembourser peut-être ? Oui mais avec quoi ? Il touche cent balles par semaine et ce bouquin doit valoir plus qu’il n’aura jamais. « Je ». Il ne sait toujours pas quoi. Il bredouille, ne trouve pas les mots. Alors une main de nouveau sur le nez, le jeans tâché de sang et le pied franchement endolori, il se mord, avant de se rappeler qu’il a super mal à la joue aussi. C’est pas son jour. Abasourdi par sa bêtise, il ne tente plus aucun mot. Pour le coup, ses jambes lui disent de se barrer. De courir, de s’enfuir. Alors sans réfléchir, c’est ce qu’il fait. Rouge de honte, il s’écarte de lui assez vivement. Il bafouille un dernier « Désolé » et esquisse un mouvement pour s’enfuir, la godasse biscornue bien calée dans sa main.
Laël Smith
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Sam 18 Juin - 13:35

© Yamashita sur épicode

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   Il se contente de hocher la tête, deux fois de suite au vu de mes excuses inhabituellement répétitives. Il faut dire que la dernière fois que j'ai percuté quelqu'un aussi violemment remonte à mes huit ans où j'ai voulu dévaler une descente en plein centre ville de Jiangzhong. J'ai eu de la chance, j'ai percuté quelqu'un et non la voiture qu'il y avait juste avant. Mes excuses sont, seulement moi, pas assez nombreuses ; mais s'excuser ne passe pas forcément dans les paroles, cela se passe dans les gestes aussi. Il ne faut pas que je méprise ce qu'il m'a dit pour autant, que mes excuses étaient déjà acceptées et que je n'avais pas à m'inquiéter davantage. Je ne souillerai pas ses paroles mais je ne resterai pas non plus là à rien faire alors que son nez est en train de faire une magnifique hémorragie externe qu'il n'arrive que peu à contenir avec mon mouchoir. Je plisse les yeux à son « mister Smith » cela dit et, bien que mon visage soit calme et posé, une once de fermeté vient allumer le fond du tréfond de mon regard.

   - Mon prénom est Laël, za'ro, pas Mister Smith.

   Ma voix est étonnamment plus douce que ce que j'aurais pu penser au premier abord, mais c'est tant mieux ; ça sous-entend que je ne lui en veux pas s'il me nomme ainsi, simplement que je préfère qu'il ne le fasse pas. Quoique, c'est moi qui dit ça alors que je le vouvoie et que je n'utilise pas son prénom non plus... Au moins j'utilise un surnom, ce n'est pas comme si nous étions de parfaits inconnus, après tout. Et puis, après réflexion, il fait comme il le veut merde j'vais pas me tracasser plus à sa place. Ma réflexion s'envole aussi vite que je vois un petit bout noir qui dévale de sa main à son torse et je fixe le - peut-être - bout de talon en devenir. Je m'en empare alors et je l'apporte au niveau de mon nez, tout près de mon oeil droit, comme pour voir tous les petits détails. L'odeur que je renifle - mon sens olfactif est définitivement pire que celui d'un chien, ce qui n'est pas aussi agréable qu'il n'y paraît - m'informe d'emblée que le tissu que je tiens précieusement entre mes doigts est du cuir. Sans doutes du cuir qu'il a lui-même travaillé vu comment il semble le chérir et qu'il semble apparemment gêné maintenant que j'examine cette création sous toutes ses coutures. Lui demander directement ne me coûte rien et ce sera défintivement mieux que de rester avec mes spéculations qui sont peut-être fausses.

   Je lui rends son bout de talon en cuir, vu la forme, et je lui pose la question juste après. Je sais très bien qu'il est cordonnier, donc qu'il répare les chaussures, mais s'il se met à créer des chaussures je ne doute absolument pas des capacités et connaissances qu'il acquerra alors. Za'ro est, à mon sens, quelqu'un qui arrive à montrer son intérêt, à le partager, lorsque cela concerne les chaussures. Je ne suis pas sûr que cela soit de la passion même si certaines fois il m'en donnait clairement l'impression. Il répond finalement à ma question, en acquiesçant et en confirmant ainsi mes soupçons. C'est bien lui qui l'a faite. Est-ce la première fois ? La septième fois ? Mon intérêt est ravivé et je fixe, avec un peut trop d'insistance peut-être, ce talon qui siège fièrement dans la paume du Blond. La phrase qui suit ne change absolument pas mon visage calme et posé, en revanche mon oeil droit vient se plonger dans son regard. Ce n'est pas de la fausse-modestie de sa part, qu'une modestie humble et simple. Ce constat amène un sourire léger sur mes lèvres et ma deuxième tentative pour me relever échoue lamentablement - sans trop de dégâts étant donné que je n'ai soulevé mes fesses que de quelques centimètres de l'asphalte avant de me rendre compte que mes rollers sont mal positionnés pour que je me relève sans tomber de nouveau.

   - Peut-être que vous ne souhaitez pas nommer celui-ci ainsi, za'ro, mais je ne doute pas que ceux qui suivront pourront fortement porter le qualificatif de « création ».

   Vu tout ce qu'il m'a expliqué, vu la magie qui s'opère sur les chaussures de Maïa qui tiennent le coup alors qu'elle les massacre, je ne douterai pas de ses capacités. Peut-être manque-t-il de confiance en lui, tout simplement, et auquel cas c'est dommage. Enfin... Les douces griffures de l'asphalte me paraissent presque agréables, il n'empêche que je dois me relever. Je positionne correctement mes pieds et je me redresse lentement, me rattrapant sans faire attention à mon interlocuteur. Je ferme les yeux, je respire profondément une bonne fois pour toutes en tâchant de garder mon équilibre sans déséquilibrer celui de za'ro. Dans un réflexe que j'ai acquis dans mon enfance, celui de faire l'avion pour se redresser pour ne pas tomber - Boyd et Maïa me martèlent que c'est la base de la loi de la gravité et des vecteurs là -, je soulève un peu mes coudes façon autruche avant de me rappeler que j'ai des livres sous le bras... et l'un d'entre eux tombe. Je rattrape de justesse les deux autres et je les mets dans mon sac histoire qu'ils n'aillent pas plus bas. Je me concentre sur l'étape dure que me relever avec za'ro semble être mais, dans mon petit exercice de rangement de livre, un de mes pieds s'est naturellement décalé.

   Je tangue dangereusement pour replacer correctement ma jambe et c'est le Blond qui me rattrape, non sans tartiner de sang ma veste noire à l'intérieur rouge. J'ai déjà un style de voyou, d'après mes enfants ( Maïa, elle, ne fait plus attention aux vêtements que je mets au quotidien ), mais avec le sang en plus... Je hausse les épaules vaguement, je ferais simplement une machine en rentrant et ce sera plié réglé. Ce n'est pas comme si je n'avais qu'une seule veste, après tout, et dieu merci c'est sur du noir et non du blanc. Dans le pire des cas je pourrais toujours aller voir mon tendre et cher styliste et couturier, il saura quoi faire. Le regard du Blond me fait rapidement qu'il n'est pas du même avis et, une fois entièrement relevés - je n'aurais jamais cru que ça prendrait autant de temps -, je secoue ma main près de mon visage, une manière de faire comprendre que ce n'est rien, que ce n'est pas grave. Je m'apprête à ramasser le livre mais za'ro le fait à ma place et un petit sourire orne mon visage toujours aussi calme et paisible. Il se relève en lui tendant son livre et, à la petite grimace qu'il prend, je devine de suite ce qu'il va se passer. Je recupère mon livre avant qu'il n'éternue et que des milliers de particules de sang ne se mettent à voler de tous les côtés. J'ai réussi à protéger mon tee-shirt blanc - ô dieu merci, le sang sur du blanc c'est irréparable -, ma veste est déjà tartinée alors je ne m'en soucie plus... mais la première de couverture de mon livre Le supplétisme dans les formes de gradation en grec ancien et dans les langues indo-européennes de Éric DIEU en pâtit grandement.

   Je cligne des yeux - de l'oeil droit - et je tourne le livre vers moi. Mon visage est toujours calme, mais la note paisible a disparu. J'examine l'ampleur des dégâts et je sors un mouchoir d'un paquet qui se trouve dans la poche droite de ma veste, absorbant le maximum que je pouvais avec une délicatesse sans borne. La première de couverture vers le sol, j'absorbe tout ce que je peux, ignorant complètement ce qui m'entoure. J'inspire et j'expire profondément et longuement ; là, il m'est impossible de me dire que ce n'est que un livre. Un ouvrage, quelqu'il soit est sacré. Tous les bouquins commerciaux sans aucun intérêt sont des bouquins, mais là, nous parlons d'un ouvrage de Éric DIEU, en plus sur le supplétisme qui n'a jamais été aussi bien expliqué et développé dans un autre ouvrage. Je prends le livre par la tranche et j'examine les pages, soigneusement. La première blanche a une petite tâche de sang, mais sinon les autres sont intactes. Ma respiration s'intériorise d'elle-même à mesure que mon choc passe et, une fois avoir enlevé ce que je pouvais - inutile de vouloir faire autre chose avec un livre - et avoir sauvé la couverture comme je le pouvais, mes yeux se plissent. Cette rencontre explosive aura été des plus mémorables, en tous cas...

   Les excuses de za'ro reprennent de plus belle, sa gêne et sa honte étant plus que visible. Je vide ma tête pour ne pas le blâmer entièrement. Tout est parti de la chute, et j'en suis aussi responsable. Le fait qu'il ait éternué au vu de son hémorragie externe est, pour moi, normal - le nombre de chutes faites étant enfant me l'ont parfaitement bien appris - et il n'est pas à blâmer pour une réaction corporelle instinctive. D'ailleurs il saigne encore du nez, le bougre d'imbécile n'éponge pas correctement le tout. Je le vois en train de s'enfuir, je vois très bien les rougeurs qui s'emparent de son visage - décidément, toute personne avec ces rougeurs-là est juste... adorable - et je confirme une de mes hypothèses de tantôt. Il n'a pas confiance en lui, ou du moins il en manque sur certains points. Je m'empare de mon mouchoir en tissu qu'il a toujours dans la main, je pose la mienne sur son épaule pour le retenir et de ma main livre j'essuie correctement son visage, pour commencer. Fuir une situation ne permet jamais de résoudre un problème et, bien que ça puisse être compréhensible, c'est une attitude que je n'apprécie pas. Mes gestes parlent très bien d'eux-mêmes « non, tu ne t'enfuiras pas mon petit. Assumes tes actes, j'ai ma part à assumer aussi je te rappelle ».

   Mon mouchoir en tissu, contrairement à ma veste ou à mon livre, est définitivement mort. D'ailleurs, je pose un mouchoir - celui de mon paquet - sur la première de couverture de mon ouvrage et je le range avec les autres dans mon sac. Je tiens toujours l'épaule de za'ro et je ressors un mouchoir de mon paquet. J'essuie le sang qui s'échappe de ses narines et je laisse le mouchoir là, manière de lui dire que c'est à lui de le caler correctement. D'autant que perdre autant de sang en peu de temps n'est pas bon signe, il devrait bientôt être fatigué. À force de me le marteler Maïa me l'a fait comprendre - je suis sujet aux hémorragies nasales externes.

- Au moins, soignes-toi correctement bien...

En français s'il vous plaît. Je plisse mes yeux, me remémorant la fin de ma phrase. Quelque chose clochait, mais, parfois, même si cloche c'est correct. Je lève mon oeil au ciel le temps de réfléchir et je finis par regarder za'ro.

- ... Ma phrase était correcte ou il y eu-... avait un mot... ... en trop ?

Mes yeux se plissent un peu. J'ai osé hésité. Et... L'énormité que j'ai manqué de faire, bouh la faute de conjugaison comme dirait Amélie. Un petit sourire passe sur mes lèvres en me souvenant des habitudes qu'a mi angelita quand elle corrige ses copies et qu'elle s'arrache les cheveux sur ses fautes ou qu'elle me demande mon avis parce qu'elle n'est pas sûre d'avoir fait une faute pardonnable ou une énormité. Je tiens toujours fermement l'épaule de za'ro, pour bien lui faire comprendre qu'il ne partira pas - et même si je me sais musclé je pense qu'il peut se dégager s'il en a vraiment envie -, et... je constate alors un petit détail insolite.

- Hey*, za'ro.

Attention, cliché en approche.

- Comment tu t'appelles, déjà... ?

   Mon sourcil arqué montre que ma question est sincère et je réfléchis brusquement à ma phrase, en retrouvant la sérénité et le calme sur mes traits. Ma phrase est connotée d'une quelconque façon que ce soit ou pas ? Elle ne l'est ni en gansu ni en javanais, mais peut-être qu'en français elle l'est... ? Une pluie diluvienne nous tombe brusquement dessus et je lève ma tête vers les cieux en arquant un sourcil amusé. Ah ouais... Nous sommes toujours au même endroit, debout, et je me décide enfin à lâcher son épaule tout en boisant mon regard dans le sien. Je secoue vigoureusement mes cheveux et je remercie mes parents de m'avoir acheté ces roues de compétition - des rollers normaux auraient été morts à la première pluie londonienne - ainsi que des recharges. Enfin, je n'ai rien à craindre, mes rollers sont largement équipés pour parer à toute éventualité à Londres. À l'exception d'un surplus de neige, mais je ne suis pas assez bête pour aller rouler dedans volontairement. Je roule un peu en avant, sans lâcher za'ro du regard.

- Venga** chez moi, j'habite cerca** d'ici, à moins d'une minute de marche.

Ah, de l'espagnol vient se glisser dans mes mots français, bien bien bien, de mieux en mieux. Je soupire discrètement, excédé par mon manque de concentration et je traverse la rue au passage piéton non loin de là, jetant un oeil derrière moi pour vérifier qu'il me suit, en ralentissant l'allure aussi. Nous ne sommes plus très loin de toutes manières. Je tourne à droite en m'engouffrant dans une impasse, le Smith's Manor. Je m'arrête au niveau de la troisième maison tout en regardant derrière moi pour vérifier qu'il est bien et, avec ma flemme habituelle d'ouvrir le portillon, je l'enjambe souplement.




H.R.P:
Aymeric Peyrot
Aymeric Peyrot
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Lun 20 Juin - 3:27

Ses jambes prennent le contrôle, délaissant toute rationalité. Il ne pense plus qu’à se barrer loin, à traverser l’Atlantique à la nage s’il le faut. Son cerveau est en pleine mort cérébrale, trop secoué par l’image de M’sieur Smith en train d'essayer de sauver, comme il peut, son livre. Il s’en veut bordel, bon sang qu’il s’en veut. Il s’en veut à lui, à tout, à sa maladresse, à sa putain d’habitude de tout foutre en l’air, à son nez qui n’éternue jamais au bon moment. À toujours rester figé, sans jamais savoir comment réagir correctement. Des fois, il a l’impression d’avoir loupé quelque chose. D’être passé à côté du mode d’emploi distribué à la naissance, de ces instructions qui t’expliquent comment t’intégrer en société. Et puis souvent, il se dit que c’est tout simplement Dieu – ou appelle-le comme tu veux, ça n’a aucune importance- qui a merdé. Que ce vieux machin devait être complètement bourré quand il a choisi de le façonner dans ses Pyrénées. Trop bourré, trop fatigué et sûrement trop lassé, il a dû confondre plusieurs morceaux et les coller à l’arrache, sans trop savoir ce qu’il foutait. Faut pas s’étonner, alors, que ça donne un résultat bancal, des idées jamais droites et des réactions toujours un peu décalées.

L’un en face de l’autre, on dirait presqu’ils sont les survivants d’un combat de titans. Héros d’un truc qu’ils auraient terrassé à deux, au prix de quelques coups dans la tronche. Irréel, ce spectacle semble en-dehors du temps, en-dehors des rues de Londres. Cependant, le mouvement soudain d’Aymeric semble remettre le monde à l’endroit. Une main serrant sa semelle, l’autre son mouchoir, Aymeric ose un pas de travers pour s’éloigner de son client. Il n’a pas le temps de s’enfuir trop loin, ce dernier le rattrape rapidement, effaçant immédiatement toute chance de fuite. Aymeric ne pige pas. Sérieusement, il n’a pas assez fait les frais de sa connerie ? Il en redemande ?  Ses questions ne trouvent pas de réponses, trop vite suspendues par le mouvement de M’sieur Smith. Ce dernier s’approche et Aymeric se sent comme un animal au piège. Et puis y’a sa main, cette inconnue au bataillon, qui se pose sur lui et vient le clouer au sol. Le Béarnais observe le Britannique, incapable de prononcer quoique ce soit. Aymeric, il s’est construit une carapace tellement immense, tellement puissante qu’il n’apprécie pas qu’on s’en approche, qu’on la force, ou qu’on vienne seulement l’effleurer. Alors, aussi doux que soit le geste de M’sieur Smith, Aymeric se fige. II est trop proche, bien trop proche.

Et il lui touche le visage. Planté face à lui, Aymeric est incapable de réagir. Il a seulement l’impression que, sous ses doigts, chaque parcelle de sa peau se transforme en pierre. Ces mêmes pierres dont il se sert pour bâtir des murs entre lui et les autres. Alors, sans le vouloir, il serre les dents. Il oublie sa nonchalance habituelle, se fout subitement de paraître amical coûte-que-coûte. Comme si ce mouvement trop intrusif venait d’ébranler ses fondations, de fissurer sa carapace, Aymeric s’écarte sans prévenir. Et, réflexe de survie oblige, il retient la main de l’homme hors de son visage, avant de rebâtir en vitesse, devant lui, d’autres murs, bien plus grands, bien plus effroyables, bien plus infranchissables. Puis, après une profonde inspiration, il s’cache derrière ces tous nouveaux murs. Bien emmuré derrière eux, désormais protégé, il se force à se sourire. « Fanks for elp. I'll tèke de rest. ». Et il expire, cherchant, pour une fois, un calme qui tarde à revenir. Faut dire qu’il y a toujours cette main sur son épaule et franchement, il ne sait pas quoi en faire.

Le mouchoir collé sur les narines, il ne pense qu’à cette main griffant sa carapace. Une fois de plus, il voudrait s’enfuir. Mais cette main, cette foutue main l’en empêche. Elle le colle au sol, tout comme les mots qu’il lui adresse. Il lui dit d’assumer, de prendre ses responsabilités et lui, ça lui fout une claque. Parce que lui, il lui dirait bien oui, deux fois oui, mais il ne sait pas comment on fait. Parce que lui, une connerie, une baffe et son esprit se perche immédiatement quelque part où rien ne l’atteint.  C’est un putain de lâche et on ne le changera pas. Et puis, y’a ce foutu mal de tête qui surgit de nulle part et qui l’empêche de réfléchir comme il faut. Alors, hochant de la tête, il accepte. Sans réfléchir, il articule un « Eugri (= agree) », un peu désaxé.

De toute façon, il ne peut promettre de plus. Encore abasourdi d’avoir construit autant de murs en si peu de temps, Aymeric reste quelques instants sans rien ajouter. Il a l’impression que sa migraine n’est pas prête de passer. Et attends, il hallucine ? Relevant le nez vers M. Smith, il se demande s’il a bien entendu. Si ce n’est pas son cerveau qui déconne une fois de plus. S’il n’entend pas des voix. Les sourcils froncés, Aymeric laisse l’incrédulité l’envahir. Il vient vraiment de lui demander des précisions linguistiques ? En Français ? Avec un accent marseillais (WTF) ? Putain, si c’est un coup de son cerveau, faut vraiment qu’il aille se poser quelque part. Mais, dans le doute, il lui répond quand même, de son anglais chantant : « Ze " bien ", hit is tou meutch ». Amen.  Et puis, vu qu’Aymeric capte son sourire, il lui répond doucement. Avec un peu de chance, ça fera oublier la brutalité de son geste de toute à l’heure.

Et puis faut croire qu’entendre du français, ça le détend. Faut dire que la conversation lancée par M. Smith est plutôt amusante. Irréelle, en fait. Il vient presque de l’engueuler et voilà qu’il dérive déjà sur un tout autre sujet : la syntaxe française. C’est carrément surréaliste et ça fait presque oublier à Aymeric tous ses murs. Du moins, il s’y cache un peu moins et sort un quart de bout de nez de sa cachette. Étonné de la tournure des évènements, il respire un mieux. Il sourit même lorsque M. Smith lui demande son nom. Comme si son nom valait la peine d’être connu. Mais puisqu’il lui demande. Puisque c’est M. Smith.

« Aymeric Peyrot, M’sieur. Peyrot, comme Charles Perrault, le conteur. Mais en différent. Nous on fait des chaussures, pas des contes. Encore que, en ce qui concerne les contes, il ne se débrouille pas si mal. Et Aymeric, eh bien. Ça s'écrit avec un i-grec, parce que l’infirmière ne voulait pas de i-pas-grec après le A. Parce que chez nous, Aimeric avec un i-pas-grec, c’est un prince des montagnes. Mais ma tronche ne faisait sûrement pas assez prince. Alors elle a mis un i-grec ». T’sais, dès le début de sa vie, Aymeric était une bavure, un imposteur, du grand n’importe quoi. Le nom d’un conteur, mais pas totalement. Et puis le nom d’un prince des Pyrénées, mais pas vraiment non plus. Une rature, une bavure, j'te jure. Y’a tout à reprendre. Y’a rien à garder ; faudrait tout effacer et recommencer. Et comme si le ciel encensait cette idée de brouillon d’homme à effacer, voilà qu’il décide de leur pisser dessus sans prévenir. Sans même avertir, la pluie tombe et les inonde presque instantanément. Gémissant un « Merde », bien français, il accepte la proposition de M. Smith. Sans se faire prier, il le suit dans les rues, songeant plus à protéger son bout de chaussure qu’à entretenir la conversation. De toute manière, son mal de crâne ne fait qu’empirer. Il se demande d’ailleurs s’il ne commence pas sérieusement à délirer, parce que Smith utilise tantôt du français, tantôt espagnol. Dans la même phrase.

Sa tête le cogne et il sent sa vue se brouiller peu à peu. Heureusement, une maison se dessine devant son regard. Suivant Smith sans réfléchir, il enjambe la clôture, puis passe finalement la porte d’entrée.  Une fois à l’abri, il se rend compte à quel point il est trempé, à quel point, aussi, lui et M. Smith ont l’air de revenir de guerre. Ils ont l’air misérables dans cette maison magnifique, bien trop jolie –et trop propre- pour eux. Intimidé par sa grandeur, Aymeric ne trouve rien à dire, une fois de plus. Jusqu’alors, il n’avait jamais vu eu la chance d'entrer dans une telle maison. Ébahi, il en oublie de garder sa main sur son nez. Il est trop occupé à tout regarder, comme un gosse devant une vitrine de bonbons. Il s'émerveille de tout, oubliant à quel point il se sent mal. La maison le subjugue. Elle l'impressionne tellement qu'il n'ose même pas dépasser le seuil de la porte d’entrée, de peur de salir le plancher. De peur de faire trop tâche, aussi.

Tout est trop grand pour lui ici. Ça lui fout un mal de crâne atroce. Et puis surtout, il réalise soudain qu’il ne pourra jamais racheter le bouquin qu’il a salopé. Que s'il veut rembourser son dû, il va falloir être créatif. La tête douloureuse, Aymeric s'oblige à y penser. Et justement, une idée lui effleure rapidement l’esprit. Il se tourne alors vers l’enseignant, le nez un peu moins coulant qu’avant, le mal de crâne plus saillant que jamais. Sauf que son mouvement est peut-être trop brusque, ou son mal de crâne tout simplement trop brutal ; il ne sait pas, mais il a soudainement quelques bouffées de chaleur. Il se sent mal, il a l’impression que les murs bougent un peu.  Cherchant du bout des doigts la porte pour s’y retenir, Aymeric s’y plaque doucement. Qu’est-ce qui lui arrive ? « Misteur smisse ? » . Sa voix lui paraît lointaine, putain. Et elle résonne en plus, c’est quoi le délire. Tant pis, il plaque sa main sur son front, essuyant au passage quelques gouttes de pluie. Ou de sueur, il ne sait plus trop. « Cane i ave some wateur plise ? ». Les mots franchissent à peine la barrière de ses lèvres que ses jambes flanchent d’un coup. Comme l’apothéose du n’importe quoi de cette journée, comme l’ultime Aymeriquerie (cadeau), le jeune homme s’effondre sur le sol. Lui qui voulait ne pas le salir, c’est foutu.
Laël Smith
Laël Smith
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Lun 20 Juin - 15:48

© Yamashita sur épicode

And I will
stay calm and cool...





  J'éponge lentement son visage, délicatement et avec une grande douceur. Je le sens se figer, je le sens ne pas comprendre la raison de cette soudaine douceur mais je ne m'en formalise pas. J'espère seulement qu'il a bien compris la totalité de la raison d'un tel geste et non pas qu'une simple partie, et encore moins ce qu'il voulait comprendre pour se stigmatiser davantage. Son regard me semble toujours aussi coupable, bien que pour moi une telle culpabilité est déplacée. Il y a des personnes qui se remettent toujours l'entièreté d'un problème sur eux, mais si problème il y a alors il n'y a jamais qu'un seul fautif. Enfin... Mon visage reste calme et se fait un peu plus tranquille également. J'éponge toujours le contour du nez de za'ro et il me regarde toujours de ces mêmes yeux. Ce regard qui me hurle de m'enfuir, de m'éloigner, que je me suis approché trop près. Je n'écoute pas ce regard, je n'ai absolument pas envie de devoir porter quelqu'un d'évanoui chez moi. Je ferme brièvement mes yeux, chassant ces pensées pessimistes de mon être mais je sens une vive poigne s'emparer de ma main guérisseuse.

   Sans réfléchir, je raffermis ma prise sur l'épaule de za'ro avant d'ouvrir les yeux et de le voir finir de s'écarter brusquement. Je pince mes lèvres entre mes dents et j'émets un son caractéristique, utilisé parfois pour s'enlever quelque chose qui s'est coincé entre mes dents... mais ici c'est un son que j'ai l'habitude de faire quand je me rends enfin compte que j'ai un peu gaffé. Je ne vois pas son visage s'emmurer, je ne vois son sourire forcé que du coin de l'oeil... et heureusement d'ailleurs, même Dieu ne sait pas à quel point j'ai horreur des sourires forcés - si autrui n'a pas envie de sourire, il ne sourit pas, inutile de vouloir respecter des conventions d'usage qui nous poussent à l'insincérité ; mes yeux sont rivés sur ma main prisonnière de la sienne. Mon visage calme s'apaise et se fait de plus en plus tranquille. Je délivre ma main guérisseuse de son étreinte, au moins il a enfin le réflexe de porter le mouchoir à ses narines et de le caler correctement contre le flux sanguin s'écoulant de son nez. Je lui en fais la remarque en français, d'ailleurs, avant de repartir dans mes réflexions. Ai-je correctement orthographié phonétiquement mes mots ? Mon accent marseillais a dû se ressentir... N'ai-je pas fait une faute de syntaxe inconsciente ?

   Je boise mon regard dans celui de za'ro, n'ayant absolument pas attendu sa concise prise de parole désaxée ( peut-être parce que l'accent a piqué mes oreilles et qu'elles ont voulu épargner ça à mon cerveau, même si ça ne me dérange pas tant que je le comprends ) ( ... et qu'il fait des efforts pour s'améliorer ), et lui demande directement si je n'ai pas fait une faute. Nous passerons sur le fait que je m'exaspère moi-même ( bouh la faute de conjugaison que j'ai failli faire, booouuuuuh ) ( merci Amélie d'accompagner mes pensées d'un doux sourire ) à hésiter, mais rien de mon expression faciale ne l'indique ; mon calme de façade et mon calme intérieur ont vite fait d'éradiquer ma petite exaspération. Il lève subitement son nez vers moi, fronce rapidement les sourcils et laisse l'incrédulité envahir son visage. Un petit sourire étire les commissures droites de mes lèvres, léger et un peu malicieux, d'un malice doux et calme pour ne pas changer. Il ne s'attendait visiblement pas à ça, et après l'incrédulité vient une forme... d'apaisement ? de nostalgie ? de bons souvenirs ? d'une heureuse surprise ?, je ne sais pas mais ses traits se détendent en tous cas. Quand il me répond, le malice déserte mes lèvres. Le "bien" est en trop, alors ?

   - ... Pourtant, soignes-toi bien se dit autant que soignes-toi correctement, non.. ?

   Je parle calmement, mon intérêt se voyant clairement, et j'ai retrouvé le parfait accent français ( du moins, l'accent correct selon la phonétique - standard - et la phonologie - standard - françaises ). Plongeant dans mes réflexions, je me dis que, même si la plupart du temps un adverbe suivi d'un adjectif est correct, peut-être que dans ce cas-là cela ne se dit pas. Il doit y avoir une raison au niveau de la syntaxe. Après tout, si j'y pense correctement, "bien" en français ne s'accorde pas s'il n'est pas un nom, donc s'il est un adjectif. Peut-être que le fait qu'il soit un adjectif qui ne varie pas ( avariable ? invariable ? ) est la cause de ce... "très bien". D'accord, ça ne marche pas. Alors peut-être qu'il faut une nature précise d'adverbe pour que cela soit correct ? Je plisse un peu les yeux et je note cela dans un coin de mon cerveau. Je vérifierai ça sur les traités de morpho-syntaxe française que j'ai chez moi. Je change alors complètement de sujet en lui demandant comment il s'appelle ( déjà, attention, comme si Laël le savait déjà avant haha ) ( pardon, intervention du narrateur ), en notant que ses traits se sont clairement détendus mais qu'il continue tout de même de parler en anglais. L'inversion, le chiasme que cela donne me fait sourire légèrement. La situation en elle-même est comique, à croire que le coup sur la tête que nous avons pris tous deux nous amène à une situation aussi... hors du temps.

   Aymeric Peyrot, donc... Je plisse un peu les yeux en entendant de nouveau un « m'sieur ». Je ne m'appelle pas "m'sieur" ou "monsieur", diantre. Têtu, le za'ro... Mon sourire léger s'agrandit un peu plus quand je me dis que je suis au moins aussi têtu. J'écoute attentivement son explication, je le remercie du regard de la faire d'ailleurs parce que j'allais forcément en demander une. La différence entre le "i" et le "y" me fait doucement rappeler la différence entre "Michael" et "Michaël", comme quoi un simple trëma peut tout changer sur la nature d'un être vivant.

- Alors dis-toi qu'à défaut d'être prince des montagnes, tu es le prince des chaussures dans les montagnes. C'est au tarpin noble, aussi.

Je cligne des yeux, en me rappelant que « au tarpin » appartient au marseillais et non au français. Je fronce un peu mon sourcil en levant un oeil aux cieux, en pleine réflexion.

- ... C'est tout aussi très noble, plutôt... ?

Aaah, voilà que je me mets à parler français en mélangeant les dialectes que je connais, comme je le fais en indonésien. Même si la différence entre les dialectes d'Indonésie est plus flagrante qu'avec les dialectes français...Je garde cette pensée sous silence, je suis complètement subjectif quand je dis ça et j'ai toujours aimé l'Indonésie donc... Alors que je redresse ma tête pour regarder za'ro, une pluie diluvienne nous tombe dessus. Par réflexe, je secoue vigoureusement la tête et je serre mon sac à dos à bretelles contre mon coeur, en refermant ma veste par-dessus.

   Je lui propose dans un français espagnolisé, ce dernier étant lui-même catalanisé, d'aller directement chez moi en attendant que l'orage passe et je m'y dirige sans plus de forme de procès. Il me suit de très près d'ailleurs et j'accélère mon allure pour avoir à peu près la sienne. Une fois arrivés, je vais rapidement devant ma maison et j'enjambe souplement le portillon. Je tourne ma clef dans le verrou et je m'efface dans l'entrée pour le laisser passer et se réfugier momentanément. Je m'essuie vaguement ( je suis en rollers après tout ) sur le paillasson de l'entrée en posant ma veste sur le porte-manteau, en faisant signe à za'ro de mettre la sienne à cet endroit mais, à la place, je le vois qui se tourne enfin vers moi. À sa tête pâle, je devine aisément que quelque chose ne va pas et je m'approche de lui en secouant de nouveau la tête pour égoutter mes cheveux. En le voyant s'accrocher à la porte, je m'arrête. Je n'ai pas oublié la distance de sécurité que je dois avoir avec lui. En l'entendant parler, ma pensée change dans sa tête. Je n'ai pas oublié... mais, sur ce point, la distance n'a pas lieu d'être. Pas de monsieur bon sang, je n'ai pas encore quarante ans fichtre... Un sourire doux, léger, se dessine doucement sur mes lèvres.

   - Combien de fois devrais-je vous dire de m'appeler Laël avant que vous ne le fassiez, za'ro ?

   Quand je le vois plaquer sa main contre son front, je repense à tout le sang qu'il a perdu mais je ne bouge pas pour autant, attendant sa requête même si je m'en doute déjà. À peine l'a-t-il demandé que je hoche la tête et je roule un peu avant d'ouvrir la première porte à gauche pour traverser le salon et atteindre la cuisine. Mais à peine la porte ouverte que j'entends un bruit sourd derrière moi ; za'ro s'est tout bonnement évanoui. Je sauve de justesse son bout de chaussure, son talon qu'il semblait tant chérir, et je le pose sur la commode à ma gauche. J'inspire profondément et je le soulève par les aisselles et à peine je commence à le dégager de l'entrée que Boyd entre. Je lui désigne le salon d'un oeil et, sans plus d'explication, il referme la porte derrière lui et monte chercher une serviette dans la salle de bain. Il redescend avec la trousse à pharmacie et, pendant que je tiens za'ro droit ( bon dieu qu'il est lourd le bonhomme ), mon fils stoppe l'hémorragie en quelques instants à peine avec des gestes précis. Il sèche ses cheveux et frictionne les vêtements, de manière à faire en sorte qu'ils soient humides et non trempés. Nous l'allongeons ensuite sur le canapé ( sur une autre serviette sèche, tout de même ) et Boyd va ranger tout ce qu'il a pris. Je nettoie le sang laissé sur le sol pour ma part et je pose la veste de za'ro sur le porte-manteau.

   Je retourne dans la cuisine pour prendre un verre d'eau et je vais ensuite m'asseoir sur le canapé, en remontant légèrement un de mes genoux et en installant la tête de za'ro dessus. Je le fais boire, lentement, vérifiant bien qu'il ne s'étouffe pas - ce n'est absolument pas mon intention - et voilà que Boyd débarque devant moi quand je pose le verre vide sur la table basse - en verre, elle aussi -. Je me lève en reposant doucement la tête de za'ro sur l'accoudoir du canapé, toujours évanoui qu'il est. Mon fils me parle alors, en russe évidemment.

- Duddy, t'es vraiment pas prudent. Tu frappes des gens maintenant ?
- Nope, on s'est percuté dans un virage.
- ... Ah c'est pour ça que tu saignes de la lèvre... J'ai mis ta veste dans la corbeille des vêtements à sauver. Et en parlant d'imprudence, tu fais rentrer des inconnus chez nous depuis quand ?
- Mi angelito*, tu baisses d'un ton. Za'ro est le cordonnier dont je t'ai parlé, je le vois si souvent que le qualifier d'inconnu est totalement hors de propos. Et quand il pleut et qu'on est blessé, la moindre des politesse est d'aider son prochain, surtout quand tu es la raison, du moins en partie, de ses blessures.


Je vois Boyd me lancer un regard noir que je connais très bien et il croise ses bras sur sa poitrine. Je m'apprête à regarder si za'ro s'est réveillé, mais le petit bonhomme recommence à parler, en anglais cette fois.

- Duddy t'es chiant, tu sais que je comprends pas le français !
- De rien, c'était gratuit.
- Quoi, tu veux me dire que je m'énerve pour rien parce que je ne le connais pas mais toi si ?!
- Mi angelito. Ça suffit. Je sais que tu es possessif, que tu t'inquiètes facilement, mais là tu dépasses les bornes. Si quelqu'un a besoin d'aide, une aide que nous pouvons offrir, nous l'offrons. Sans contrepartie derrière. Point barre. Et traites un peu mieux celui qui répare tes chaussures, un peu de respect pour le travail d'autrui que tu massacres chaque semaine.


   Boyd se tait brusquement et me fixe. Je soutiens calmement son regard, mon visage est toujours aussi doux et posé qu'à l'accoutumée. Mon fils soupire allègrement et décroise ses bras en posant son sac de sport sur son épaule.

- ... Hm. C'est vrai, pardon d'avoir crié. N'empêche t'es chiant de parler dans des langues que je ne comprends pas Duddy., il me lance, en souriant cela dit. Ah d'ailleurs, la* hermana* est déjà partie pour son cours de danse, elle dort chez des amies. Mummy a dit qu'elle allait travailler plus longuement sa thèse à la BU, elle risque de rentrer plus tard. J'y vais, Duddy. ... Et tu fais attention.
- Yup. Toi aussi. N'oublies pas de respirer correctement.


Je soupire allègrement et je vais m'asseoir dans le fauteuil, en attendant que za'ro se réveille. ... À moins qu'il ait tout entendu... Je relève mon regard vers lui. Non. ... Si... ?


Aymeric Peyrot
Aymeric Peyrot
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Lun 20 Juin - 20:22

Le sol se rapproche, mais il ne le voit pas arriver. Non, y’a juste quelques images, par-ci par-là, qui explosent devant ses yeux. Ça part dans tous les sens, comme si son cerveau déconnait, qu’il avait un court-circuit et qu’il lui balançait en vrac les dernières infos qu’il a reçu. Il voit M. Smith lui demander pourquoi on dit pas : " soignes-toi correctement bien ". Il s’entend lui répondre qu’il ne sait pas, que c’est comme ça. Qu’il y a des choses qui sont un peu bizarres, comme celles-ci, mais qu’il faut s’y faire. Et puis il s’observe parler anglais, tandis que Smith lui répond en français. Ils ont l’air ridicules. Et bon dieu que son accent est mauvais. Même lui s’en rend compte. Et finalement, la scène change. Le décor s’efface, il écoute M. Smith qui lui sort une expression qu’il ne connaît pas. Sur le coup, Aymeric avait souri, se demandant si M’sieur Smith, par ce « tarpin », ne le traitait pas de pute. S’il ne s’était pas trompé avec le mot « tapin ». Et puis, nouveau changement de décor. Changement de ton. Il se revoit, quelques secondes auparavant, alors que M. Smith insiste pour qu’il l’appelle Laël. Aymeric ne s’y fera jamais. Vraiment. Il ne peut pas s’empêcher, il a trop de respect pour M. Smith, pas assez d'égard pour lui-même, pour l’appeler Laël, comme s'il était un égal. Alors il avait répondu un « Sûrement toujours » avant d’ajouter un sourire un peu faiblard sur sa tronche. Et puis, noir.

Au moins, il n’a plus mal à la tête. Il ne pense plus à rien, même. Son cerveau se débranche complètement, y’a plus d’odeur, plus de couleurs, plus d’endroit ni d’envers. Y’a rien. Il n’entend pas M. Smith parler à son fils, il ne s’étonne pas d’entendre parler russe, il ne sent même pas qu’ils le déplacent sur un canapé. Y’a plus rien qui s’passe. Du moins, jusqu’à ce qu’on tente de le noyer. S’étouffant à moitié, il tousse plusieurs fois, revenant subitement à la surface. Il reprend ses esprits, clignant plusieurs fois des yeux, puis… Noir, encore. Il ne s’étonne alors pas d’entendre parler une langue qu'il ne connait pas autour de lui. Il ne réagit pas plus au français, ni à l’anglais. Il est trop loin.

Et puis finalement, il revient. Il entend quelqu’un lui conseiller qu’il faut respirer correctement. Peut-être que c’est la voix de la sagesse, peut-être même que c’est dieu en personne qui lui parle. Qu’importe. Si ça se trouve, c’est la même personne. Ou alors, c’est carrément quelqu’un d’autre, un oublié de l’histoire qui vient foutre ses gros sabots dans sa vie de cordonnier, pourtant déjà suffisamment chaotique. Mais il se fout de toute ça, en fait. L’argument lui paraît fondé, alors Aymeric le suit. C'pas plus compliqué que ça. Il se concentre sur sa respiration, délaissant momentanément son mal de crâne. Il prend une inspiration, une deuxième, et à la troisième, ouvre les yeux. Il met plusieurs secondes à réaliser qu’il est dans une maison qu’il ne connait pas, qu’il est chez M. Smith qui le regarde, là-bas, dans son fauteuil. Il pense alors à se redresser, mais ses bras sont comme deux poids morts, ils refusent d’écouter.

« Dour… mar plij.... » (traduction : de l’eau, s’il vous plaît)

Alors là, il va falloir lui expliquer pourquoi il se met à parler breton. Pourtant, sa mère n’est pas là, il l’a pas vu depuis des semaines. Faut vraiment qu’il lui téléphone ; si elle commence à le hanter en breton, c’est vraiment mauvais signe. La résolution ainsi prise, il se redresse légèrement et passe ses doigts sous son nez. Il ne coule plus. Puis il lance un regard vers Monsieur Smith. Il remet ses idées à leur place, puis prononce plus ou moins distinctement :  « S’il vous plaît, pourrais-je vous demander de l’eau ? ». Cette fois, pas de M. Smith, seulement le vouvoiement. Mais toujours en anglais. Va savoir pourquoi. À croire qu’Aymeric tient à cette espèce d’atmosphère de bizarreries qu’ils semblent aimer créer. Sans se forcer, il tente de s’assoir, mais finit par s’écraser de nouveau sur le sofa. Apparemment, il ne va pas pouvoir bouger pendant un certain temps. Soit. « Vous comprenez maintenant pourquoi on m’a refusé mon y-grec ». Parce que pour le coup, il n’a rien d’un héro antique. Ni même d’un prince des montagnes. Cette infirmière a eu du flair, y’a pas à dire. Et, en parlant de prénom, il se souvient de celui que lui répète avec obstination M. Smith. « M’steur ? Laël, it is a french name ? From Brittany ? ». Ça expliquerait sûrement son français. Mais sûrement pas son accent marseillais. Et puis si ça se trouve, il se plante complètement. Parce que même si ça ressemble beaucoup à Armaël, ou tout autre prénom breton finissant en –aël, ça veut pas dire que c’est breton. Ce serait même un sacré hasard. D’autant que, maintenant qu’il y réfléchit, il se rend compte qu’il y a un tas d’autres prénoms en –aël. Comme Ismaël. Et Ismaël, c’est franchement pas breton. Mais genre vraiment pas. Alors après tout, c’est peut-être une coïncidence. Mais coïncidence ou non, ça l’intéresse tout de même.

Sa phrase terminée, à l’écoute d’une réponse qui ne tardera sûrement pas à venir, Aymeric se redresse pour de bon sur le divan. Il se souvient alors qu’il est mouillé et que son cul est sûrement entrain de bousiller le canapé de M. Laël. Un peu brusquement, il baisse alors le menton vers le canapé et, ouf, se rend compte qu’il est protégé. Faut juste qu’il se rappelle de ne pas trop s’affaler sur le divan. Parce que le dossier, lui, n’est pas protégé. Il note l’info’, mais l’oublie tout aussi vite. Sa tête lui rappelle qu’elle existe, alors il vient poser son front dans une de ses paumes. Finalement, il aurait peut-être mieux fallu qu’il demande des cachets d’aspirine, plutôt que de l’eau. Tant pis, il prendra son mal en patience. Parce qu’il a déjà osé demander de l’eau et abuse allègremment du du canapé. Faudrait pas pousser le bouchon trop loin non plus.
Laël Smith
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Jeu 14 Juil - 11:51

© Yamashita sur épicode

And I will
explain with passion...





 Je suis assis dans mon fauteuil, une copie à corriger sur les genoux. Je me rappelle de son « sûrement toujours », aussi cliché que la fausse-question que je lui avais adressé. Un bref sourire traverse vaguement mes lèvres. J'annote la première réponse sur la copie au stylo noir, c'est plus un feutre-stylo noir en fait, et je me contente de remettre toute la déclinaison pour que Michael se rende compte de ses fautes lui-même. Je me rappelle des toussotements de za'ro quand je lui ai fait boire de l'eau, et de la lenteur que j'ai adopté en conséquence ; il ne s'est pas réveillé pour autant. Son corps avait sans doute besoin d'encore un peu de repos. J'annote le nombre de points qu'il a perdu dans la marge, au niveau de la ligne où il a fait une faute. Un erreur bête en plus, un oubli d'accent qui change sacrément la donne et qui peut faire passer un mot de la troisième déclinaison pour un mot de la première déclinaison. Comment dire que c'est le genre d'erreur bête mais tout de même grave ? Qu'il soit un étudiant en première année n'y changera rien, c'est justement en première année qu'il faut bannir ce genre de fautes du cerveau des étudiants sinon ils les referont toujours. Des erreurs d'étourderie arrivent toujours, mais rarement, certes... Je pose mon regard devant moi un instant. J'ai posé les livres que je transportais sur la table basse en verre, face à moi, et j'ai fini de sauver ce que je pouvais. Je me rappelle de ma discussion avec Boyd, ce petit bonhomme possessif et un peu radin mine de rien. Enfin... Rien d'anormal vu son âge, Maïa ne cessait de me répéter que je n'ai pas eu une vie normale et que Boyd avait des réactions normales pour son âge. Je ne comprends toujours pas de telles réactions, même si je peux en imaginer les raisons... ou du moins essayer. Je n'y arrive pas si souvent que ça.

   Une respiration profonde m'interrompt dans mes pensées et je passe à la deuxième question. J'écris calmement la conjugaison des verbes contractes, ou du moins le modèle qui y correspond ( αἱρ(ε)ῶ, αἱρήσω, εἷλον, ᾕρηκα,* « prendre » à différents temps ). Une deuxième respiration profonde a le temps de s'écouler alors que je note la conjugaison du verbe αἱρ(ε)ῶ au présent de l'indicatif. Une troisième respiration aussi s'écoule juste avant que je ne reçoive un message de Boyd qui m'indique qu'il est bien dans le bus. Je lui réponds par un simple « All right. » et je pose ma copie sur la table basse avec mon portable et mon stylo-feutre noir, à côté de mes livres, alors que za'ro ouvre les yeux en parlant... je plisse les yeux. C'est une langue celtique, qui a des airs communs avec les langues brittonniques. Enfin, c'est plus par déduction de son pays natal que je devine la famille des langues britonniques... Du breton ? Mon expression calme apaise mes sourcils et mes yeux, qui lancent désormais un regard tranquille sur le petit éveillé. Si j'ai deviné quelle langue il a parlé, je ne sais toutefois pas ce qu'il m'a dit ou demandé, bref, je n'ai pas compris ce qu'il a dit. J'ai appris à parler basque, occitan ( il faut qu'il s'y remette d'ailleurs parce qu'il est en train de l'oublier celui-là ), français ( de marseille et de toulouse question vocabulaire ) ( ce ne sont pas vraiment des références... enfin, il a l'accent des manuels de phonétique française ) ( ... ce qui n'est pas mieux en fait ) ( erhm, pardon, longue intervention du narrateur ), mais pas breton. Le breton fait partie des langues sur lesquelles j'ai dû faire une croix, une impasse, pour ne pas me submerger de langues et de céphalées.

   Perdu dans mes pensées, un bruit léger de tissu me fait regarder za'ro qui s'asseoit lentement tout en examinant son nez qui ne saigne plus. Il faut croire que la vocation de chirurgien a fait acquérir les bons réflexes à Boyd dans ce genre de cas, ou bien c'est Maïa qui lui a transmis les bons réflexes, voire même un mixte des deux. Je note dans un coin de ma tête qu'il faudra que je lui demande quand il rentrera de son cours de natation. J'entends za'ro murmurer quelque chose et je me concentre sur ses mots. De l'eau donc ? Logique, en un sens. Je prends le verre sur la table en verre ( la classe, tu vois ) ( ... ouais, c'est encore le narrateur, salut ) et je me lève en me dirigeant vers la cuisine.

- Tu veux quelque chose avec ça, za'ro... ?

Je demande tout de même alors que le pas qui me fait passer du salon à la cuisine est enfin franchi. Ce n'est qu'une question de changement de plancher et de bois ( et de couleur du bois aussi ) ( coucou c'est encore moi ) en soi. J'hésite un instant entre l'eau du robinet et l'eau qu'il y a au frigo. La deuxième est plus fraîche, elle est peut-être mieux, mais peut-être aussi que le choc thermique sera trop grand pour lui vu son état ? Le temps que je me décide, za'ro a déjà enchaîné sur un autre constat, comme quoi il mérite bien son i-pas-grec. Je me contente de hausser les épaules, parfaitement calme et tranquille, sans répondre néanmoins. Je n'ai rien à répondre de toutes façons, autant me taire. Mes pensées se redirigent vers mon dilemne entre l'eau fraîche et l'eau du robinet mais, à nouveau, une question de za'ro vient interrompre mes pensées.

   Brittany... ? Ah, la Bretagne... Je soupire légèrement en souriant quelque peu. Quel idiot je suis d'avoir directement pensé à notre Great Britain. Je réfléchis quelques instants, histoire de bien avoir sa question en tête et d'en saisir les causes. Ah... Il a peut-être cru qu'avec les sonorités de mon prénom, j'avais des origines bretonnes, d'où le fait qu'il ait parlé consciemment ( ou inconsciemment mon petit Laël ) ( t'as vu comment il grille les étapes et qu'il va vite en besogne, le prétendu prof ? ) ( ouais, c'est toujours moi ) en breton en se réveillant. C'est une option à considérer, peut-être que son petit évanouissement lui a ravivé le breton, ou des bons ou mauvais souvenirs en Bretagne... Qu'est-ce j'en sais, au fond ? Exactement. Rien. Spéculer et émettre des théories là-dessus est aussi vain que stupide, je n'ai qu'à lui demander et ce sera plié réglé, s'il ne veut pas répondre... je compte déjà chercher moi-même, donc tant pis, je lui redemanderai son avis plus tard s'il ne sent pas de me répondre maintenant au vu de son état. Ce n'est pas grave. Je pose le verre sur le comptoir, me tournant ainsi face à lui.

- Navré de te décevoir, za'ro, mais Laël est un prénom hébreu, non breton. Non breton ou et pas breton, d'ailleurs... ? Hm... Laël signifie « celui qui brille », à croire que mes parents voulaient fermement que je sois un rayon de soleil pour mon entourage. Pourquoi cette question, sinon... ?

   Ce prénom existe-t-il en breton avec une autre signification ? Je réfléchis une seconde, n'ayant pas de noms bretons qui me viennent à l'esprit. Je pense à Azraël et Gargamel, mais je ne pense pas que les Schtroumpfs soient une bonne référence pour ce que je recherche. Quoique, Azraël est un prénom breton, non... ? Il ne me semble pas que Laël soit breton, de ce que je sais c'est un prénom purement hébreu, d'où le fait que mes parents l'aient choisi pour moi d'ailleurs. Parce qu'il était en hébreu, et parce qu'il signifiait « celui qui brille » et donc, par extension, « porteur [de la lueur] d'espoir » et « rayon de soleil ». Je passe une main sur ma mâchoire et mon regard devient petit à petit de plus en plus froid ( wow, quelle syntaxe... profondément profonde... ). Non, Laël n'est définitivement pas breton. Peut-être est-ce parce qu'il finit en -aël que ça l'a induit en erreur ? Beaucoup de prénoms bretons se terminent en -aël... ? Je file dans mon bureau en passant par l'escalier, et je redescends avec un bruit d'éléphant discret en roulant vers le fauteuil avec un livre sur la morpho-syntaxe française, un traité sur la langue bretonne et un autre sur la culture ( et la mythologie ) bretonne. Je trouverai sans doute mes réponses là-dedans. Je pose ces livres sur la pile déjà présente sur la table basse.

   Za'ro finit par se redresser définitivement sur le canapé et regarder un peu autour de lui, d'abord la serviette plus ou moins sèche sur laquelle il reposait, puis le dossier du canapé qui ne possédait pas de serviette. Je cligne des yeux brièvement et je retourne vers le comptoir où le verre est toujours posé, et j'en reviens à mon dilemne premier. Eau du robinet ou eau fraîche ? Un bruit de parapluie qui se pose à l'endroit adéquat, puis un dézippement de k-way me fait sourire légèrement tout en interrompant mes pensées ( une fois de plus ) ( facilement distrait le petit, hein ? ) ( non c'est pas moi cette fois ). Alors que za'ro pose son front dans ses paumes, visiblement quelque chose ne va pas ( Laël t'es trop fort ), une femme aux cheveux blond platine déboule assez rapidement dans le salon en secouant sa tête pour se débarasser des gouttes de pluie gênantes. Il pleut dehors, donc.

- Mon ange, tu as encore foutu le bordel sur la table du salon., me lance-t-elle en anglais.

Elle fixe ensuite za'ro sans s'approcher de lui pour autant et repart assez vite en me désignant le frigo avant de disparaître dans les escaliers - vu le bruit des marches que je reconnaîtrais entre mille -. La scientifique de la maisonnée a parlé, de l'eau fraîche donc. Je sors une bouteille en verre pas aussi transparente qu'elle ne le devrait à cause du froid et j'en verse dans le verre de za'ro. Est-ce que c'est vraiment une bonne idée de lui refiler un si grand choc thermique qui risque d'empirer son état... ? Maïa revient assez vite avec trois boîtes, aspirine, doliprane 500 et doliprane 1000 ( ou un gramme comme elle me le martelait souvent ), qu'elle pose en face du Blond, façon à elle de lui dire qu'il choisit un des trois selon ses préférences et qu'il est plus à même de savoir ce qui lui convient. Je pose le verre d'eau à côté de tout cela.

   - Hop, tiens za'ro.
- ... Espagnol ou français, mon ange ?
, me demande-t-elle en russe.
- Français.
- Oh, pardon...
, dit-elle en russe d'un ton taquin au vu de mon air signifiant bien que se tromper entre de l'espagnol et du français est pour moi assez... gros tant les deux langues sont différentes. Elle reprend sa prise de paroles, en anglais cette fois-ci, de sa voix toujours aussi douce. Aymeric, c'est ça ? Bonsoir, je suis Maïa. ... Celle qui n'arrive pas à garder des chaussures saines pendant plus de deux semaines, haha. N'hésites pas à nous demander quelque chose, en attendant que tu te remettes c'est mieux que tu restes ici., lance-t-elle, tournant ensuite son visage vers moi pour m'embrasser brièvement en posant sa main sur ma pile de livres. Bonsoir, Laël.
- Bonsoir, mi dulce*.


   Je lui réponds d'une voix un plus suave que d'habitude. Maïa regarde la table basse qui est envahie et soupire en prenant son sac et en le posant sur le plancher du salon, à côté de la fenêtre. Elle sort alors une pile de livres, des feuilles et son ordinateur et se remet à travailler sa thèse. Je la regarde faire, un petit sourire malicieux étire mes lèvres et je me tourne vers za'ro en positionnant ma main devant mes lèvres, comme si je vais lui dire une confidence alors que je sais très bien que Maïa m'entendra. Et, même si je parle en français, je sais qu'elle comprendra plus ou moins ce que je dis au ton malicieux de ma voix. Même si, de base, mon intention est de faire comprendre à za'ro qu'il n'a pas à culpabiliser de la voir travailler par terre, ni à bouger pour lui laisser le canapé ; il n'y a qu'avec un plancher que Maïa travaille. Les carreaux ne marchent pas, les pavés non plus, parfois l'herbe fonctionne. Il n'y a qu'à la BU qu'elle travaille sur les tables... parfois. Même là, elle travaille par terre autant qu'elle peut.

   - Elle travaille toujours sur le sol, elle n'aime pas travailler sur les tables parce qu'elle se sent au tarp-... trop pousser des ailes et qu'elle ne veut pas se crasher avec de mauvais résultats. Philosophie intéressante, non... ?
- Laël, arrête de raconter des cachotteries en français. Tu me déconcentres.
, dit Maïa en anglais sur un ton monotone en agitant ses feuilles et en notant au crayon dessus, pianotant sur son clavier dans le même temps, comme si j'agis toujours ainsi avec quelqu'un qui découvre les habitudes de travail de ma fiancée ( ce qui est totalement vrai, Laël ) ( ouais, cette fois c'est moi ) et que, depuis le temps, ça l'a blasée ( c'est faux, elle est juste en train de travailler ; je sais que ça l'amuse au fond mais qu'elle réagit ainsi pour ne pas se déconcentrer complètement ).
- Pardon, elle travaille normalement sur le plancher de son bureau qui se trouve à l'étage. Hm... Tu as besoin d'autre choses, za'ro ? Ça va un peu mieux... ?




Pour les petites astérisques :
Aymeric Peyrot
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Mar 6 Sep - 15:02
Un prénom hébreu donc. Finalement, Aymeric avait vu juste. À quelques lettres. À quelques erreurs géographiques, historiques et linguistiques près. Il est vrai qu’avec un peu d’imagination, le mot breton est proche de celui d’hébreu. S’enorgueillissant avec mauvaise foi de sa fausse lucidité, le Béarnais écoute les explications sur le mystère du prénom en -aël. Il demanderait bien si Laël, puisqu’il faut l’appeler par son nom, a finalement réussi à tenir le pari de ses parents, s’il a fini par le rayon de soleil qu’ils désiraient tant. Ou si, comme lui, c’est un raté et que son prénom a finalement été lavé de toute lettre de noblesse. Mais le Pyrénéen n’ose pas. Il se contente seulement d’hausser les épaules à sa question, puis l’observe se hisser à l’étage. Il profite de ce moment de repos pour s’écraser à nouveau contre le dossier du canapé. Il observe mollement les environs, songeant distraitement qu’au bout d’un moment, il va bien falloir qu’il se retire. Et ça, ce n’est pas une mince affaire (surtout pas avec Aymeric, tmtc). Va falloir y aller avec douceur, sans paraître hâtif et cette idée le fait soupirer. Ce genre de trucs, il ne sait pas faire. Pour se foutre dans la merde (…), il répond toujours présent, par contre pour s’en tirer, j’peux te dire que ça ne se bouscule pas au portillon.

Des bruits de pas le tirent de sa rêverie. Redescendant de ses nuages, il se rappelle combien son front est lourd à porter et à quel point son hôte semble ne pas s’en rendre compte. Plaçant sa joue dans sa paume, les sourcils froncés, il tente de lire le bouquin que le professeur de lettres vient de déposer devant lui. Et en fait, il se rend compte qu’il y en a trois. Le premier porte sur le français apparemment, mais pas sûr, puisqu’il ne comprend même pas le titre. Sérieux, la morpho-syntaxe, qu’est’c’est ça ? Morpho, comme Morpheus, dans Matrix ? Bizarrement, il a beau être con, il se rend vite compte que ce livre n’a certainement rien à voir avec la Matrice. Morpho, ça vient sûrement plus de Morphée. Donc un livre qui traite de la syntaxe du sommeil… ? Putain, c’est n’importe quoi. Ça n’a aucun sens. Aymeric abandonne et passe au troisième bouquin. Lui, par contre, il l’intéresse. Il déplace alors le deuxième, celui qui traite de la langue bretonne, et attrape celui sur les mythologies. Avec ce type de bouquin, Aymeric est toujours un peu sceptique, tant il connaît les bretons et leurs propensions à inventer des tas d’histoire et de leurs foutre le sceau de " histoires 100% traditionnelles ". Du coin de l’œil, il voit le professeur s’éloigner vers la cuisine. Il ne s’en formalise pas, trop occupé à lire les quelques lignes consacrées à Brocéliande. Désormais perdu au beau milieu de ladite forêt, entre deux korrigans et une fée désaxée, Aymeric ne relève la tête que lorsque la porte d’entrée s’ouvre. Y’a un soleil qui s’invite dans le salon et il ne trouve rien de plus intelligent que de faire tomber le bouquin d’entre ses mains. Bredouillant un « Oups », suivi d’un « Hell-how » à peine murmuré. Oui. Y’a un soleil qui débarque et lui, il fait le con. Soleil qui, apparemment, se fout complètement de lui, puisqu’il s’éclipse (jeudemotdrôle) déjà dans les escaliers. Tant pis. Il a à peine le temps de ramasser le bouquin et le déposer sur la table, que le soleil revient déjà avec trois boîtes de cachets. Béni soit-il. Cela dit, il ne comprend rien de ce que la demoiselle dit. Son langage est bizarre. Mais à la limite, ce n’est pas ce qui le perturbe le plus. Non, ce qui l’embête réellement, ce sont ces trois boites. Pourquoi trois boîtes ? Il doit choisir l'une d'elles ? Ou prendre tout d’un coup ? Ou juste les regarder en espérant que le mal de crâne disparaisse ?

Le jeune homme soupire. Il n’a aucune idée de ce qu’il doit faire de ces trois boites. Il ne prend jamais de médocs, en temps normal. Misère, comment faire. Il n’ose pas demander, de peur de passer pour un con. Alors, le geste pas trop sûr, il prend la première boîte qui vient. Doliprane 1000. Bon. Il en reste deux. Supposant qu’il doit finir la boîte, il prend les deux cachets dans sa main. Et il attrape la boite de 500. Il en reste que deux. Bon, il suppose qu’il doit aussi finir la boîte. Alors il les prend aussi au creux de sa main. Il attrape ensuite la boîte d’aspirine, relevant doucement le nez vers le soleil qui se présente en anglais. Il acquiesce lorsque ladite Maïa le salue et se présente. Il sourit même un peu à ses mots, baissant alors le regard vers ses pieds. Il lui demanderait bien les correctifs qu’il a apporté à ses godasses améliorent sa marche, si ça l’aide à ne pas (trop) niquer ses semelles. Mais il se contente d’un « fanks », un peu trop impressionné de parler à un soleil pour répondre plus adéquatement. De toute façon, il a trop mal à la tête pour bafouiller des phrases en anglais. Alors il hoche la tête lorsque le professeur lui explique que c’est normal si sa femme bosse par terre, se préoccupant bien plus de son mal de tête. Tout en l’écoutant, il gobe ses 3g de doliprane, like a boss, comme ça, sans un mot, ni même une grimace. Un héros, j’vous dis. Surtout que les cachets étaient censés être dilués. Mais bon, tant pis. Et puis, en reposant son verre, il se rend compte qu’il a oublié les aspirines. Bon. Ouvrant la boîte, il en découvre deux. Encore. A croire que la dame a préparé les boîtes pour qu’il sache quoi prendre. Sans réfléchir davantage, il gobe les deux cachets, d’un coup. Au moins, il n’aura plus mal. Il n’aura même plus jamais mal, le petit.

Il se sent de plus en plus lourd. Mais aussi très léger, bizarrement. C’est complètement fou, son cerveau ne répond même plus à tous les stimuli qu’il reçoit. Alors Aymeric se contente de sourire comme un crétin, faignant que tout va bien. Mais il est complètement défoncé et il n’arrive même pas à faire croire qu’il est plus ou moins normal. À un tel point qu’il décide de faire comme la dame de M. Smith. Après tout, si ça lui permet de ne pas partir trop loin, ça peut ne pas être plus mal. Encore que, il est déjà très loin le Pyrénéen. Alors il s’assoit ou plutôt, tente de se lever, se casse la gueule, retombe sur le canapé et glisse lamentablement sur le sol. Tout est contrôlé. Il y reste quelques instants, le nez en l’air, cherchant avec son sourire de con le regard de M. Smisse. Il vient tout juste de se rappeler qu’il lui a demandé si ça allait mieux. C’est ainsi que, trois plombes plus tard, complètement hilare, il répond à une question qu’on lui a posé bien deux minutes auparavant :

« Yé, Aym fayne, au tarpin ! »

Il va tellement bien qu’il s’affale sur le sol. Et puisqu’il est trempé, il ressemble plus à une serpillère détrempée qu’à un bonhomme. Mais tant pis, il est à trois mille kilomètres du sol pour s’en soucier. Il préfère s’amuser avec le sol, à ramper dessus et à essayer de rejoindre le soleil nommé Maïa, tout en riant aux éclats. Y’a plus aucune cohérence dans sa tête et c’est franchement triste. Le narrateur est consterné. Et que dire des personnes présentes dans cette salle. Mais Aymeric ne remarque rien, il se contente de s’agiter sur le sol. Puis de s’arrêter. Non, il ne se rend pas compte de la connerie de la situation, il est simplement occupé à regarder les pieds de la dame. Retrouvant son calme, il fronce les sourcils, les observe encore un moment, puis tente de se relever. Mais il n’y arrive pas, alors il se contente de s’allonger sur le dos. Il a encore envie de vomir.

« Madame Maïa, ce sont des chaussures Richelieu que vous devriez porter. Bzz bzz »

Oui, il imite l’abeille. Va savoir pourquoi ce con a pensé au dessin-animé de Maïa l’Abeille. Oui, son état se dégrade. Tandis qu’au départ, tout en elle évoquait le soleil, les divinités sud-américaines, voilà qu’il revient au stade anal (… si j’ose dire) et pense à des gamineries. Tant pis. Il force sur ses coudes et s’assoit. « Je vais vous laisser, faut que je finisse ma chaussure. Bzzbzz ». Cherchant dans sa poche, il sort son bout de truc en cuir, ce bidule qui ressemble à tout – et surtout – n’importe quoi et le brandit vers la madame assise. « Merci pour tout. Bzzbzz. ».

Il a encore une nausée qui engorge son estomac et il tente de l’oublier en imaginant les étapes à franchir pour se relever. Et c’est dans ce genre de moment-là que tu te rends compte pourquoi c’est si difficile aux gosses d’apprendre à marcher. Ça n’a rien de naturel. Aymeric s’en rappelle à ce moment-là. Se foutant à genoux, s’appuyant sur ses poignets, il y va petit à petit. Il agrémente chacun de ses gestes par des « Bzzbzz », la mine très concentrée. Il est si bien défoncé, qu’il ne se rend pas compte que son comportement est ultra-bizarre. Mais c’est pas grave. Ce n’est pas la première fois – et sûrement pas la dernière – qu’il passe pour un con.
Laël Smith
Laël Smith
Professeur de Philologie
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Mer 28 Sep - 14:46

   
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   observe you carefully...
   





       Maïa se contente de sourire au remerciement de za'ro, avec sa main qui se relève au niveau de son visage comme pour dire que c'est normal et qu'il n'a pas à la remercier pour ça. Je pose le verre d'eau fraîche face à za'ro, à côté des trois boîtes de médicaments que ma fiancée vient juste de poser sous son nez, tout en parlant un peu avec ma douce. Et c'est en me penchant que je remarque que quelque chose ne va pas. J'ai bien noté l'hésitation de za'ro, après tout peut-être ne sait-il pas lequel sera le plus efficace selon son état ou bien qu'il essaye de comparer avec ses médicaments de référence et voir s'il le retrouve dans le trio ( ou bien t'oublies que certains sont pas habitués aux médoc's mon p'tit Laël ) ( ouais c'est moi ), néanmoins mon constat ne concerne pas za'ro mais moi-même. Un vertige m'a pris alors que je me suis légèrement penché en avant et je m'assois confortablement dans le fauteuil, avec des gestes encore plus lents qu'à l'accoutumée.

   Je calme de suite ma conscience en mettant mon pied au thorax des pensées parasites. Rester calme me permet toujours de résoudre les différents problèmes qui se jettent sur moi. Je plaisante un peu en parlant des habitudes étranges de Maïa à za'ro pour me redonner contenance ; ma fiancée se contente de répondre sans grande conviction avant de se laisser totalement absorber par son travail. Même avec cela, ce que j'ai remarqué un peu plus tôt ne part pas. Cela semble bien ancré et bien décidé à s'accentuer avec une lenteur doucereuse. Je mets ma tête entre mes genoux, je respire lentement et je devine tout de suite ce qui ne va pas en portant une main à ma tempe.

   - .تَبًّا ( Merde. )

       Je roule vivement vers l'escalier, ma fiancée relevant juste la tête vers moi pour voir ce qui se passe ; je lui fais un signe de la main pour lui expliquer que je peux me débrouiller seul. Je suis encore en mesure de mater un début de migraine tant que je m'isole dans un endroit calme, sombre et sans bruits - ou seulement des bruits sourds. Je monte lentement les escaliers et je roule vers ma chambre en refermant la porte derrière moi. Je m'adosse à celle-là en me laissant glisser jusqu'au sol, en posant naturellement ma tête sur mes genoux. Respirer lentement. L'inspiration amène le dioxygène, la localisation du problème, et l'acceptation qu'il y ait un problème dans le corps. L'expiration fait sortir le dioxyde de carbone, la douleur, le problème, de l'intérieur du corps. J'enchaîne ainsi environ une trentaine de respirations lentes, calmes, profondes, qui se font de plus en plus posées. Je redresse lentement la tête, en gardant toujours les yeux fermés, et c'est en me relevant encore plus lentement que mes yeux s'ouvrent prudemment. Ma respiration s'intériorise doucement et j'ouvre la porte pour rouler vers la salle de bain. Je mets ma tête dans le lavabo, sous le robinet, et je fais couler sur mon crâne de l'eau tiède - plutôt chaude d'ailleurs - pendant une minute, à peu près.

       Je me dégage du lavabo et je redescends après trois ou quatre minutes d'absence. Mon œil droit a dû recevoir trop de lumière aujourd'hui - j'avais un néon en pleine figure pendant toute la matinée qui ne m'avait pas gêné sur le coup ( non Laël n'est pas masochiste ) ( encore que... ) ( hey coucou, c'est encore moi ) -. Je note cette information dans un coin de ma tête et la première chose que je vois en entrant dans le salon c'est za'ro. Exactement, je vois un za'ro retomber sur le canapé - sans doutes s'était-il levé juste avant, ou redressé qu'en sais-je - puis glisser sur le sol en emportant la serviette avec lui. Je roule lentement vers le Blond, tout en jetant un regard à Maïa qui est trop absorbée par son travail pour se rappeler notre existence, et je demande alors à za'ro si il veut autre chose et si il va un peu mieux. Je plante mon regard dans celui du Breton ( Pyrénéen mon p'tit Laël, mauvaise pioche dommage pour toi ) ( c'pas moi cette fois, j'te jure ) et vu son temps de réponse et son sourire d'imbécile heureux, j'en déduis assez vite qu'il ne va pas un peu mieux non. Mon expression faciale reste calme et je positionne mes pieds en un parfait angle droit, m'accroupissant à côté de la table, face à za'ro.

       La phrase du Blond ne me convainc absolument pas. Il dit ça soit pour me rassurer, soit pour tenter d'oublier sa douleur en espérant la faire partir de cette manière - ce qui marche assez bien pour de simples maux, j'en conviens -, soit parce qu'il n'a plus conscience de sa propre douleur. Et s'il n'a plus conscience de sa propre douleur... c'est qu'elle doit être trop forte. Je penche légèrement ma tête du côté gauche ; je réfléchis beaucoup trop. S'il faut, la réponse est beaucoup plus simple ( oooh, belle intuition mon p'tit ). J'arque légèrement un sourcil et je me penche vers les boîtes de médicaments, toutes trois ouvertes. Je cligne cinq fois des yeux en l'espace de deux secondes tandis que za'ro rejoint Maïa en rampant et en riant aux éclats.

   - Hm... Mi dulce, je ne suis pas un expert mais n'était-il pas censé prendre un seul cachet d'une seule boîte... ?

   Je pose ma question en russe, regardant les trois boîtes ouvertes... et vides. Je passe une main dans mes cheveux tout en redressant ma tête et en me relevant, une boîte dans ma main libre. Za'ro se sentait-il si mal que ça pour avaler... combien de cachets en tout d'ailleurs ? Je regarde za'ro, qui vient de s'allonger sur le dos, puis ma fiancée qui s'apprête à me répondre. Za'ro lui coupe cependant la parole. ... Bzzbzz ? Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres, avant que mon regard ne s'emplisse de sérieux. Mon visage redevient calme, posé, et mon sourire disparaît assez vite.

       Ma fiancée lève enfin les yeux vers moi puis vers les trois boîtes ouvertes... et elle soupire. Ah. Bien, donc quelque chose ne tourne vraiment pas rond chez za'ro. Donc il n'était pas censé prendre autant de cachets, quel que soit le degré de sa douleur. Ma douce a dû être trop plongée dans son travail pour s'occuper pleinement du Blond. Je suis interrompu dans mes pensées ( comme toujours, t'as l'habitude maintenant ) ( j't'ai bien briefé sur ça dans mon précédent rp t'façons ) par za'ro qui annonce son départ en brandissant son bout de chaussure - qui, décidément, me fait toujours penser que za'ro deviendra vite un bottier de talent. Maïa s'empare avec douceur du poignet du Blond et le tire plus qu'elle ne le guide vers le canapé où elle le force plus qu'elle ne l'amène ( t'as vu un peu mon parallélisme de construction syntaxique ? ) ( ouais j'sors de cours, j'confirme ) à s'allonger sur le canapé, après avoir remis la serviette un peu ( si peu, si peu... ) humide maintenant sur ledit canapé. Ceci fait, elle prend toutes ses affaires, me désigne moi, puis mon œil droit, et enfin za'ro, et elle monte à l'étage. Un sourire léger se dresse sur mes lèvres. Sans doutes un aspect de son rapport de stage qui est important, d'autant qu'elle n'est pas insomniaque contrairement à moi. Je soupire en m'étirant comme un chat, remplissant de nouveau un verre d'eau fraîche que je pose sur la table avant de m'assoir par terre, à côté du canapé, m'appuyant sur mes bras que je tends derrière moi une fois les fesses posées confortablement sur le plancher. Je tends mes jambes devant moi, n'enlevant pas mes rollers - pas envie - et je tourne ma tête vers za'ro qui continue ses bruits d'abeille.

       Je me remémore un instant sa mine très concentrée quand il s'est relevé, ponctuant ses bruits de bzzbzz plutôt amusants à entendre. La froideur de mon regard disparaît quand je me concentre sur za'ro et que je pose une main sur son épaule, et pour le rassurer de ma présence et pour le dissuader de s'en aller et pour lui faire comprendre que s'il a besoin de quelque chose il n'a qu'à demander. Les gestes suffisent, dans ce genre de cas, pour communiquer des idées aussi simples ( pour toi mon p'tit Laël ) ( seulement pour toi ). Je profite de ma position pour faire des micro-mouvements et ainsi redresser et relâcher mes épaules, travaillant mes muscles dorsaux au passage. Alors que je m'apprête à reprendre ma correction de copies - laisser traîner du travail n'est jamais bon de toutes façons -, Maïa redescend pour poser une bassine par terre, à côté de la tête de za'ro - soit sur mon ventre, penché de part ma position actuelle - et repart aussi vite qu'elle n'est arrivée. J'arque un sourcil amusé et je me colle contre la table basse, sans changer ma position, pour caler la bassine sur le plancher, entre le canapé et moi-même.

   Je regarde za'ro juste avant de plonger dans la correction de ma copie et de passer à la question trois, décidément les étudiants font exprès de mal accentuer les mots précédant les enclitiques nom d'un Aristophane farceur, et en le regardant je me dis que la meilleure chose à faire est peut-être de lui faire avaler du riz, qu'il boive beaucoup d'eau mais qu'avant ça il ait pris une douche glaciale. J'arque un sourcil. Ou peut-être pas. D'après la scientifique de la maisonnée, le meilleur moyen serait qu'il vomisse. Très bien.

- Za'ro, si tu as envie de vomir tu as une bassine juste là.

Je précise ( enfin, tu me diras, enfin ) ( hahaha... ouais, cette fois c'est moi ) en désignant la bassine à côté de moi de mon index droit. En faisant ce geste, ma main gauche a commencé machinalement à entourer toutes les erreurs d'accents que j'aperçois du coin de l'oeil, puis mon visage se concentre sur ma copie. ... Oh, une erreur d'esprit en prime... Quand deux rhô se suivent, le premier a un esprit doux et le deuxième un esprit rude. Il me semble que le meilleur héritage que j'en ai tiré et qui me vient à l'esprit est un mot français, diarrhée. ... Je jette un coup d'oeil à za'ro. Hors de question de le laisser partir dans cet état.

   

   
Aymeric Peyrot
Aymeric Peyrot
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Ven 14 Oct - 16:52
C’est maintenant La Chevauchée des Walkyries qu’il chantonne en imitant le bruit d’une abeille. Le résultat est lamentable, mais – et il faut l’avouer – assez proche de la version originale. Si ce n’est les bzz bzz répétés et que le chef d’orchestre est accroupi par terre, complètement défoncé, et qu’il guide un orchestre imaginaire du bout des doigts. Bref, ça ne va toujours pas mieux du côté d’Aymeric. Ça empire presque lorsqu’il bzzote bzzoote du Tchaikovsky et qu’avec sa semelle, il imite les danseurs du ballet des lacs des Cygnes. Comme s’il jouait aux poupées, le garçon retombe au stade anal (si j’ose dire) et rejoint peu à peu son monde. Ce monde qu’il a créé de lui-même, ce monde où il s’enferme parfois pour oublier que le Vieux là-haut, ce « Dieu » - ou qu’importe son nom -, a dû bien se foutre de sa gueule lorsqu’il s’est rendu compte qu’il l’a envoyé sur le mauvais siècle, le mauvais monde, la mauvaise planète. Et si d’habitude, c’est pour respirer un peu mieux, aujourd’hui, il y retourne naturellement, comme si finalement, cette évasion loin de la réalité, cette envie de partir sans pour autant bouger, c’était lui.  Son vrai lui, celui qui ressort lorsqu’il n’a plus le contrôle sur rien, lorsqu’il perd tous ses moyens et surtout lorsqu’il est complètement défoncé. Comme maintenant. Le monde lui paraît si instable, si rapide qu’il ne prend plus la peine d’y faire attention. Il imagine seulement son bout de chaussure mal faite comme un danseur étoile, et ça lui suffit pour le moment. Du moins, jusqu’à ce que le monde réel re-pointe le bout de son nez sous la forme d’une bassine.

Il ne comprend pas vraiment ce qu’on attend de lui. Monsieur Smisse lui parle de vomi, mais lui, il se sent très bien. Un peu trop bien, même. Alors il regarde le seau avec son regard de merlan frit, puis décide qu’il s’agit d’une épreuve. Parce qu’il ne peut s’agir que de cela. Inventant alors tout un défi, le jeune homme se relève, le seau en main. Jetant un coup d’œil vers le professeur, Aymeric dépose le seau sur sa tête. Ça fait un peu ton sur ton, un sot qui porte un seau (…mouais, pas fier de celle-là, mais passons), mais il ne s’en rend pas compte. À son stade, il ne se rend plus trop compte de rien. Ni de son ancien mal de crâne, de sa fatigue, ni de son air ridicule. Alors il pose le seau en équilibre sur sa tête et tend les bras à côté de lui, tel un équilibriste. Et puis il avance. Un pas, deux pas et le seau tombe. Aymeric le ramasse et recommence son petit cirque. Il ne se rend pas trop compte du boucan qu’il peut bien produire, il est trop occupé à disputer son seau, à le sermonner de ne pas vouloir rester sur sa tête. Et il finit par avoir un fou rire quand, dans un coup critique de lucidité, il réalise qu’il cause à un seau. Il ricane pendant bien quelques minutes, à s’en faire chialer, puis se calme lorsque le souffle commence à manquer. Il prend alors enfin le temps de regarder autour de lui, d’explorer les environs du regard. Il ricane encore un peu, puis se dirige, son ami le seau sous le bras, vers un coin de la pièce. Jusqu’alors, il n’avait pas trop fait attention à ce détail, mais il y a un piano.

Déposant délicatement son seau à côté de l’instrument, Aymeric pose sa main sur le couvercle, le lève et pose sa main sur le bois. Il appuie ensuite sur une note, puis s’assied devant le nouveau centre de son attention. Il appuie sur une autre touche et juge le son plutôt satisfaisant. Faisant encore deux-trois essais, il se rappelle rapidement le principe et juge que, finalement, c’est vraiment plus simple que l’accordéon. Les mains au-dessus des touches, il réfléchit quelques secondes à ce qu’il pourrait bien jouer. Le truc, c’est qu’il n’a qu’une valse musette en tête. Ça valait bien le coup de s’entrainer pendant dix-sept ans à l’alto pour finalement se faire embrumer la tête par quelques refrains populaires. Tant pis, il fait encore quelques essais sur les touches, et se décide finalement à tenter l’une des chansons qu’il s’amuse toujours à jouer sur les quais de la Tamise. Celle qui lui rappelle à quel point il est Français, celle qui le transporte un peu vers chez lui, sans faire le moindre pas. Et même si ça fait sourire les passants de voir ce con de Français se trimbaler avec son accordéon et son béret, comme dans les films, lui, ça lui fait toujours bien de se rappeler ses montagnes. Et tant pis si ça fait cliché, tant pis si les passants sourient devant ce petit con de Français qui porte son béret et son accordéon comme s’il vivait dans un vieux film en noir et blanc.  Et comme, sans trop savoir pourquoi, la Tamise lui manque brusquement, Aymeric dépose ses mains sur le clavier et s’attèle à jouer quelques airs tirés du film Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain . L’ironie est qu’il n’a jamais vu ce film. Alors lui, du haut de son accordéon, avait imaginé toute une histoire reliée à cette chanson qu’il joue comme bon lui semble, selon l’inspiration du moment. Il avait même poussé le vice en la surnommant, La valse d’Émilie, en souvenir de cette fille qui lui avait appris cette mélodie. Bien sûr, elle lui avait dit que ce morceau était tiré de ce film, mais Aymeric était certainement trop occupé à se perdre dans son monde pour retenir cette information. Alors, depuis, il joue La valse d’Émilie quand il le peut, un peu comme on se remémore un bon souvenir.

Totalement absorbé par sa tâche, Aymeric ne fait plus attention à ce qui l’entoure. Après plusieurs essais, il trouve enfin le bon enchaînement pour cette valse qu’il apprécie. Et quand il peut enfin la jouer avec le rythme normal, il se rend compte à quel point le piano semble dénaturer la version originale de sa chanson. Et ça le fait froncer les sourcils. Alors il se dit qu’il doit faire quelques arrangements. Ce qu’il fait ; et voilà qu’il pianote, comme s’il n’existait plus que ce piano et lui sur Terre. Il continue quelques minutes, désormais totalement rincé de toute bizarrerie, trop occupé à se concentrer sur sa mélodie pour être con. Lorsque le résultat lui paraît satisfaisant, Aymeric tente d’autres morceaux, prêt à découvrir les merveilles que peut offrir un piano. Puis, lorsque les enchainements se font plus difficiles, Aymeric clôture son morceau et referme le couvercle du piano. Il se rappelle alors où il est et jette un coup d’œil vers le professeur. Il avait complétement zappé qu’il bossait à côté.

Prenant soudainement conscience du raffut qu’il a dû occasionner, Aymeric ouvre la bouche, prêt à s’excuser. Les mots tardent un peu à venir, comme si les derniers effets de son overdose de cachets décidaient de se manifester à ce moment-là. Il se mord alors la joue et vient se gratter machinalement la nuque. Il ne sait pas trop quoi dire. Il s’est imposé, a agi comme s’il était chez lui et a même osé toucher un instrument sans demander la permission. Pourtant, lui-même sait à quel point il déteste qu’on touche son instrument sans sa permission (… sans sous-entendu, vraiment). Alors il ramasse le seau, comme s’il voulait occuper à tout prix ses mains, comme pour éviter qu’elles décident, encore une fois, de faire ce qui leur chantent.

« Sorrrrri M. Smisse if i have troublèd your worke ».

Bon, l’accent, la syntaxe et tout ce que tu veux, ce n’est toujours pas ça. Et ça ne s’arrange pas avec les phrases qui suivent : « Ouen Ail si an… instrument ? I want to plaïll wiv hit ». La phrase est pleine de sous-entendus et Aymeric ne s’en rend pas trop compte. Il est, de toute manière, trop occupé à récupérer son bout de chaussure, à la ranger dans sa poche et à ramener le seau vers le professeur. « Ail’me feelingue béteur. Merci pour tout ». Et il lui sourit. Il a fait suffisamment de conneries pour aujourd’hui, il va peut-être penser à rentrer, avant de causer d’autres catastrophes.
Laël Smith
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Lun 26 Déc - 18:12

   
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       Après un coup d'oeil et un conseil donné à za'ro, que la scientifique de la maisonnée a formulé en silence et que je trouve bon de clarifier pour éviter tout malentendu ( fail numéro un ), je me plonge dans la correction de ma copie. Après la question sur la déclinaison et celle sur la conjugaison vient une simple et courte phrase de thème ( de deux lignes la phrase ) ( deux lignes d'ordinateur ) ( simple et courte la phrase, n'est-ce pas ? ) ( coucou c'est moi ) et je me rends compte que j'ai oublié de faire une explication sur l'accentuation de l'ionien-attique. Il faut dire que les copistes du Moyen-Âge n'ont rien arrangé à cette complexité et en ont rajouté d'autres au passage. Je lis la phrase en entier et un sourire en coin, amusé, se dessine lentement sur mes lèvres. Je sais d'avance quel lexique anglais-grec ancien Michael a, pour avoir un vocabulaire et une syntaxe non-classique pareille il n'y a qu'un seul lexique possible. Il va falloir que je fasse aussi un topo là-dessus. Je prends une feuille blanche à part et je sors mon stylo-feutre rouge et mon stylo-feutre bleu. Je note en rouge en haut l'accentuation et les tournures non-classiques, et je souligne le tout deux fois. Je reprends la correction, arquant un sourcil aux horreurs que je peux lire. Une erreur d'esprit sur un double rhô, la seule exception où un rhô prend un esprit doux ? Don't fuck with me. À vous filer la diarrhée c'te connerie, et en français s'il vous plaît. Les héritages sutbils de l'ionien-attique se voient très bien en français, quand on sait où les chercher évidemment. ... Je tourne un oeil vers le Blond ( en parlant de français tu vois ) ( l'esprit de Laël est vachement logique en fait... ) ( coucou c'est encore moi ) et je le vois debout avec la bassine sur la tête en guise de casque. Il joue aux équilibristes, tombe, fait tomber plusieurs fois la bassine en la réprimandant et la scène me fait éclater de rire, d'un rire doux, sincère, quelque peu malicieux aussi. Je devance de peu son ricanement incontrôlé.

- Je comprends mieux pourquoi je t'ai donné un surnom en espagnol, tu as des airs de Don Quijote de la Mancha* insoupçonnés za'ro.

       Et le voir agir ainsi me rassure sur deux points ; heureusement qu'il est chez moi et hors de question qu'il parte dans un tel état. Un Don Quichotte qui parle à moitié français à moitié franglais dans les rues de Londres et qui joue aux équilibristes... on va éviter les accidents inutiles. Mon rire se calme bien avant son ricanement, qui se poursuit suffisamment longtemps pour que j'hésite à me relever. Il a tant de souffle que ça le za'ro ou il s'arrête seulement pour éviter l'hyperventilation ? Je penche ma tête de côté ; peut-être qu'il... pleurait de ricanement ( pleurer de rire, de ricanement ) ( putain mes néologismes ont tellement la classe, avoues ) ( c'pas moi j'te jure ), tout simplement. Je n'en sais rien, tant qu'il le sait lui c'est l'essentiel. Je le vois dévier son regard vers le piano et un sourire doux étire légèrement mes lèvres. Je commence à replonger dans ma copie après avoir vérifié qu'il ne va pas abîmer le piano du salon. Un piano demi-queue comme ça, positionné de manière à profiter le plus de l'acoustique des lieux, se surveille de près et ne doit jamais subir ne serait-ce qu'une seule éraflure. Aux premières notes que j'entends et qui me font fermer les yeux de délice, je me dis qu'il va falloir que j'appelle Jane pour qu'elle accorde le piano. J'entends de très légères dissonnances, suffisamment faibles pour ne pas interférer dans la mélodie que je reconnais très vite mais qui sont tout de même là. Je me replonge dans ma copie avec les airs du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain dans les oreilles, mon expression calme et tranquille s'apaise et laisse transparaître une sérénité parfaite de mes traits. Quelques essais, quelques ratés, mais finalement le tout commence à s'enchaîner de plus en plus fluidement. Je suis à la question sept, une autre phrase de thème ( très courte et excessivement simple, bien sûr ) ( toujours avec Laël, voyons voyons ) ( ... ah non, alors là je dénie, c'vraiment pas moi ), lorsque Za'ro s'essaie à d'autres mélodies qui me permettent de plonger de plus belle dans mon travail bien que mon oreille interprète quelques petites notes ou effets de rythme comme des erreurs. Il y en a moins que sur cette copie, c'est déjà un bon point... Le couvercle du piano se referme, me sortant de ma transe professorale, alors que je commence tout juste à attaquer la dernière question.

       Je relève la tête pour voir le Breton ( Pyrénéen Laël, Pyérénéen ) ( ah j'vous jure, et ça prétend ne pas juger après... ) ( cette fois c'est encore moi ) qui ouvre la bouche, semblant être sur le point de dire quelque chose pourtant aucun son ne sort de ses lèvres. J'arque un sourcil interrogateur et je me replonge dans ma copie, surtout pour la terminer vu que je ne suis pas loin de la mater celle-là. Le travail remis au lendemain est un vice dans lequel je ne m'engouffrerai jamais d'un nanomètre. Un piège comme ça, pas question, c'est à vous dérégler de toutes vos habitudes la procrastination. Je remarque un geste de za'ro du coin de l'oeil mais je ne m'arrête pas dans ma correc... hein ? Je cligne des yeux et je regarde la copie de Michael comme s'il s'agit d'un miracle. Oh bon sang. Nom d'un Démosthène courtois et concis, le premier sur dix à répondre correctement et avec la bonne justification. Je marque le début de sa réponse d'une flèche que je trace avec légèreté de mon crayon à papier taillé à la perfection. Je commençai à me dire qu'il faudrait revoir les fonctions des mots et la nature des propositions mais peut-être ne sont-ils pas habitués à la terminologie... ou qu'ils ont fait semblant de la comprendre jusqu'à maintenant, au choix. Le Breton ( ... bah écoutes, on a tous une partie conne dans notre cerveau hein... ) ( même Laël, pour un truc aussi con en plus ) ( ouh le jeu de mots que j'assume pas ) ( non non non, c'pas moi ) prend aussi brusquement que soudainement la bassine entre ses mains. Je penche ma tête en arquant légèrement un sourcil interrogateur. Quelque chose ne va pas... ? Je l'écoute alors s'excuser et, dans un sourire aussi doux que sincère, je me lève en roulant avec légèreté vers le piano. Je relève le couvercle avec une infinie tendresse, semblable à un surplus de protection m'a-t-on dit une fois ( non, il n'est pas méprisant là, il capte juste pas comment on peut juger sans connaître ) ( lui juge jamais, encore moins les Pyrénéens qui savent parler breton ) ( ... c'était moi dans toute ma splendeur, salut ), et je caresse les touches comme un joyau précieux alors que le Blond s'adonne à une justification inutile. Je ferme brièvement les yeux, le temps de secouer ma tête de gauche à droite durant une ou deux secondes, tout en plaçant de profil par rapport au piano pour faire comprendre au Breton qu'il peut y jouer s'il le veut.

       - You souldn't control yourself. If you want to play with any instrument you see, just play with it. Is it not more simple this way... ?

Je dis alors ( lui non plus n'a pas capté les sous-entendus de sa phrase, vraiment pas ) ( trop con pour s'en apercevoir, pour pas changer ) ( ah non, non non non, c'est pas moi ), avec une syntaxe pas si anglaise que ça mais j'ai parlé spontanément et... non ce n'est pas une excuse bordel, faut que je me concentre. Penses anglais, Laël, pas un mixte d'irlandais d'indonésien et de russe. Penses anglais, avec la phonétique londonienne s'il te plaît. Il faut encore que je m'entraîne, ce soir je lirais la version non censurée de Frankenstein de Mary Shelley à Boyd et Amélie après le repas. Aimeric range alors son bout de chaussure lui assurant un avenir de bottier dans la poche ( oouuuuuh, le double sens ) ( putain là je m'applaudis ) ( oui c'est moi ) et me tend la bassine que je prends après quelques vagues de scepticisme. Le sourire du Breton ( ... no comment, j'en ai marre de commenter là ) ( et j'suis à court de conneries, une fois n'est pas coutume ) me fait sourire à mon tour.

- Hey, za'ro, t'as absolument pas troublé mon travail sais-tu ? Et si c'était le cas, je serais le seul à blâmer.

Je réponds enfin, repassant au français ( ça sent putain, l'erreur de grammaire elle pète les yeux là ) ( ... bordel, les deux erreurs ) ( j'me fais pleurer des larmes de sang tellement je saigne de l'intérieur ), et je penche ma tête de côté. Est-ce vraiment bien de laisser repartir za'ro dans son état ? Il a l'air d'aller mieux mais... ne devrais-je pas le raccompagner, pour ma tranquillité d'esprit et éviter qu'il s'empale avec un poteau ( ... Laël a grillé Aimeric pour les sous-entendus inconscients là ) ( j'y ai pensé qu'à la relecture moi-même ) ( coucou, c'est moi ) au coin de ma rue ( ... métaphore filée moi j'dis ) ( elle est belle celle-là ) ? Il est assez grand pour savoir se gérer, me dira-t-on avec raison. Ma tête penchée vers la droite se redresse lentement pour se pencher vers la gauche.

       - Avec plaisir. Je te laisse ça, juste au cas où. Tu es sûr que ça ira ?

Je dis en ponctuant ma deuxième phrase d'un morceau de papier avec mon numéro portable que je fourre dans la main de za'ro sans lui demander son avis. Je m'étire comme un chat et je regarde un instant le piano. Un petit rire cristallin me prend.

- Tu m'as donné envie d'y jouer, ha. Oh, j'y songe... Quand tu auras terminé ta chaussure, tu me la montreras ?

Ma curiosité n'est jamais bien loin, décidément... Je marche lentement vers le couloir d'entrée et je donne un parapluie à za'ro qui n'en a pas et je me stoppe un instant, en proie à une réflexion. Je devrais lui donner des vêtements secs non ? J'aurais pas trop l'air d'un papa poule nounoursé ? Je secoue ma tête, qu'importe après tout, ses vêtements sont encore humides donc je peux toujours le lui demander. Et si ça le gêne, ça le regarde, ce n'est pas grave.

- Ah, et si jamais tu veux des vêtements secs... n'hésites pas, tant qu'il est encore temps.

Je lance, en ponctuant ma phrase d'un clin d'oeil. Mes copies peuvent attendre encore un peu, les qualités humaines priment dans certains cas. Tout de même...

   

   
Aymeric Peyrot
Aymeric Peyrot
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Ven 17 Fév - 16:29
Bien sûr, tu te dis que tu dois conclure ça au plus vite. Que tu dois te barrer, la queue entre les jambes, sans te retourner. T’as déjà amplement tripoté son instrument, sans son aval, faudrait pas pousser plus loin (si j’ose dire). Alors quand il te demande que t’es certain de vouloir te retirer, tu hoches de la tête. À son air, tu juges qu’il est plus ou moins satisfait de ton choix. Mais il accepte et finit même par te refiler son numéro de téléphone. Finalement, tes essais sur l’instrument lui ont sûrement paru prometteurs. Peut-être même qu'il désire que tu reviennes prochainement pour continuer ce p'tit plaisir que vous semblez partager. En même temps, c'est vrai que tu joues bien. On dirait que tes mains s'adaptent à toutes les surfaces, sans difficultés. Faut dire que t’es agile de tes mains, aussi. Mais vu que t’es cordonnier et musicien, à tes heures perdues, c’est sûrement normal. Sans un mot, tu fourres son bout -de papier- dans une de tes poches et tu relèves le nez vers lui. Dans un sourire qui se veut rassurant, tu lui réponds avec ta candeur naturelle :

« Ça va, ça vient. Je tiens le coup. ».

Tu acquiesces ensuite sa demande de suivi dans ton travail de cordonnier. Tu ne piges toujours pas pourquoi ça l’intéresse tant. Ça reste seulement des godasses, des bouts de cuir assemblés, cousus ou clouées. Ses gros bouquins – que t’as bousillé allègrement- doivent être bien plus impressionnants. Mais tant pis, t’acceptes, t’es même content que quelqu’un semble penser que ton boulot est digne d’intérêt.  Et, même si tu ne t’étends pas plus longtemps  sur sa proposition de lui montrer ton bou…lot, tu te risques à lui faire une proposition osée,  tandis qu’il te tend son p…arapluie.

« Si vous voulez, la prochaine fois, on pourra jouer à deux. Je pourrais amener mes instruments. Ou sinon, on pourra aussi jouer avec nos quatre mains sur votre p.iano. »

Ok, t’as un peu zappé de parler en anglais. Mais vu ton niveau, parfois, on te comprend mieux quand tu causes français, même lorsque l'autre n'a aucune notion dans cette langue. C'est toujours mieux que tes pseudos phrases en anglais. De toute manière M. Smisse parle français et il semble apprécier cette langue, alors autant en profiter et lui offrir ton bel accent de paysou des Pyrénées, parfois empêtré de bretonismes ("word" dit que ce mot n’existe pas, mais je l’emmerde. Voilà) et autres croyances païennes. Personne n’est parfait. Surtout pas toi.
D’un signe de tête, tu refuses poliment son offre de vêtements secs. Ça fait presqu’une heure que tu nages dans ce tas de tissus humides, dix minutes de plus ou de moins ne changeront pas grand-chose. Et surtout, le vieux te regarderait bizarre si tu revenais dans cet état avec, en plus, les vêtements d’un autre. C’est clair qu’il se ferait des idées. Et ça, t’as pas trop envie de gérer ses remarques et autres moqueries. Vraiment, pour cette fois, tu passes.

Spoiler:
Laël Smith
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Lun 1 Mai - 11:51

© Yamashita sur épicode

And I will
laugh with you...





      Son sourire rassurant me fait arquer légèrement un sourcil et je n'ajoute rien de plus à la réponse qu'il m'offre. Après ce que je viens de voir, je ne suis pas sûr qu'il aille aussi qu'il le prétend mais... qui suis-je pour le juger, ou savoir son état mieux que lui-même ? S'il le dit alors c'est vrai, débat clos. Tenir le coup... il a tenu combien de grammes de médicaments dans le sang avalés en quelques secondes ? Un petit sourire léger se peint sur tes lèvres à cette pensée. À sa place, tu aurais vomi tout le contenu de ton système digestif.

- J'ai cru voir que tu tiens le coup, je préfèrais juste m'en assurer za'ro.

Il acquiesce ensuite à ma demande de voir sa chaussure finie et mes doigts droits viennent machinalement prendre mon menton tandis que mon index trace aussi légèrement que vivement la courbe de ma mâchoire inférieure. Je me demande quelle idée de création, car oui je reste persuadé et intimement convaincu que c'est bien une création qui va aboutir de son dur labeur, a za'ro derrière la tête. Mes yeux accrochent sans vraiment le vouloir le bout de chaussure que za'ro avait dans la main et qu'il a désormais rangé tandis que mon imagination vagabonde et fait apparaître plusieurs images de chaussures à mon esprit. Comment sera la sienne ? Je sens la curiosité me brûler les lèvres et me pousser à lui demander mais je me retiens ; après tout, peut-être que ça le gêne d'en parler. Et après tout, qu'est-ce que j'en sais au juste... ? ( excellente question, cap'tain obvious ) ( Laël, alias l'as de la réflexion inutile ) ( salut babe, c'est moi ) Je soupire inaudiblement, il serait peut-être temps que j'arrête de partir dans ce genre de réflexions et que je lui demande directement. Je lui tends mon parapluie et m'apprête donc à lui poser mes interrogations mais il m'arrête avant même que mes lèvres s'entrouvrent. Au fil de ses paroles, je laisse un sourire tranquille se former sur mon visage et je plonge mon regard apaisé et calme dans le sien.

   C'est tentant d'accepter... même très tendant de lui demander là, maintenant. J'hésite avant de me rappeler ses vêtements ; il a peut-être envie de se changer après tout, ce que je comprends aisément. Cela dit, j'hésite toujours. Ça fait un bon moment que je n'ai pas sérieusement joué du piano et, vu les sensations que ça me procure, je suis sûr que ce serait une bonne expérience de faire un duo avec za'ro. Et, aussi... il a parlé en français. Je penche ma tête de côté, amusé par son accent que je ne reconnais clairement pas... je vérifierai après dans mes nombreux CDs et livres d'accentuation et de phonétique française.

- Avec grand plaisir, za'ro, je serais ravi de jouer avec toi. En duo avec deux instruments ou sur le piano à quatre mains, comme tu le sens. ... Tu me donnes encore plus envie d'y jouer...

Je jette un regard vers le piano du salon, pensif, et je lui propose ainsi de lui offrir des vêtements secs, ce qu'il refuse. Pas la peine d'insister devant un refus aussi immédiat et silencieux, il doit avoir ses raisons. J'entends un dévalement aussi furtif que discret d'escaliers. Maïa est derrière moi et va directement dans la cuisine à la vitesse de l'éclair pour retourner dans sa chambre avec une brique de lait, un verre et une bouteille d'eau ( en verre ) sortant du frigo. Un sourire attendri me prend alors que je la vois ainsi ; généralement, quand elle prend autant à boire c'est qu'elle travaille dur. Un simple sourire peut l'encourager sans l'interrompre pour autant dans ses réflexions, c'est pourquoi je m'en contente. Elle se contente de prononcer quelques phrases avant de remonter l'escalier tout aussi furtivement et de s'enfermer dans sa chambre.

- Tu devrais le raccompagner en voiture, Lala d'amour, c'est le déluge dehors. Inutile qu'il se trempe encore plus et qu'il tombe malade bêtement., lance-t-elle, se tournant brièvement vers Aymeric en lui faisant un sourire lumineux. À bientôt, j'espère vous croiser dans de meilleures circonstances.

Et une cascade cheveux blond platine disparaît aussi vite qu'elle n'est apparue. Je me tourne alors vers za'ro, lui lançant un regard froid ( signifiant simplement que je suis perdu dans mes pensées ) pendant quelques instants avant que mes yeux ne se réchauffent de calme et de sérénité. Je hausse les épaules, fouille des iris la petite table du couloir d'entrée pour y trouver mes clefs et je m'en empare. J'ouvre à peine la porte que je comprends que ma douce a dit un bel euphémisme ; c'est plus que le déluge dehors. Un sourire malicieux étire mes lèvres. Non que ce soit étonnant quand on connaît le climat londonien, me diriez-vous... ( et vous auriez raison... ) ( salut c'est encore moi ) J'enfile mon k-way et je me tourne vers za'ro.

- Je suis garé juste devant alors... prépares-toi à courir. Et ne tombes pas, za'ro, s'il te plaît.

Le tout dit d'une voix posée mais... amusée, dirions-nous pour faciliter les choses. Je roule rapidement avec mes rollers, remerciant mes années de pratique sans quoi j'aurais lamentablement glissé avec simplement le bout du nez sous ce déluge torrentiel et je débloque rapidement toutes les portes de la portière. J'ouvre la porte conducteur à la volée et je m'engouffre dedans en refermant très vite derrière moi. Je m'affale dans mon siège, attendant que za'ro arrive et, une fois ceci fait, un rire me prend. Un rire assez enfantin, il faut dire que ce genre de situations bien cocasses sont assez drôles, je trouve, avec un peu de recul bien sûr. J'allume le chauffage après avoir allumé la voiture et je tourne ma tête vers za'ro.

- ... Désolé si tout ceci te gêne ou que je suis trop intrusif. Sincèrement. Je pense que c'est mieux ainsi, ce serait dommage de t'être séché pour rien... Alors dis-moi, où habites-tu ?




H.R.P:
Aymeric Peyrot
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Mer 24 Mai - 3:45
Tu notes qu’il accepte très rapidement ton invitation à tripoter son instrument. Et mine de rien, ça te réjouit. Ce n’est pas tous les jours que tu peux te vanter de tripoter un instrument aussi massif. Comme pour lui signaler que tu partages son empressement, tu lui lances un regard complice, avant de laisser échapper un sourire amusé. Il t’avoue que tu fais monter l’envie en lui et toi, con comme tu es, tu prends ça pour un compliment. Même si, au final, tu trouves un peu prétentieux le coup d’un unique instrument pour quatre mains. D’autant que toi, t’es quand même bien plus habitué à te faire plaisir sur ton instrument, en solo. Tant pis, tu t’adapteras. Sans ajouter quoique ce soit, tu le suis dans le hall et captes, au passage, l’irruption de Maïa l’Abeille. Sans trop intervenir, tu ne peux t’empêcher de ponctuer la fin de ses phrases par des bzzzzz-bzzzz, comme si les derniers effets de la tonne d’analgésique que t’as pris devaient absolument se faire entendre. Heureusement, t’es trop occupé à regarder dehors pour te rendre compte à quel point t’as l’air con à ponctuer les paroles de la dame par des bruits d’insecte.

Perdu entre les gouttes de pluie, tu ignores ce qui se passe derrière toi. Tu restes absorbé par ce spectacle qui n’existe nulle part ailleurs, surtout pas dans tes montagnes. Tu n’en sors seulement lorsque Monsieur Smiss te rappelle sur Terre et te donne la consigne de courir jusqu’à la bagnole. Sans te laisser le choix, il ouvre la porte et s’élance vers la voiture à coup de roulettes. Tu n’as pas d’autres alternatives que de le suivre. Sans te presser, tu passes la porte et là… Grosse hésitation.  Comment elle se ferme ? Sous la pluie, tu te penches vers la serrure, l’observes avec calme, puis comprends son fonctionnement : elle se verrouille grâce à un mécanisme de levier. Sans perdre plus de temps, tu l’actionnes et te tournes enfin vers la voiture. T’as perdu à peine quelques secondes, mais c’est suffisant pour être de nouveau trempé. Alors, les cheveux dégouttant allègrement devant les yeux, tu t’avances vers la voiture, sans trop forcer l’allure. Au point où tu en es, ça ne changera pas grand-chose. De toute façon, tu es déjà trempé. Et puis, tu aimes bien la pluie. S’il n’avait pas fait si froid, t’aurais sûrement apprécié rentrer à pied, pour t’amuser à te glisser entre les gouttes, puis à les écouter taper le rythme sur le sol. Sauf qu’aujourd’hui, il fait froid, alors tu te diriges vers la voiture, sans trop broncher.

La portière à peine fermée, tu sens une bourrasque de chaleur te caresser les joues. C’est seulement à ce moment-là que tu te rends compte que tu as froid, que t’es trempé et que sérieusement, t’as plus l’air de descendre de la machine à laver que du singe. Sans trop t’y arrêter, tu déplaces tes cheveux pour ne pas les avoir dans les yeux, puis tu jettes un regard vers le professeur. Il s’excuse, tu réponds : « Donte rori », puis il te dit un truc que tu ne captes pas trop et te demande ensuite où tu habites. Pour le coup, t’as presque l’impression d’être un gamin qui s’est paumé au milieu des rayons d’un supermarché à qui l’on demande où est la maman. Alors, ça te fait sourire et tu réponds :

« I'm livingue in ze cobbleur wiv Le Vieux. »

T’aurais pu ajouter que tu habites dans le grenier, comme Cendrillon, mais tu préfères taire ce détail. Tu n’aimerais pas qu’il en déduise que c’est la raison pour laquelle tu as une araignée au plafond. Alors, tu ne rajoutes rien et laisses tranquillement tomber la conversation. Pour le moment, ton attention est absorbée par les gouttes de pluie qui font un vacarme monstre sur l’acier et les vitres de bagnole. Y’en a pas vraiment des comme ça, chez toi. Ici, on dirait que les gouttes de pluie ont une autre dimension. T’as l’impression qu’elles sont mille fois plus grosses, prêtes à assommer le premier idiot venu. Du coup, forcément, tu te sens un peu en danger. Mais surtout, t’as l’impression qu’elles lissent le sol, comme si elles éprouvaient le besoin de nettoyer toutes les traces laissées par l’homme. C’est peut-être pour ça que l’Angleterre est une terre si plate et qu’il n’y a aucune montagne. L’eau a dû tout effacer, arrondir, assainir et adoucir, pierre par pierre, petit à petit. Tu soupires. T’aimes bien cette vision des choses. Alors tu ne creuses pas plus loin, tu redescends sur terre doucement et délaisses tes petites rêveries de faux-breton. Tu reportes ensuite ton regard vers Monsieur Smiss et, c’est peut-être parce que t’es encore un peu coincé dans tes divagations que tu lui dis, comme une confession :

« Dis iz aosome. Hate ome, hit's not raining laike dat »

Non, chez toi, il ne pleut pas comme ça. En même temps Aymeric, à t’entendre, y’a jamais rien qui ressemble à tes Pyrénées. A t’écouter, y’a juste elles qui valent le coup. Tu n’es pas jamais trop objectif à leur sujet. En même temps, toi, t’es un Pyrénéen, un vrai de vrai, un de ceux qui connait du bout du pied chaque morceau de pierre qui sort de la montagne. Un des seuls qui reconnait, du creux de la semelle, chaque coin de terre. Un de derniers qui connaît du bout du regard chaque nuance du ciel. Alors oui, c’est certain qu’on pourrait te reprocher un tas de choses, mais certainement pas celle de ne pas connaître ton pays. T’es un vrai fils de là-bas, tu portes les Pyrénées dans chacun de tes pas. Tu sors tout droit des flancs de la montagne et tu le caches à peine. Même pas dans ces moments-là où tu es accompagné d’un type qui ne descend pas de la même montagne que toi.  Tant pis. Tu t’installes plus confortablement dans le siège et t’essuies du creux du coude, ton front. Tes cheveux sont trempés. Tu vas encore tout foutre en l’air les affaires de Monsieur Smiss.
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