Alexándra Angelópoulos

You see me but you don't know me

Sous un trait de liner et un rouge à lèvres apparait une petite blondinette aux yeux verts. Un petit brin de femelle aux formes rondes. Une jeune fille d’un mètre cinquante-quatre pour quelques cinquante kilogrammes. Un poids plume pour les plus costaudes, un physique chaleureux pour sa taille mesurée. Pourtant nullement moitié normande, l’Hellène pour moitié barbare a une poitrine généreuse. Peut-être un peu trop, mais à dire la vérité, elle s’en moque un peu. Seuls les regards insistants l’indisposent. Peut-être aussi le fait de devoir renouveler sa lingerie quand son corps décide de lui jouer une farce en lui faisant gagner un peu de masse. Les courbes de ses hanches font du sacrosaint règne du trente-six une utopie – ou plutôt une dystopie ? Qu’importe ! Là encore, la demoiselle s’en moque. Elle fait fi des crevettes aux formes de phasmes servies allégrement par l’industrie du mannequinat et la CC Crème made in Photoshop. Sa bonne bouille est sertie de quatre grains de beauté dits femme fatale : l’un à gauche au-dessus de sa lèvre, les trois autres au coin extérieur de son œil droit. Des boucles habillent ses cheveux mi-longs, le plus souvent accompagnés d’un serre tête ou d’une barrette en forme de nœud. Elle a le style mignon et chic, toute en dentelles. Un brin rétro. Oui, elle est toute petite, mais elle n’a pas besoin d’être bien grande pour se faire remarquer.

Malgré elle. Car oui, l’ange ne peut que se faire remarquer par sa coquetterie. Toujours jolie. Toujours bien mise. Si elle a attendu avec impatience le lycée, ce n’est pas pour le plaisir de venir à Londres – navré, mais pour avoir enfin l’âge de se maquiller. Elle prend plaisir à prendre son temps pour parer ses lèvres et ses yeux. Souvent le même maquillage, il est vrai et d’autant plus vrai au lycée. Rouge aux lèves et aux ongles, léger liner aux yeux pour une pin-up d’un autre temps. Ce n’est que rarement qu’elle fait la fofolle. Elle ne voudrait pas ressembler à un clown, ou pire, une Anglaise ! Elle n’a rien contre les Anglais, à part Jeanne, mais il faut reconnaitre que les Anglaises sont très maquillées. Passons. Son make up est complété à merveille par ses tenues, toujours soignées. Des robes, surtout. En dentelles, de préférence. Près du corps, tant qu’à faire. Elle qui est si attirée par les beaux vêtements, enfiler son uniforme pour aller au lycée équivaut à une punition cruelle qu’elle s’infligerait à elle-même. Vraiment. Des uniformes. Au XXIe siècle. Ces Anglais ! Ainsi, en cours, ne subsistent que ses accessoires : perles, camées, serre tête… De mauvaises langues diraient qu’elle a un look de petite fille sage. Qu’elle est has been. Disons qu’elle a un look de cutie. Et puis, si la mode veut qu’il faille porter basket et jupe ensemble, la blonde préfère être has been. Son royaume. Son royaume pour une paire de salomés !

Coquette donc. Pas exubérante. Car oui, Alexándra s’habille pour se plaire à elle-même. Pour se sentir jolie. Navré de briser les espoirs de ceux qui pensent que jupe est synonyme d’allumeuse. Si elle brille par son look soigné et qu’elle ne passe pas inaperçue, son caractère est beaucoup moins marqué. Elle attire l’attention malgré elle, comme mentionné plus haut. Eh oui. La demoiselle est timide. Très. Elle n’envisage pas dans le champ du possible d’engager la conservation avec une personne qu’elle ne connait pas. Qui sait ? Dès fois qu’on la dévore ! Alors, il faut montrer patte blanche. Que vous n’êtes pas un grand méchant loup. Elle ne participe pas en cours non plus. Elle n’aime pas répondre aux questions des profs. Même quand elle a la réponse. Elle n’ose pas, tout simplement. Si elle osait, elle aurait cette boule au ventre. Aussi, la blondinette baisse les yeux en rougissant quand on la réprimande. Non vraiment, elle n’aime pas les conflits. Finalement, elle est une proie facile pour les harceleurs en chaleur. La pépette aimerait être un genre d’Agent Carter. Hélas pour elle, elle se cantonne au rôle de Marlène – en plus intelligente, tout de même. Une éternelle belle plante, une fleur charmante. Un beau brin de fille toute réservée.

Qui l’a croirait, cette jeune fille élégante, si elle disait être également une petite geekette croisée gameuse ? Et pourtant ! Oui, pourtant c’est bien le cas. Fan devant l’Éternel de The X-Files, c’est avec un mélange d’excitation et d’appréhension qu’elle attend la nouvelle saison. Car oui, elle est des puristes, un brin old school, pour qui la culture geek ne s’arrête pas à Game of Throne – bien qu’elle apprécie également cette série. De Doctor Who à The Walking Dead, le spectre des séries qu’elle regarde est varié. Mais surtout, sous la couche de verni et le serre tête se cache Iskandar – référence à la version orientale d’Alexandre. Une gameuse youtubeuse et liveuse Twitch capitalisant quelques dix mille abonnés. Si elle est à des années lumières des blockbusters du genre, elle se satisfait d’apporter une touche féminine au paysage très masculin des Let’s play. Quand elle joue, la fragile et timide Alex’ n’existe plus. Elle n’a aucune difficulté à animer ses vidéos, Internet l’aidant à passer outre la timidité. C’est ainsi que cette petite chose pourtant si calme d’apparence se transforme en une véritable rageuse lorsqu’un malotru lui barbotte ses kills ou qu’elle bloque à un endroit sans comprendre comment avancer. A défaut de s’imposer dans la vraie vie, elle en impose au moins dans les jeux qu’elle affectionne. Faites donc bien attention à votre vie, parce que vous pouvez être sûr qu’avec Karthus, elle la vérifie scrupuleusement pour placer un petit R au moment le plus opportun. N’oubliez pas qu’Alexandre veut dire « Celui qui repousse l’ennemi ». Alors respectez son autorité !

La passion première d’Alexándra, celle qui lui est tombée dessus le plus tôt dans sa vie, n’est pourtant pas les jeux. En effet, depuis son plus jeune âge, la blondinette apprécie le piano. Certes, elle n’est pas la révélation virtuose de ce siècle, mais elle joue honorablement de cet instrument et depuis quelques années, elle s’est ouverte au synthé. En effet, Alex a un goût prononcé pour la musique électronique. Ratatat en tête. Autre passe-temps, longtemps imposé par ses parents avant d’être apprécié, la lecture d’œuvres antiques. Elle est encore loin de connaitre sur le bout des doigts tous les grands auteurs anciens, mais elle a une bonne culture pour son âge. La faute – ou grâce, selon le point de vue – de ses historiens de parents. Et puis, avouez que c’est bien plus classe de dire lire en ce moment Les Amours d’Ovide plutôt que les Cinquante nuances de gris !

Et pour le reste ? Eh bien, à vous de le découvrir.

Every life begins with a breath

Coucou, moi c’est Alex, plus connu sous le pseudo d’Iskandar, youtubeuse et Silver IV sur cette bonne vieille Ligue de Légendes. Voilà, fin de l’histoire. Non ? Oh, que vous êtes exigeants !

En toute franchise, je ne sais pas réellement quoi vous dire. Peut-être que je n’aime pas parler de moi. En réalité, ce n’est pas « peut-être », mais « surement ». Avis aux fan de lectures épiques, vous serez bien déçu. En effet, il ne m’est jamais bien arrivé de folies dans ma vie. Cela peut être une bonne comme une mauvaise chose, chacun est juge sur le sujet. Je m’égare ! A défaut de savoir quoi dire sur moi, je vais d’abord parler de mes parents. Après tout, ceux eux, vous n’aurez pas le loisir de me lire présentement.

Ma mère, Louise, est française. Originaire de Caen pour être précise. Mon père, Nikólaos, quant à lui vient d’Argos, dans le Péloponnèse pour ceux qui ne saurait pas situer cette ville. Ce qui n’est pas un drame en soi, rassurez-vous. Je connais plein de gens très bien qui ne savent pas où se trouve Argos et qui vivent tout de même très heureux ! Ce sont les études qui ont rapproché géographiquement mes parents. Mon père avait migré à Athènes et sa prestigieuse université, quant à ma mère, elle a fait ses années de doctorat à la fameuse École française d’Athènes. Les deux jeunes futurs historiens helléniques étaient voués à finir par se rencontrer au cours d’un séminaire. La suite ? Je suis née quelques six années après l’obtention de leur doctorat.

Ma vie a donc toujours été partagé entre Paris, Argos et Caen. Paris parce que mes parents enseignent à la Sorbonne et que nous y vivons. Argos parce que ma famille paternel y vit toujours. Ou tout du moins ma tante. Ma grand-mère est décédé quand j’avais huit ans et je n’ai jamais connu mon grand-père. Enfin, Caen pour la famille maternelle. Toute ma vie durant, j’ai donc souvent été sur les routes ou dans les airs. Si les longues heures de voyages sont toujours rébarbatives, je reste fière de ma double nationalité. Quoi de plus enrichissant que d’avoir plusieurs cultures ? D’autant plus quand on a la chance – farce ! – d’avoir des parents historiens. C’est malgré moi que je suis tombé dans la marmite de l’Antiquité pourtant réputée si noble.

J’adore mes parents, c’est indéniable. Le seul problème est qu’ils font partie de ces personnes si enthousiastes et motivés par leur recherche qu’ils se sentent obligé d’en parler tout le temps et surtout, à tout le monde ! Je n’étais pas encore née que déjà ils m’imaginaient antiquisante comme eux. Il n’y a qu’à regarder mon prénom pour s’en convaincre : Alexándra. Clin d’œil à peine dissimilé à Alexandre le Grand. Toute petite déjà le poids de l’Histoire échouait sur mes épaules… Mes parents ont donc toujours fait de leur mieux, il serait faux de dire le contraire, pour m’accompagner dans ma scolarité. La seule chose que je leur reproche, toute petite : avoir oublié de me demander mon avis !

C’est ainsi qu’en Cinquième je me suis coltiné le Latin, puis le Grec en Quatrième, sous couvert qu’ils pourraient m’aider au besoin. Mouais, argument non recevable j’ai envie de dire ! N’oublions pas l’Allemand en deuxième langue vivante, parce qu’après tout, c’est important pour l’étude de l’Histoire ancienne. Sérieux, pourquoi la plupart des antiquisants sont Allemand ? Bref. Comme je suis une gentille fifille par rebelle pour un sou, je n’ai pas moufté et j’ai pris lesdites options et LV2. Bon. Soit. Avec le recul, j’ai fini par apprécier ces matières – surtout le Grec à dire vrai, l’Allemand je n’ai jamais pu. Je préfère le Grec, plus classe, au Latin, plus bouseux. Toutefois, j’aurais apprécié que la démarche vienne de moi plutôt qu’on me force la main. Un peu comme les livres qu’on m’offrait. Si dans l’ensemble je déteste pas les lectures que m’ont fait faire mes parents, j’aurais également préféré de choisir seule. C’est donc bien souvent en trainant les pieds, tout du moins au début, que je lisais et apprenait mes leçons. Evidemment, je me devais aussi d’exceller en Histoire. Evidemment.

Ne jetons pourtant pas l’eau du bain avec le bébé. Mes parents, malgré leur fâcheuse tendance de choisir à ma place mes options, ne sont pas non plus de vils vilains tyrans. Ils ne m’ont pas empêché d’apprendre le piano lorsqu’à dix ans j’en ai manifesté l’envie. Bien au contraire, ils m’ont accompagné. La faute à ma tante Cassandra, prof de piano à Argos qui m’a fait partager sa passion. J’aurais réellement adoré qu’elle soit mon mentor, mais la distance et la pratique régulière nécessaire à l’apprentissage ne rendirent pas la chose possible. C’est donc le plus classiquement du monde que mes parents m’ont inscrit à des cours de musique pendant lesquelles je me suis, pendant trop longtemps à mon goût, royalement emmerdé avec le solfège. Un Mal pour un Bien parait-il. Tu parles ! Bref. Les années allant, j’ai fini par savoir jouer correctement et depuis deux ans, je m’essaye au synthé. Je ne souhaite nullement faire carrière, mais j’aime jouer. Cela me détend et Zeus sait comme j’en ai besoin quand je tombe sur des boulets à LoL !

Il faut dire que je suis tombé du côté game de la force. Quoi ? Comment ça une fille gracieuse ça joue pas aux jeux ? Fuck you ! Plus sérieusement, comprenez-moi un peu. Je me retrouvais à devoir subir des cours de langues que je n’avais pas choisi. Autant vous dire qu’au tout début, je ne foutais pas grand-chose. Une petite game de LoL me paraissait une perspective bien plus alléchante que d’apprendre par cœur des déclinaisons bien ennuyantes. J’ai fait mon petit bonhomme de chemin qui aujourd’hui fait que je suis Silver IV. A défaut d’imposer mon respect dans la vraie vie, au moins je l’impose in game. Pas de mérite pourtant, aux yeux de tous je restais la gentille petite nulle en sport. Une engueulade de mes parents plus tard, j’ai commencé à travailler sérieusement – de manière forcé – et en ouvrant mes chakras, j’ai découvert que le Grec ancien, c’est quand même classe.

En troisième, j’ai sauté le pas et j’ai décidé de lancer ma chaine youtube. J’avoue avoir longuement hésité. Tout d’abord parce que ce n’est ne pas simple, je n’y connaissais rien en montage. Surtout, parce que je ne savais pas si j’oserais. C’est finalement un peu par défis, pour me prouver à moi-même que je pouvais le faire, que j’ai sauté le pas. J’ai bien galéré à mes débuts. Entre les haters qui se sentent obligé d’écrire que le jeu a déjà été fait par un autre et que par conséquent je n’avais pas à le (re)faire. Sans oublier les gens pénibles qui critiquent sans donner de conseils pour s’améliorer. Il faut dire que je partais avec un handicap : je n’affiche pas de décolleté dans l’espoir de gratter des vues en plus ! J’ai quand même fini par trouver ma petite communauté sympatoche et depuis quelques mois, je fais également des lives sur Twitch. De petite let’s playeuse de LoL – histoire de toucher un public facile, je me suis diversifié avec le temps.

La fin de l’année de troisième fut une vaste blague. Non pas parce que j’ai finalement raté la mention Très bien du Brevet à un point près, mais surtout parce que mes parents avaient fini par réussir leur coup : m’envoyer dans un lycée anglais très bien en tout point. Évidemment, ceci dans l’intérêt de mon cursus et pour m’ouvrir les horizons. Évidemment. Cela faisait des mois qu’ils me bassinaient avec ça. Et fidèle à moi-même, j’ai été faible. J’ai fini par céder. Sous condition toutefois : qu’ils me laissent choisir mes cours et je dois dire que ce fut mon petit plaisir personnel vengeur de prendre l’Histoire uniquement en simple option. La veille de mon départ, j’appréhendais. Comme pendant toutes les grandes vacances d’ailleurs. L’Angleterre. Sérieux. L’Angleterre ! Qu’est-ce que j’avais bien pu leur faire comme vacherie pour mériter ça ? J’ai toutefois fini par me faire à l’idée – sauf à la nourriture, il ne faut pas déconner non plus ! – et j’ai passé une première année agréable. Pour bien me fondre dans la masse, j’ai même investi dans quelques vêtements à carreaux pour trainer avec mes copines en dehors du lycée et de son horrible uniforme. Soit, il n’est pas si moche, mais disons que mes chakras restent fermés de manière totalement hermétique à cette pratique scolaire bien barbare !

Avant de vous laisser, je me dois de raconter une dernière chose. Début septembre de cette année, je venais à peine d’entrer en deuxième année. Il faisait encore beau, l’Été indien comme on dit. Un jour où je n’avais pas de cours. Je devais rejoindre une bonne copine chez elle pour ensuite aller au cinéma. Comme il faisait beau, je ne m’étais pas embarrassé d’une tenue trop chaude. Un simple top et une jupe m’habillaient. Rien de bien indécent. Le top était même rayé avec un gros nœud à l’épaule gauche pour donner une touche cute. Seulement voilà, tout top devient sur moi un large décolleté. Je crois que c’est cela qui m’a valu d’attirer l’attention de deux boulets. En entrant dans la rame du métro, j’avais croisé une des filles de mon cours d’anglais. Keira de son petit nom. On s’est échangé un sourire courtois et chacune est allée s’installer tranquillement à sa place. Du moins, c’était l’idée. Mais comme bien souvent, la théorie ne rejoint pas la pratique. N’ayant pas beaucoup de stations, j’étais resté debout et deux hommes en ont profité pour venir m’apostropher. J’aimerais dire que c’était la première fois de ma vie, mais le harcèlement dans les transports est tristement banal… Bien sûr, j’étais tétanisé et je ne savais pas quoi faire. Je me contentais de me concentrer sur mon portable, comme pour essayer de préserver mon espace vitale agressé, et tenté de faire fi de leurs remarques déplacées.

Très vite, un ange gardien m’est apparu dans un sourire pour me rassurer. C’était Keira, la fille parfois décriée comme bien trop peu féminine par certaines de mes amies. Pourtant, ce jour-là, quand elle en a empoigné un, j’ai béni sa virilité. La scène fut assez brève pour tout dire, mais toutefois assez longue pour faire comprendre aux deux boulets qui était le patron en cette rame. Et ce n’était pas eux. C’était risible pour eux, salvateur pour moi. La queue entre les pattes, ils ont filé plus loin en prenant soin de raser les murs : ils avaient trouvé plus fort qu’eux. Ensuite, de son bras musclé, elle m’a attrapé par l’épaule et m’a serré contre elle, comme pour me rassurer. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je me suis docilement laissé faire. Keira, cette fille dégageait un truc. Une douce chaleur imposante, mais rassurante. Je l’ai remercié timidement, puis j’ai fini par filer. J’étais arrivé. Presque trop tôt à mon goût.

Depuis, je la croise toujours en cours, mais je n’ai pas encore vraiment eu le loisir de lui parler : nous n’avons pas les mêmes cercles d’amis. Pourtant, j’aimerais la connaitre davantage. Passer du temps avec elle. Certains la trouvent tristement banale, mais à mes yeux, elle ne l’est pas.

Étrangement.

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