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Il y a des mots qui se doivent d'être dits, des cœurs qui se doivent d'être forts, des vérités qu'il faut affronter [PV Eugène Swanson]

Daniel Launey
Daniel Launey
Journaliste d'investigation
Date d'inscription : 05/09/2015
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Dim 4 Oct - 22:16
 

Nos pas nous mènent trop rapidement à mon immeuble, déjà, je le vois se dresser devant nous, tranchant l’immensité de la nuit à la lumière des réverbères. J’aurais aimé que cette promenade à tes côtés soit plus longue, j’aurais aimé profiter du temps qui nous restait avant que nous ne soyons confrontés à la fatalité. Tu me remercies, et mon regard trouve enfin la hardiesse nécessaire pour se poser sur ton visage au teint de porcelaine, aussi lisse et immaculé que le premier tapis de neige qui recouvre avec tendresse la terre que le froid a gelée. Comment pourrais-je répondre à ces remerciements, à ce sourire, sincères, aussi lumineux que mes hantises sont sombres ? J’ai mon cœur qui se contracte, mon souffle qui reste en suspens. Te revoir est un bonheur qui me fait tant de mal. La réalité et les regrets sont plus forts que les rêves et les espoirs.
 

Toi aussi tu es fort, Eugène, mais je me savais ton talon d’Achille. J’étais ta faiblesse tout autant que tu étais ma force. Je suis parti, lâchement, en espérant que tu parviennes à te reconstruire sans moi. Regarde-toi, tu avances chaque jour dans le noir avec pour seule lumière ton âme rayonnante. Qu’ai-je accompli en comparaison ? Je m’oublie dans le travail, m’interdis tout plaisir, toute détente. Je suis un triste adulte. Je ne fais que me mentir, Eugène, entretenir de vaines espérances qui te peineraient si tu en avais connaissance. J’ai changé. Quoi que tu en penses, je ne pourrais plus être ta lune. Le soleil a besoin d’un astre qui, touché par sa splendeur, la lui renvoie avec douceur. Tu me brûles, Eugène, je ne suis plus qu’une ombre, seulement capable de fuir lorsque tu t’élèves. Pardonne-moi, je ne puis plus combler tes attentes. Tu n’as pas besoin de moi, ça n’en a jamais été le cas. Être continuellement aux côtés de l’autre a éveillé en nous un sentiment de dépendance illusoire. Il s’en va et s’en vient comme nous nous séparons et nous retrouvons.
 

Je te nuis. Ce serait un soulagement infini que d’être repoussé, un déchirement sans fin. N’écoute pas ce que hurle au vent chaque fibre de mon être. Elles sont trompeuses, perfides. Ma présence ne t’apportera que douleur. Je suis un éclopé dont les blessures ne peuvent être pansées. C’est la vie qui m’a meurtri. Les coups qu’elle m’a portés ont laissé des cicatrices. Un peu comme celle qui balafre ma pommette gauche, en plus profond, beaucoup moins nettes, beaucoup moins propres. Si je venais à disparaître des suites de cette soirée, ce serait pour le mieux. Pour toi.
 

Je m’arrête à l’entrée de ma résidence, me vois fort confus de n’avoir aucune main de libre.
 

-Nous y sommes.
 

Je regarde le coffret en bois que j’ai l’intention de t’offrir. Son apparence bien mystérieuse ne t’informerait en rien de son contenu mais j’aurais préféré savourer l’instant où tu en aurais découvert le relief, ces spirales et fantaisies gravées avec soin, la démonstration d’un savoir-faire époustouflant. Mon choix, néanmoins, se fait rapidement.
 

-Eugène, tu pourrais me tenir ceci un instant ? Fais attention, c’est fragile.
 

Un avertissement que j’émets pour la forme. Bien sûr que tu y feras attention, cela va de soi. Sans que mon bras lâche le tien, je te tends ce que tu ne soupçonnes probablement pas être ton cadeau d’anniversaire.
 

-Merci.
 

Je fouille aussitôt ma poche à la recherche de mes clefs. Le cliquetis métallique qui se joint au calme de la ville t’informe de ma trouvaille. Il me faut peu de temps pour ouvrir le double battant de la porte vitrée. Je le pousse et t’invite à entrer. De l'intérieur nous parvient une vague de chaleur qui se révèle la bienvenue.
 

-Après toi.
 

Je regarde tour à tour l’ascenseur et les escaliers. J’ai tendance à négliger le premier mais il serait plus simple de l’emprunter... J’habite à l’avant-dernier étage de l’immeuble, cela fait un sacré nombre de marches à monter. Je te pose malgré tout la question, préférant avoir ta confirmation avant de prendre toute décision. Je m’efforce de masquer mon léger malaise et feins la pure politesse, ma voix grave est imperturbable.
 

-Tu préfères prendre l’ascenseur ?
 

En vérité, j’ai peur que l’ascension ne me paraisse d’une lenteur insupportable puisque je n’aurai rien pour occuper mon esprit. Entre ces quatre parois qui indubitablement me donneront l’impression de se refermer sur nous et de nous engloutir, la discussion risque d’être plus... suffocante.
 

Ça n’a rien à voir avec toi. Je me suis toujours senti mieux en plein air, ce sentiment s’est renforcé des suites de mes nombreux voyages. J’aime les espaces ouverts, les étendues qui se perdent dans le lointain. Mon appartement m’offre une vue magnifique sur Londres, elle m’apaise et efface toute notion de petitesse. Elle chasse en partie le vide des lieux. Certains soirs cela me suffit, d’autres, un peu moins. Dans ces moments-là, j’ai hâte de reprendre le travail.
Eugène Swanson
Eugène Swanson
Professeur de philosophie
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Sam 7 Nov - 19:25




Plus nous marchons et plus j’ai l’étrange impression que tu me guides chez moi alors que ce chemin que nous parcourront est en tout point similaire à celui que je prends tous les soirs. De nombreux repères me l’indiquent, que ce soit les directions que tu empruntes, le grésillement de ce lampadaire à l’angle précis du cinquième embranchement que nous rencontrons, l’écho lointain de ce carrefour bondé de voitures à toute heure de la journée et de la nuit, le miaulement de ces chats habitant par dizaine dans une même maison appartenant à une vieille dame avec qui j’ai déjà eu l’honneur de discuter, le son trop élevé de cette télévision au troisième…non quatrième étage de cet immeuble à notre droite, et tant d’autres petites choses que j’ai eu le loisir de découvrir et de mémoriser au cours de mes allées et venues, afin de m’assurer que je ne me trompais point de chemin lorsque je partais le matin et revenais le soir.  

Mais cette impression se brise dès lors que tu bifurques à droite, alors que mon habitude voulait que nos pas se dirigent vers la gauche. Au moins je suis certain désormais de ne pas apprendre que tu habites dans le même immeuble que moi. Ce serait une bien étrange découverte. Mais il y a quelques limites au hasard et au destin. Cela fait bien des années que tu n’es plus mon voisin, même si ce temps-là me manque, et plus encore celui où nous partagions le même toit. Te souviens-tu de ces années de bonheur que nous avons alors chéri ? Nous étions jeunes et pétillants, savourant chaque instant comme il se devait, ne perdant jamais une seule minute à profiter de la vie que nous menions. Nous étions deux garçons calmes mais nous avions notre propre manière de nous amuser et de gouter aux délices des plus simples instants. Notre monde se suffisait à nous deux, nous n’avions besoin de personne d’autre. J’avais toujours eu du mal avec les personnes que je ne connaissais pas, étant d’une nature très timide et peureuse, sentiments découlant tout droit de ma maladie et de la crainte du regard des autres. Mais tu es devenu celui que je n’avais jamais à craindre. Un prolongement de moi-même.

Je ne pense pas que nous étions une simple amourette de jeunesse. Cela allait beaucoup plus loin. Pourtant nous ne nous sommes pas crus capables d’être assez fort pour tout surmonter ensemble, et continuer de vivre ainsi…
Qu’en est-il aujourd’hui de ce lien si fort que nous avions, alors que nous nous retrouvons ? J’ai peur comme à une première rencontre. Peur de te décevoir. Peur de te faire fuir.

-Nous y sommes.

Ma tête se relève un peu brusquement. Je venais de me perdre dans mes pensées, me remémorant quelques images de notre jeunesse et voilà que je n’avais plus vraiment prêté attention à notre parcours, délaissant toute ma confiance entre tes mains qui me guidaient. Je viens de faire preuve d’une belle idiotie en me laissant aller dans mes songes. Il me faudra quémander quelques explications lorsque sonnera l’heure de mon départ et qu’il me faudra rejoindre mon propre appartement, plus tard dans cette soirée.

-Eugène, tu pourrais me tenir ceci un instant ? Fais attention, c’est fragile.

-Oh, bien sûr... !


Je suis surpris, ignorant que tu tenais dans tes mains quelque chose qui te gênait dans tes gestes. Je me demande de quoi il s’agit, si c’est lourd ou non, encombrant ou facile à porter, même si je songe plutôt à la dernière possibilité puisque tu as su tenir cela tout en prenant grand soin de moi en me guidant par ton bras le long des rues de Londres. Pensant à un sac ou quelque chose qui s’en rapprochait, mon étonnement est donc sublimé lorsque je sens que tu déposes au creux de ma main une petite boîte dont la légèreté et la surface me fait supposer que sa matière est en bois. Sous mes doigts se dessinent des creux,  des courbes, des volumes sculptés. L’objet doit être magnifique mais je n’ose trop le découvrir. Tu m’as dit que c’était fragile et je prendrais soin de tes affaires comme du plus grand des trésors, loin est de moi l’idée de faire un geste malheureux.  

-Merci.

- De rien.

Je t’offre un grand sourire, prouvant que cela ne me dérange pas le moins du monde, bien au contraire. Te rendre service me fait plaisir et je me dois bien de te rendre la pareille alors que tu m’as guidé jusqu’ici. J’ai ce très léger et néanmoins risible sentiment de fierté qui monte en moi, comme une personne heureuse de se rendre compte qu’on lui accorde toujours suffisamment de confiance pour lui demander de l’aide, aussi minime était-elle. J’aimerais pourvoir continuer ainsi et t’apporter tellement plus, si tu en as besoin, et que tu désires cela de moi. J'adorerais vraiment, être quelqu’un d’important pour toi, une personne à qui tu puisses te confier comme autrefois... Je ne t’ai jamais jugé, tu n’as jamais eu à me craindre non plus…alors serait-ce vraiment une chose impossible ?

Un souffle chaud vient caresser mon visage. Tu as ouvert la porte et bientôt, tu m’invites à entrer et je ne tarde pas à m’engouffrer à l’intérieur de ce bâtiment qui est ton nouveau toit sur la terre d’Angleterre. Je sens mes membres gelés se décontracter, mon nez, mes oreilles et mes joues devant être à l’heure actuelle d’une rougeur prononcée contrastant avec la blancheur fantomatique de ma peau. J’attends patiemment que tu continues de me guider mais je ressens soudain chez toi une très légère hésitation qui bien vite se justifie.


-Tu préfères prendre l’ascenseur ?

Une question à laquelle j’aurais dû m’attendre mais qui me prend étonnement de cours. Je ne sais où tu habites, s’il est préférable de privilégier un des deux moyens, je n’ai su déterminer combien pouvait avoir d’étages ce bâtiment. Une réponse me vient néanmoins à l’esprit, comme une évidence que j’aurais oubliée. C’est étrange mais je ne me rappelle pas avoir été dans un ascenseur avec toi. Ou du moins, très rarement. N’est-ce pas enfant que tu m’avais avoué ne pas apprécier les endroits clos, petits, comme une personne montrant les signes d’une légère claustrophobie ? J’ai vécu assez longtemps avec toi pour me rendre compte que cela ne te ressemblerait pas.

- Non, ne t’en fait pas, les escaliers me vont très bien.

N’est-ce pas également un moyen pour moi de te prouver que tu ne dois pas t’inquiéter inutilement pour moi ? Je rencontre de nombreux escaliers tous les jours dans ma vie et ils ne sont nullement un obstacle. Il est bien plus facile de monter et descendre des marches que de faire certaines choses pourtant aisées de la vie quotidienne. Il nous suffit de nous approcher des marches et que je me rende compte de leur hauteur et largeur, combien y en a-t-il avant d’atteindre un premier palier, et ensuite ce schéma se poursuit sans jamais varier. Les premiers temps, je trébuche légèrement, mais bien vite je prends le rythme et me montre plus à l’aise, jusqu’à le faire presque naturellement. Je te rassure sur le fait que le nombre d’étages ne me fait pas peur. J’ai beau être aveugle et avoir toujours été assez fébrile, ce genre d’endurance ne me fera pas défaut, je ne l’espère pas, mais ta présence à mes côtés fera ma force sans le moindre doute, et me fera oublier le temps de l’ascension. Il vient alors l’occasion pour moi de faire perdurer notre conversation. J’ai tant de chose à te demander et pourtant, je n’ose aborder ces questions qui me brulent la langue. Peut-être les considérè-je trop sérieuses pour être abordées au milieu des escaliers. Je préférais attendre d’être entre les murs de ton appartement, assis à tes côtés ou en face de toi, pour en discuter plus solennellement.

- Alors… tu habites ici ?

Je ne sais pourquoi, une certaine anxiété transparaît dans ma voix. Par ailleurs, je n’arrive à continuer ma phrase et lui donne cette piètre finalité. J’aurais voulu te demander si cela faisait longtemps, et si tu comptais rester. Tu m’as dit arriver il y a peu, mais cela voulait-il dire que tu posais pour la première fois tes pieds ici, ou étais-tu déjà venu il y a de cela quelques temps sans que je ne le sache ? Il se pouvait très bien que tu aies habité ici pendant un long moment sans que je n’en sois au courant, après tout, j’ai refusé d’avoir la moindre nouvelle de toi. Me rendant compte de la maladresse de ma question, j’enchaine sur une autre avec une voix ayant un peu plus de neutralité.

- Tu travailles pour un journal à Londres ?

Je sers un peu la boîte que je tiens toujours dans ma main. Les marches s’enchainent tout autant que notre discussion, qui se donne des airs de banalité. Je préfère te poser des questions pour t’inciter à t’ouvrir à moi et à me raconter un peu plus en détail ta vie d’aujourd’hui, plutôt que de te parler de moi. Je te dirais tout ce que tu voudras entendre, mais je préfère m’assurer que tu désires le savoir en me demandant et non t’encombrer d’informations que tu ne veux entendre.
C’est la première fois de notre vie que nous avons sans doute autant de choses à nous raconter...





Daniel Launey
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Dim 8 Nov - 17:58
Il fut un temps où je pensais que tes sourires valaient tout l’or du monde. Aujourd’hui, je dirais plutôt que tout l’or du monde ne vaut pas l’un de tes sourires. À chacun d’entre eux, je sens mon cœur se réchauffer un peu plus, comme s’il avait passé ces dernières années à voguer entre les icebergs nordiques et que soudain il entamait un long mais néanmoins agréable voyage en direction de l’équateur. À chaque escale, il redécouvre des terres qu’il avait oubliées et qui pourtant avaient éveillé en lui de vifs sentiments, à l’époque où les courants chauds le portaient.
 

Comprends-tu mes craintes ou ai-je inconsciemment posé ma question de façon à ce que ressorte ma préférence ? Es-tu en train de prendre sur toi, as-tu l’impression de ne pas avoir le choix ? Jamais je ne t’empêcherais d’utiliser l’ascenseur, jamais je ne t’obligerais à grimper les marches. Tu me dis de ne pas m’en faire, c’est tout l’inverse que tu récoltes. Et pourtant j’acquiesce, mon bras retrouve le tien et nous approchons des escaliers. Je tente de refouler ma légère appréhension. Comment dois-je t’aider, as-tu besoin d’aide ? J’ai envie de te dire « Arrête-moi si je vais trop vite », j’ai envie d’insister sans tact : « Tu ne veux vraiment pas monter dans l’ascenseur ? » C’est complètement idiot car c’est justement la dernière chose dont j’ai envie, m’enfermer dans une petite cage métallique et regarder les numéros des étages défiler devant mes yeux.
 

Comme je n’ai pas été à tes côtés durant toutes ces années, je ne t’ai pas vu apprendre à vivre avec ta cécité. Je n’ai connu que tes débuts difficiles. J’ai beau savoir que tu es à présent habitué à tout ceci, je ne le suis pas ; si je suis parti, c’est parce que j’ai cru que je ne le serais jamais. Après tant d’années, serais-je donc enfin prêt, serais-je donc assez mûr pour l’accepter ? Accepter d’être impuissant face à la fatalité tout en l’affrontant. Tu luttes contre elle au quotidien avec brio, pourquoi ne le pourrais-je pas ? Il ne me coûte rien de te prêter un bras, de t’avertir à l’occasion de ce qui échapperait à tes sens, ça ne demande que deux, trois mots bienveillants. Je pense que le moment est venu pour moi, Eugène, je dois arrêter de fuir. En t’attendant devant le portail du lycée dans lequel tu travailles, j’avais en réalité déjà pris cette décision. Elle m’est difficile à assimiler, voilà tout. C’est ta facilité d’adaptation qui participe à mon acceptation, en un rien de temps, je ne te suis plus d’aucune utilité ni pour te soutenir ni pour te guider. J’ai honte de t’avoir laissé le coffret, en le portant, j’aurais eu l’impression d’avoir quelque chose à accomplir au lieu de me contenter d’avancer à tes côtés, de me calquer sur ton rythme. Tu as dû sentir mon inquiétude au tout début puisque tu me rassures, et ça fonctionne. Tes paroles sont en adéquation avec l’aisance avec laquelle tu entreprends cette ascension.
 

Je ne ressens pas ce sentiment d’oppression que m’avait fait craindre l’ascenseur, nous discutons sans profond malaise, sans silences qui s’éternisent ; j’en suis soulagé, encore un peu et je me détendrais. Tu te montres curieux à mon égard, peut-être un peu gêné par ce fait, je n’arrive pas à déterminer ce qui trouble ta voix en arrière-plan. Tu n’avais aucune nouvelle de moi alors que de mon côté j’ai manqué à mes résolutions et me suis renseigné sur ce que tu devenais. Je suppose tes questions plus nombreuses et plus essentielles que les miennes. Si tu ne m’as pas totalement oublié depuis lors sans pour autant entretenir de la colère à mon encontre, est-ce à cause de l’inquiétude, à cause de ce flou total dans lequel je t’ai abandonné après m’être volatilisé ? J’étais jeune, bête. Même si j’espère que l’âge m’a rendu plus sage, je ne suis bon qu’à te demander pardon. Privé de celui sur qui reposait les fondations de mon existence, je n’étais plus qu’une ombre, l’ombre de moi-même, brisé, effrayé, rongé par la culpabilité. Si tu viens à m’en poser la question, je ne te mentirai pas en affirmant ne pas être au courant de ce qui t’est arrivé, sinon je ne serais pas venu te trouver sur ton lieu de travail. J’ai eu le vain espoir que la certitude que tu ailles bien de là où tu étais me permettrait d’avancer, elle ne me suffisait pas. Ainsi, me voilà.
 

-J’ai déballé mes derniers cartons avant-hier donc je pense pouvoir dire que j’habite ici.
 

C’est officiel, je l’affirme, mais je ne me ne suis pas encore fait à cette idée. Je ne me sens pas « chez moi », en réalité, je ne me sens plus chez moi nulle part, ce depuis bien longtemps. Ce qui fait d’une maison un foyer, ce n’est pas le lieu, ce sont les personnes avec qui on y habite, et je suis seul, habitué à n’avoir que ma propre présence à supporter.
 

Ta question suivante est la suite logique de la première. Il serait normal de penser que je travaille pour un journal de Londres, et pourtant. Un fin sourire flotte sur mes lèvres, mon visage se tourne vers le tien. Mon regard ne se perd plus dans mes pensées comme il le faisait entre chacune de mes phrases, il guette ta réaction.
 

-Je travaille toujours pour le même journal français. Je n’ai pas besoin d’être tous les jours au bureau comme toi à l’école, je voyage déjà beaucoup pour mes reportages. Envoyer mes articles par e-mail et participer à des réunions en vidéoconférence ne pose aucun problème quand on fait mon métier.
 

Je précède mon aveu d’un léger blanc durant lequel seul le bruit que font nos pieds sur le carrelage des marches se fait entendre :
 

-J’avais besoin de changer d’air, je souffle avant de reprendre plus haut, pour le moment je suis en arrêt.
 

J’avais besoin de changer d’air... du moins selon mon éditeur et les grands patrons de ma boîte. Je ne conteste plus cette décision bien que j’aie hâte de retrouver ma routine, si précieuse et si chère à mon cœur puisqu’elle est tout sauf routinière. C’est fou ce que parler réduit notre perception de la durée de la montée. J’aperçois un panneau qui m’indique que nous ne sommes plus qu’à un étage du mien.
 

-Ta vie à Londres te plaît ? Ça n’a pas été trop difficile pour toi de t’y habituer ?
 

Je me rappelle la première fois que j’ai mis les pieds dans une capitale. Je ne savais pas où poser mes yeux tellement il y avait de choses à voir et à découvrir, j’étais émerveillé. Nous venons d’un petit village, d’un endroit calme, loin de l’agitation constante qui anime une agglomération comme Londres. Je ne fais pas référence aux difficultés que tu as probablement rencontrées des suites de ta cécité mais plutôt à celles que j’ai moi aussi eu à affronter au tout début. Je ne m’imagine pas que tu peux interpréter ma phrase de travers, elle est maladroitement tournée et une précision ne ferait qu’inviter l’embarras dans notre conversation. J'’aimerais ne pas avoir à marcher sur des œufs, ne pas craindre d'aborder ce sujet sensible qui ne peut être traité paisiblement quand il a déjà causé tant de ravages.
 

Bientôt, nous atteignons le bon étage. Je nous arrête doucement, vérifie que tu n’es pas trop essoufflé par cet exercice physique. C’est loin d’être mon cas, j’ai connu bien pire en montagne.
 

-Nous y sommes. Mon appartement est tout droit.
 

Je ne connais pas encore tous mes voisins de palier, je n’en ai croisé qu’une poignée, s’en allant travailler ou revenant d’une longue journée éreintante. Jusqu’à présent, ils m’ont paru fort sympathiques. Toi aussi, tu as rencontré des gens avenants sur qui il t’arrive de te reposer, non pas par obligation mais parce que tu leur fais confiance et que tu les apprécies ? C’est tout ce que je te souhaite.
 

Il nous suffit d’avancer de quelques pas pour que j’ouvre la porte et m’écarte de plus belle afin de te libérer le passage. Il ne me reste plus qu’à croiser les doigts pour que mon frigo ne soit pas vide de boissons.
 

-Fais comme chez toi.
Eugène Swanson
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Jeu 31 Déc - 16:18




-J’ai déballé mes derniers cartons avant-hier donc je pense pouvoir dire que j’habite ici.

C’est étrange à dire, mais j’ai l’impression que cette réponse me rassure en un sens. Je suis déjà soulagé de savoir que ton emménagement est récent, car, je n’aurais su comment interpréter le fait que tu aurais vécu ici depuis longtemps, sans jamais être venu me voir ou m’en avoir fait part. Pourtant, cela aurait été dans ton droit, tu es libre d’habiter où tu le désires, et si par hasard cela devait être dans la même ville que moi, ou même dans un appartement voisin, cela ne t’aurais jamais forcé  à renouer nos liens.  Après tout, je savais à quoi je m’engageais en te proposant de partir… Mais que veux-tu, je ne peux me mentir à moi-même et mes sentiments en sont inchangés. J’aurais toujours envers toi les plus douces attentions, et désirerais éternellement ton amitié, alors, te savoir me fuyant est une blessure dans mon cœur que supporte comme le peut mon humanité.

L’autre raison est qu’un curieux espoir m’anime. Une vision s’offre à moi dans mon esprit, celle d’un quotidien qui pourrait être désormais ponctué par ta présence. Je ne t’imposerais pas ma venue chaque jour, je ne me le permettrais en aucun cas, sauf si cela est de ta demande, mais, j’aimerai tant pouvoir côtoyer ta familière flagrance le temps d’une soirée, un week-end ou un soir en semaine quand tu as un peu de temps libre, lorsque tu possèdes quelques heures à occuper et qui trouveront une quelconque utilité à se passer en ma compagnie.
Si tu habites réellement ici, aurais-je raison de croire cela possible ?

-Je travaille toujours pour le même journal français. Je n’ai pas besoin d’être tous les jours au bureau comme toi à l’école, je voyage déjà beaucoup pour mes reportages. Envoyer mes articles par e-mail et participer à des réunions en vidéoconférence ne pose aucun problème quand on fait mon métier.

Lorsque tu parles, je sens ta voix bien plus distinctement, et j’imagine ton visage tourné vers moi, je ressens ton regard se poser sur mon être et scruter mes traits. Cela me rend aussi anxieux qu’heureux. Cela me ravit, que tu me regardes comme avant, lorsque nous parlions autrefois durant nos longues promenades et que tu me dévorais de ces magnifiques yeux bleus qui me renvoyaient tant d’affection. Je me souviens que ton regard parfois me troublait que j’en rougissais tant il était sincère…c’était l’époque où nous n’avions pas de secrets.
Mais j’ai peur que cela se retourne contre toi, et que tu te rappelles que ces iris rosés qui ne demandent qu’à briller pour toi, sont incapables de te voir et que, depuis longtemps maintenant, tu ne supportes plus de les regarder. J’ai peur, car j’aimerais tant que tu ne me fuis plus, mais je sais également que je pourrais regretter d’y avoir trop cru.  

Malgré le fait que tu voyages aux quatre coins du monde, tu préserves tes racines et continue de travailler en France. Il était vrai que ça avait été bien plus mon rêve que le tien de venir s’installer ici en Angleterre. Te voir rester dans ton pays d’origine ne m’étonne pas, et cela me plaît de savoir que tu gardes goût à ce qui fut notre culture commune, suffisamment pour ne pas aller trouver un poste à l’étranger. Cependant, quelque chose me perturbe. Dans ce cas, pourquoi être venu à Londres ? N’était-il pas plus simple pour toi de trouver un appartement dans la ville où se trouve le siège du journal pour lequel tu travailles ? Que représente réellement ce logement dans ta vie si mouvementée ?

-J’avais besoin de changer d’air, pour le moment je suis en arrêt.

Le temps que tu as pris pour me dire cela ne m’a pas échappé. Je ne sais ce qui se cache derrière ces mots, mais ils semblent emplis de mystères qui me sont pour l’instant impossibles de décrypter. Je pense pourtant te connaître suffisamment pour comprendre qu’il y a quelque chose qui te déplaît. Tu n’as pas l’air si heureux de « changer d’air » alors même que c’est l’essence de ta vie, voyager, partir voir d’autres horizons, découvrir sans cesse de nouvelles choses…
C'est une expression que l’on utilise lorsque l'on parle du besoin de prendre du repos, et je peux aisément concevoir que tu es celui qui ne lésine pas à la tâche et qui mérite donc de réelles vacances. Cependant, on peut également l’employer lorsque l’on recherche un changement, une remise à zéro, un balayage de tout ce qui nous entoure pour pouvoir respirer à nouveau un "air pur", sans tracas… ou tout simplement lorsque l'on désire quelque chose de différent.

Je me demande…si tu as dit cela pour cette raison, qu’est-ce qui dans ta vie actuelle te perturbe au point que tu aies besoin de cette pause ? Pourquoi être venu ici pour te reposer alors que tu aurais pu en profiter pour passer du temps auprès de ta famille ? Pourquoi t’être décidé de venir me voir après tant d’années, le jour de mon anniversaire…

Mon esprit veut faire des liens et trouver des réponses par lui-même. Mais je préfère être bien plus sage et ne pas pousser mes réflexions jusqu’au bout. Si je dois apprendre des choses, alors, tu me diras sans doute ce que je dois savoir. Et s’il reste des zones d’ombre, c’est qu’elles auront une raison d’être…
Je te fais confiance.

-Ta vie à Londres te plaît ? Ça n’a pas été trop difficile pour toi de t’y habituer ?

Les questions finissent par se retourner de nouveau vers moi. Tu as assouvi en partie ma curiosité, à mon tour de te rendre la pareille. Ce serait cependant une longue histoire que de te raconter tout cela. Sais-tu que Londres n’a pas été la première ville anglaise que j’ai habitée ? À vrai dire, je ne sais même pas comment tu as su me retrouver ici. Je me doute que tu as dû te renseigner auprès de mes proches, sans doute mes parents qui auraient peut-être averti les tiens, je ne le sais. Alors, à quel point connais-tu mon parcours après que le nôtre se soit scindé ?

- Londres est une ville très mouvementée, mais fort heureusement ce quartier résidentiel est calme. J’habite un peu plus loin à l’opposé d’ici. Je me suis rapidement habitué au trajet jusqu’au lycée ou l’université. Le centre-ville est en revanche un endroit que je préfère éviter lorsque je le peux. Le bruit y est très fort pour moi, je m’y sens souvent désorienté et les odeurs y sont moins agréables. Mais je ne pense pas qu’il n’y a que moi qui ressens cela.

Je laisse échapper un petit soupir amusé. Je ne veux pas que tu te sentes mal à l’aise dans cette discussion et, je fais de mon mieux pour te prouver que je suis capable de parler de mon quotidien, en prenant en compte ma cécité, sans en être gêné. Il serait normal que tes questions se recentrent de plus en plus sur ce sujet, et, j’y répondrais de mon mieux. Tu es celui qui a le plus le droit de savoir comment je vis cela. Mais, je doute toujours que tu sois celui qui en a le plus envie.

- Mon arrivée à Cambridge a été bien plus difficile à vrai dire. Aujourd'hui j'ai eu le temps de m'habituer à tant de choses, mais à l'époque je venais à peine de quitter la France, je m’habituais tout juste à ma cécité et je me suis retrouvé plongé dans cette grande université dans un pays étranger. C’était vraiment un monde tout nouveau pour moi et j’ai mis du temps avant de m’y sentir à l’aise. Heureusement je passais bien trop de temps le nez plongé dans mes études pour m’inquiéter d’autre chose. Et puis, ce sont ce genre d'expériences qui forgent notre vie.  

Les difficultés surmontés sont celles qui nous font avancer...
J’essaie de ressentir ta réaction face à tout cela. Je ne veux rien te cacher pourtant je ne sais comment te dire qu’il y a une chose à laquelle je ne me suis jamais habitué. Mais je pense que ce doit être déjà suffisamment une épreuve pour toi d’écouter le récit de cette partie de ma vie que tu n'as pas vécu. J’espère que tu ne fais pas la comparaison avec ce que cela aurait pu être si nous n’avions pas fait ce choix tout comme je m’interdis de la faire. Il n’y a pas de vie qui aurait pu être, mais seulement celle qui est, il n’y a pas de bonheur qui aurait pu perdurer, mais seulement celui que l’on peut construire aujourd'hui et chaque jour durant ; voilà ce que nous devrions nous dire.

- Mais l’Angleterre est comme ce que je m’étais imaginé. Je m’y sens vraiment bien, comme si je devais m’y retrouver depuis toujours. …Je dois avouer cependant que la France me manque parfois.

La France, ainsi que toi.
Je ne dis rien de plus, nous continuons de monter et bien que nous nous sommes quelque peu perdus entre nos mots échangés, je n’ai pas manqué de compter les étages que nous avons passés afin de me repérer, devinant donc que nous sommes bientôt arrivés. Ma respiration est légèrement lourde; si je suis habitué à la marche, il n’en est pas de même pour monter autant d’étages d’affilée, mais cela ne m’empêche pas de garder un sourire accroché à mes lèvres.

-Nous y sommes. Mon appartement est tout droit.

Je me repère au cliquetis de la serrure qui se débloque et le grincement de la porte qui s’ouvre avant de comprendre que cette chaleur indiquant ta présence m’invite à entrer. Précautionneusement je m’avance pour rentrer dans cette demeure où désormais tu habites.  Je me souviens encore de ce à quoi ressemblait notre appartement, tu sais ?

-Fais comme chez toi.

Il fut un temps où j’aurais réellement été chez moi, et pourtant aujourd’hui, me voilà anxieux et curieux comme un habitant venant pour la première fois découvrir l’habitat de son voisin.
Une nouvelle vague de chaleur vient caresser mon visage. Ton appartement est légèrement plus chaud que les couloirs, mais reste à une température agréable. Je n’entends pas beaucoup de bruit parasite et l’écho léger de nos pas me laisse deviner l’espace autour de moi, assez petit mais peu encombré. Ce qui me surprend surtout, c’est le manque de ton odeur. Je me serais attendu à sentir plus fortement ton parfum flotter dans l’air, mais il ne réside que dans une légère flagrance mélangée à une odeur bien plus forte de café, comme si cet appartement n’était pas réellement le tien. Tu es donc bien arrivé il y a peu.
De ce que je respire, il y a peu de poussière et tout sent plutôt le neuf. Je ne devine aucune moisissure, aucune humidité, aucune malpropreté, mais plutôt un endroit beau et bien entretenu.

- Cet appartement a l’air fort sympathique, tu y habites seul ?


Cette question qui se voulait innocente me met au fil des secondes de plus en plus mal à l’aise. Je me rends compte que ce n’était peut-être pas la première chose à laquelle je devais te demander et que même la question à savoir s’il y avait une belle vue depuis tes fenêtres aurait été moins troublante.
Mon cœur battant un peu vite, je retire mon manteau et précautionneusement mon écharpe, les pliants sur mon bras, puis je tends légèrement ma main en direction de là où je t’ai entendu pour la dernière fois.

- Où puis-je déposer cela ?

Je ne parle pas de mes vêtements, mais bel et bien du petit objet que tu m’as demandé de tenir le temps que tu trouves tes clefs et que j’ai gardé précieusement lors de notre montée. Si c’est quelque chose de fragile, il vaut mieux lui trouver une place tout de suite en sureté. Je ne voudrais porter le fardeau d'avoir cassé l'un de tes trésors.



Daniel Launey
Daniel Launey
Journaliste d'investigation
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Dim 3 Jan - 14:29
Tu aurais pu ne répondre à mes questions que par un oui ou un non, tu as pourtant à cœur de me conter ces étapes de ta vie que j’ai ratées. Et ta voix me berce comme autrefois, me rappelle ces soirs où tu t’endormais dans mes bras. Si mes paupières s’attardent et demeurent closes une seconde de trop, je peux encore me remémorer le parfum de ton shampoing, tes cheveux caressant mon visage ; le bonheur de poser mes lèvres sur ta tempe lorsque tu t’interrompais sans prévenir au milieu d’une phrase, plongeant dans un sommeil paisible. Mais ces bras qui jadis se refermaient sur toi, protecteurs, ne rencontrent que le vide et la réalité me rattrape. Il m’arrive de rêver du passé, plus fréquemment que je ne le souhaiterais, car la sérénité qui m’habite, endormi, s’effrite au réveil, laissant place à d’amers regrets.

 
Il est vrai que ce quartier, de ce que j’ai jusqu’à présent constaté, est relativement calme. Il le devient de manière bien plus saisissante quand il est comparé à l’agitation du centre-ville. Étant donné que tu n’habites pas si loin, peut-être nous serions-nous croisés par hasard un beau matin, un jour où nous aurions tous deux été pressés par le temps, partant pour le travail, et que le choc, la réalisation, ne nous aurait frappé qu’un peu plus tard. Notre rencontre aurait-elle été la même si je ne l’avais pas provoquée ? Nous ne le saurons jamais. Tu me parles de ce que je ne peux me figurer seul, de tes sens qui se sont développés et que maltraite la pollution sous toutes ses formes. Moi qui m’appuie sur la vue, j’ai le loisir d’ignorer au maximum ces désagréments si cela me chante, ce qui ne signifie pas que je n’en ai pas conscience. Ils m’affectent un peu moins, voilà tout.
 

Tu n’as pas l’air incommodé par ma curiosité mal placée, tu parviens à montrer un léger amusement. Je n’ose pas te couper dans ton élan, demander la moindre précision mettrait fin à cette étrange atmosphère. Je t’écoute donc avec attention, et tu me fais le cadeau de poursuivre tes explications. Je veux te comprendre, je veux ressentir le quotidien comme tu le ressens. Apprends-moi, Eugène. Ne m’apprends pas seulement ce qui t’est arrivé durant mon absence, apprends-moi à voir le monde qui m’entoure avec mon âme tout comme tu le fais, apprends-moi à le voir tel qu’il est dans son essence la plus pure, apprends-moi à la respirer, à l’effleurer, à la toucher, à l’aimer...
 

Apprends-moi.
 

Mes pensées dérivent, prennent un tournant dangereux. Te savoir si près de moi après tant d’années de séparation, t’entendre si distinctement après tant d’années de silence, il me suffirait de décaler ma main de quelques centimètres pour frôler tes doigts, espérer redécouvrir cette sensation électrique qui nous était familière, nous semblait inextinguible, si douce, si revigorante.
 

Mon poing se serre contre ma cuisse, je déglutis, me concentre sur ma respiration avant qu’elle ne me trahisse, avant qu’elle ne s’alourdisse. Ce sont là des pensées déplacées auxquelles je n'ai pas droit. Cela ne fait pas une heure que nous nous sommes retrouvés, que sont devenues mes résolutions si tenaces, où sont passés mes remords ? Tu mérites mieux qu’un lâche qui n’est bon qu’à te blesser, incapable d’aller de l’avant. Le temps a suivi son cours, les ans se sont fait suite les uns les autres, et moi, je ne cesse de regarder en arrière, de courir après des fantômes qui ne sont plus. Nous avons tous deux changé, sans aucun doute, mais ton visage reste celui que j’ai connu, et je ne sais me défaire de cette obsession. Combien de fois ne me suis-je pas nourri de ses émotions ? Combien de fois ne les ai-je pas partagées ?

 
Combien de fois m’a-t-il manqué ?

 
Cambridge, tes études, tu as travaillé si durement pour réaliser tes rêves. Au lieu de te morfondre, de te résoudre à leur inaccessibilité, tu les as poursuivis la tête haute. Probablement en as-tu eu, des hauts et des bas, des moments de faiblesse, de solitude, de désespoir, mais tu t’es accroché fermement à ce en quoi tu croyais, te concentrant sur tes objectifs. J’aurais dû être là, j’aurais dû t’épauler, sécher tes larmes. J’aurais dû, à présent, il est trop tard.
 

Je me mure dans le silence, acquiesce discrètement lorsqu’il convient de le faire. Si tu entrais dans ma tête, ta déception serait immense. Il n’y a là-dedans rien de grandiose, rien de beau, rien d’admirable. Je me torture à me le répéter. J’ai toujours voulu être un homme bien, je respecte des principes, je m’en tiens aux mœurs, à la morale, j’ai le désir de participer à la construction d’un monde meilleur, simple pierre parmi tant d’autres dans un pont inachevé qui relie la réalité à un idéal collectif. Je ne cherche aucune reconnaissance, n’ai point l’intention de sortir de la foule pour briller en solitaire. Je veux aider les gens que le destin met sur ma route, saisir les opportunités. Je suis convaincu que le hasard a un sens qui parfois nous échappe, ce qui ne signifie pas qu’il en est dépourvu.
 

Si ma venue t’a rappelé ce pays qui t’a vu grandir, a troublé la stabilité, les certitudes que tu avais acquises en Angleterre, j’en suis désolé. Ta place est ici, n’en doute pas. Contrairement à moi, tu as quelque chose à y faire. Tu formes de jeunes esprits, leur montres la voie afin qu’ils deviennent des adultes indépendants, afin qu’ils pensent par eux-mêmes et fassent des choix judicieux. Tu élèves la génération de demain et je suis certain que tu accomplis cette mission avec brio, ton enseignement reposant sur cette humanité, sur cette douceur qui te sont propres.
 

Je pourrais relancer la conversation de bien des manières, aucune ne me semble appropriée. Je suis fort aise d’atteindre mon appartement avant qu’un mal-être plus intense ne s’empare de moi, entre deux étages. Je te laisse entrer, referme doucement la porte derrière toi. Il règne entre ces murs une absence de bruits à laquelle j’ai peur de mettre un terme, comme si elle eut été sacrée. Je t’emboîte le pas sans mot dire, me délaissant de mes effets personnels. Je suis rassuré de ne pas avoir eu à troubler quelque quiétude que ce soit. Tu t’en charges, ou plutôt, tes paroles s’y mêlent subtilement, garantissant la paix de ces lieux, qu’importe leur maladresse. Tu as un don pour adoucir la ligne qui sépare deux éléments divergents de sorte qu’ils ne fassent plus qu’un. Tu aurais fait un merveilleux médiateur. Inutile de prendre le parti de l’un ou de l’autre quand on est capable d’associer deux concepts au premier abord opposés.
 

C’est fou, à chaque seconde qui s’écoule, je me souviens un peu plus de ces qualités et détails qui ont fait que je t’ai aimé avec une telle ardeur.

 
-Oui, je n’ai jamais cherché de colocataire. En temps normal, je ne suis pas souvent là, il m’arrive de partir plusieurs semaines pour un reportage et de ne revenir que pour une nuit avant de reprendre l’avion. Je ne pense pas qu’une colocation avec un fantôme qui ne passe qu’en coups de vent intéresse quelqu’un. Ça ne peut plus s’appeler de la colocation.
 

Je te souris du bout des lèvres. T’avouer que la solitude me pèse, parfois, est hors de question. Te révéler que je me sens incapable de vivre avec qui que ce soit depuis que j’ai quitté notre foyer aussi. Pour autant, je ne t’ai pas menti. À quoi bon prendre un colocataire avec pareil rythme de vie ?
 

- Où puis-je déposer cela ? 

 
J’ai bien compris que tu parles du coffret, pourtant, je te décharge de ton manteau et de ton écharpe. J’admets que la situation m’amuse légèrement. Je me retourne pour accrocher nos vêtements au portemanteau, à l’entrée, tout en te répondant. J’essaye de mettre un peu d’entrain dans mes mots.
 

-Tu n’es pas obligé de le déposer, tu peux l’ouvrir.
 

Je devrais me retourner, te faire face pour observer ta réaction, mais mes mains restent accrochées aux pans de ta veste. Mes muscles sont crispés, je respire à peine ; je suis tout bonnement immobile.
 

-Joyeux anniversaire, Eugène.
 

Je ne te l’avais pas encore souhaité en bonne et due forme. Ces mots ont été plus difficiles à prononcer que prévu. Je crois cependant m’en être sorti convenablement, en apparence du moins. Je tourne la tête dans ta direction, mon corps, lui, refuse de faire demi-tour. Le sourire que j’affiche n’a rien de sincère.
 

Je pleure.
Eugène Swanson
Eugène Swanson
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Ven 8 Jan - 21:43



-Oui, je n’ai jamais cherché de colocataire. En temps normal, je ne suis pas souvent là, il m’arrive de partir plusieurs semaines pour un reportage et de ne revenir que pour une nuit avant de reprendre l’avion. Je ne pense pas qu’une colocation avec un fantôme qui ne passe qu’en coups de vent intéresse quelqu’un. Ça ne peut plus s’appeler de la colocation.

Tu as quand même répondu à cette question que j’ai eu peur de mal placer. Elle aurait pu sous-entendre tant, mais tu as su la prendre le plus simplement possible. D’ailleurs, j’aurais pu trouver la réponse moi-même, n’ayant pas senti une odeur autre que la tienne dans cet appartement, bien que celle-ci demeure très légère, presque fantomatique, tout comme tu sembles qualifier ta présence en ces lieux. J’apprends également que mes espérances précédentes étaient effectivement vaines. Tu n’es pas souvent là et je n’oserais sans doute pas venir t’importuner lorsque tu reviens de plusieurs longues semaines de travail. Je ne sais pas s’il serait opportun de dire qu’il y a au moins une personne dans ce monde qui serait intéressée par cette colocation atypique. Cette pensée me donne un léger sourire au coin de mes lèvres. Que ne donnerais-je pas pour habiter à nouveau sous le même toit que toi, même si nous ne devions le partager que quelques instants par mois. Je me suis habitué à  la solitude, à un appartement vide, mais il m’arrive encore de rechercher inconsciemment ta présence, comme un manque que je ressens, mais auquel je ne préfère pas mettre de mots, ni associer de figures. Il m’arrive parfois de me réveiller et de me croire quelques années auparavant, lorsque nous vivions ensemble, et d’attendre que ta voix me réveille doucement, de sentir ton souffle chaud contre mon oreille, tes lèvres posées sur mes cheveux et tes bras m’entourant comme une protection contre tout ce qui pourrait me nuire. Je m’y sentais si bien…cette illusion me berce quelques secondes avant que mon esprit ne se réveille véritablement et que le froid de mes draps ne m’enveloppe. Souvent, c’est le noir que j’observe les paupières ouvertes qui me rappelle que ce temps est révolu et que ma réalité aujourd’hui est tout autre. Pourtant, je n’ai jamais senti le besoin de remplacer cette chaleur qui me manque par une autre… Je me demande s’il en est de même pour toi. J’en doute... Mais, tu as évité de l’évoquer. De ce que tu me dis, je pourrais sous-entendre que tu vis réellement seul, mais je ne veux pas tirer de conclusion hâtive, et je n’ai sans doute pas à m’engouffrer plus loin dans ta vie privée qui ne me concerne plus.

Tu t’approches de moi et je sens que tu me débarrasses de mes affaires. Je te laisse récupérer mon manteau, et cette écharpe que tu m’as offerte, cependant, tu ne reprends pas encore ce petit coffret qui reste précieusement au creux de mes mains. J’entends le bruit des vêtements que l’on accroche sur un porte-manteau, et ta voix qui s’y mêle soudain.

-Tu n’es pas obligé de le déposer, tu peux l’ouvrir.

Je ne comprends pas tout de suite ce que tu me dis, et tes mots me laissent perplexe.  J’essaie de déchiffrer leur sens qui me paraît sans logique. En quoi l’ouvrir t’aidera à mieux le récupérer par la suite ? …

Je n’ai pas oublié…cette manière que tu as toujours eu de me surprendre par tes attentions. Je ne l’ai pas oubliée… J’ai simplement du mal à y croire…

-Joyeux anniversaire, Eugène.  

Ce tambourinement au fond de ma poitrine me rappelle tant de choses. Et ce sentiment qui croit en moi, qui me prend de toute part, depuis toutes ces années, il n’a pas changé.
Je me revois, devant toi, à chaque cadeau de la sorte que tu m’as fait. Je les revois tous, un à un, je n’en ai pas oublié un seul, comment le pourrais-je. Ils ont été à chaque fois une source de joie si intense qu’il m’arrivait parfois de croire que l’on pouvait réellement mourir de bonheur. Moi qui ai toujours été modéré dans mes émotions, tu m’as pourtant fait gouter à des sentiments dont la force m’était insoupçonnée. Je te retrouve tant dans cette attention... Cela m’a réellement manqué. Non pas tes cadeaux en eux-mêmes, mais l’affection que tu y mets dedans. Je sais que tu es une personne qui a toujours eu du mal à parler librement de soi et de ses ressentis. Tu tiens aux autres, tellement, tu te soucies toujours de ton prochain, mais parfois tu ne sais pas comment communiquer cet amour pourtant si généreux que tu portes. Alors tu les traduis par des présents. Je sais que c’est pour toi comme une manière de confesser ton attachement, sans dire mot.  Et je les ai toujours vus comme tels. Comme si, plus qu’un objet matériel, tu m’offrais une partie de ton âme. Ainsi n’ai-je jamais pu me séparer de cette écharpe…et de bien d’autres choses…

-Oh Daniel…

Comment pourrais-je empêcher mon cœur de battre à la chamade. Chaque an, depuis notre séparation, je n’ai su être véritablement heureux en ce jour. Je le considérais comme mon unique moment de l’année où je pouvais me laisser aller, et être triste si je le souhaitais, si c’était là les sentiments qui emplissaient mon cœur. Mais aujourd’hui, tu illumines cette journée à nouveau…comme autrefois…et toutes ces années séparés me donnent l’impression de s’envoler, comme si elles n’avaient jamais existé, quand bien même je sais que cela ne change rien et que je ne dois pas penser ainsi.

Des larmes viennent mouiller mes yeux sans troubler ma vue, sans passer encore le seuil de mes paupières. Mais, je me sens si étrange, je ne sais comment les interpréter. Tout se mélange en moi, bonheur, tristesse, nostalgie…et je ne sais lequel est le plus fort.

Tu te souviens… J’ai perdu la vue et pourtant, j’ai su voir ces blessures qui se créaient dans ton cœur alors que tu me le cachais si habilement, par souci de me protéger, je n’en ai jamais douté. Je ne sais comment expliquer ce que j’ai ressentis, comment j’ai su interpréter cela, comment je l’ai compris…
La cécité m’a offert une nouvelle manière de voir le monde que je n’aurais même jamais imaginé possible auparavant. Il y a tant d’autres façons de lire à travers les cœurs, en se concentrant tout de suite sur l’essentiel, sans se faire détourner par les choses superflues. Aussi, j’ai l’impression de la distinguer dans la pénombre, cette aura qui se dégage de toi, bien trop semblable à celle de ce jour…

Je ne peux pas voir ton visage, je ne le peux. Cela fait des années que je n’ai pas ressenti ce besoin, un tel besoin, si immense qu’il me consume comme il m’a tant consumé autrefois, dès les premiers instants où je me suis retrouvé plongé dans ce noir semblant sans fin. Ce n’est pas le soleil qui vient caresser mon visage de ses rayons chaleureux chaque matin qui me manque, ce n’est pas la beauté des étendues vertes entourant notre village natal, ce n’est pas l’infinité azurée du ciel que nous admirions à deux, ce n’est pas le sourire s’affichant sur le visage de mes parents, mais le tien qui me manque. Tout ce qui me torture, ce qui me fait mal, ce que j’ai perdu de plus cher, c’est le fait de pouvoir admirer à chaque instant la moindre variation que tes émotions donnent à tes traits. C’est ça qui m’a rendu fou à cette époque où j’étais bien trop faible pour surmonter cette perte, c’est ça qui m’a donné l’envie de me laisser mourir alors que je me sentais m’éteindre dans cette chambre d’hôpital, ça qui m’a donné l’impression que mon existence n’avait plus de sens, pas si je ne pouvais te voir…

Aujourd’hui je suis forcé de rester dans cet inconnu, et cela me hante, me trouble comme je n’ai plus eu l’habitude d’être troublé. Dis-moi, à quoi ressemble ton visage maintenant, alors que tu me dis ces mots ? Quelle expression arbores-tu ? Que ne devinais-je pas ? Que suis-je incapable de discerner ? Je te connais, je te connais si bien, j’en suis persuadé. J’aimerais être encore celui qui te connaît mieux que personne. Et pourtant en cet instant, il y a cette chose que je ne comprends pas. Tes paroles se voulaient pleines de bonnes intentions. Mais il y a cette atmosphère qui demeure, lourde, et j’ai ce sentiment qu’un fait plus qu’important m’échappe.

Mes mains retrouvent ton visage comme si elles avaient été attirées par lui, comme si je n’avais pas besoin de savoir où te trouvais exactement, comme s’il était naturel qu’elles viennent  survoler ta peau, autant que des goutes d’eau tombent du ciel lorsqu’il pleut. Tu n’étais pas très loin de moi, je n’ai eu qu’à faire quelques pas, et sous mes doigts je sens alors cette ligne mouillée qui sillonne ta joue par-dessus ta cicatrice. Mes lèvres s’entrouvrent, mes sourcils se froncent d’inquiétude.
Il n’y a rien de plus douloureux que de voir les personnes que nous chérissons souffrir.

- Daniel…

Mes doigts fins, sans doute encore un peu frais de leur passage à l’extérieur viennent essuyer cette larme avec une infinie douceur, effleurant ta peau comme si je cherchais à ne pas la briser d'un simple contact.

Sans réfléchir,  presque instinctivement, mes bras s’enroulent autour de toi et te serrent dans une douce étreinte. Ma tête vient se caler au creux de ton épaule, respirant ton odeur; mon corps cherche à partager sa chaleur avec le tien, espérant atteindre ton coeur, et le réchauffer.


Intérieurement, j’ai l’impression de partager ta souffrance alors que je ne peux être certain de sa réelle origine. De nos deux torses accolés, j’ai l’impression que la douleur dans ta poitrine vient se transposer dans la mienne. Tes larmes me font mal, plus que n’importe quelles autres, et j’ai honnêtement peur d’en être la cause… Continuais-je donc autant de te faire souffrir ? Je ne le désire point. Alors, je tente de te calmer de ma voix plus tendre que jamais…

- Merci pour ce cadeau…

Je fais tout à l’envers, je te remercie alors même que je ne l’ai pas encore ouvert. Mais il représente déjà tant, il me faut te transmettre à quel point il me fait plaisir…Un cadeau dont je n’ai eu droit pendant de nombreuses années. Aurais-tu pensé à moi, chaque 21 février… ? Te serais-tu retenu de m’appeler, de venir me voir ? As-tu déjà désiré reprendre contact sans jamais y être parvenu jusqu’à présent ? T’ai-je…manqué ? Je ne te le souhaite pas…pas si tu as dû en souffrir. Tout ce que j’ai fait a été dans le but de t’empêcher de ressentir ce mal. Tu sais que je veux ton bonheur même si cela signifie que tu dois m’oublier…
Et si tu regrettes d’avoir tenté de le faire…  Si c’est le cas…j’aimerais tant te dire que ce n’est pas grave, que ce n’est plus grave. Tu as fait envoler ces journées solitaires en fine poussière avec cette simple petite boîte.

- Tu sais que je n’ai aucune rancœur à ton égard…je ne t’en ai jamais voulu pour quoi que ce soit et je ne t’en voudrais jamais…

Mes doigts se resserrent légèrement sur toi

- Alors…aurais-je le droit de savoir ce qui te peine ? …


Quelles que soient les raisons de ta tristesse, quelles que soient tes blessures, je t’en supplie, racontes-moi, racontes-moi tout. Je veux savoir ce qui pèse sur ton cœur, je veux être là pour toi et t’aider à mon tour comme tu m’as aidé autrefois. Je veux te comprendre, je veux essayer d’être à nouveau quelqu’un en qui tu as confiance, être une personne vers qui tu te tourneras en sachant que tu trouveras en moi une oreille attentive à tes problèmes et qui jamais ne te jugera.  

Si le poids sur tes épaules est trop lourd, je le partagerai avec toi. Et si ton mal n’est pas guérissable, alors nous aurons mal à deux.

Je t'en prie...laisse-moi à nouveau être cette personne...


Daniel Launey
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Lun 1 Fév - 21:26
Tu prononcerais mon nom un millier de fois que ce ne serait pas suffisant pour que je me réhabitue à l’entendre de ta bouche. Toute occasion serait bonne à prendre pour moi me délecter de la moindre variation, du moindre changement dans ton intonation. Que tu le soupires, t’exclames ou m’appelles, s’ensuit un bref flottement, un tremblement de mon cœur qu’il me faut taire, si possible oublier.

 
Ma vue n’est pas tant brouillée et j’ai peur que tu ne pleures à ton tour, que ce soit de joie, de tristesse, les deux à la fois. Je ne doute pas que ce cadeau que je te fais ait autant si pas plus de symbolique à tes yeux qu’aux miens. Tu n’as pas mis longtemps à me démasquer, enfant, incapable de démontrer la bonne foi de mes sentiments autrement qu’avec un présent. Aux prémices de notre histoire, déjà, je me sentais compris, et c’était avec un plaisir redoublé que je t’exprimais mon affection à ma façon. Si tu manifestais de la gêne en réponse à celle-ci, jamais tu ne la repoussais. Tu étais tendre et ta complaisance n’avait rien de malhonnête.

 
Il est de mon devoir de te rassurer et je t’assure que c’est là mon souhait. Il me suffirait d’inspirer profondément, de me retourner et de...

 
Plus rapide, tu as franchi la distance qui nous séparait. À nouveau, mon visage a droit à la douceur de tes doigts, à leur fraîcheur, bienvenue dans cette pièce chauffée. Ce contact m’apaise mystérieusement. Tu viens à moi, t’enquérir de ma faiblesse avec l’espoir de m’aider à la supporter. C’est là ton intention, n’est-ce pas ? Cette larme que tu essuies, pourtant, n’aurait pas dû couler, tu n’aurais pas eu à la remarquer, pas eu à t’en préoccuper. J’aurais fait un effort, j’aurais ri si cela avait suffi à apaiser ton inquiétude ; cette soirée se serait passée sans imprévu et tu serais rentré chez toi heureux. Ton bonheur, ton sourire, ils sont tout ce qui m’importe.

 
Cette douceur, spontanément, j’ai envie de te la rendre alors que tu chasses mes pleurs, alors que tu m’enlaces. Cette proximité n’est pas fusion, des pensées parasites m’empêchent d’y croire, mais elle s’en rapproche grandement. Les paupières closes, j’ai les effluves de ton shampoing qui emplissent mes narines à chaque inspiration et bercent mon être d’une allégresse ayant trait à l’euphorie. Ce que je m’imaginais proscrit, un instant auparavant, voilà que je le retrouve. Les souvenirs me transportent, lutter contre eux relève d’une difficulté trop forte pour moi, je n’y parviens qu’à moitié.
 

Tes intentions sont bienveillantes, je ne peux les accueillir qu’avec un sincère remerciement, un remerciement que je ne parviens pas à prononcer. Mon incapacité me peine. Lorsque tu ouvriras ce coffret, j’ai l’espoir que tu entrevoies ce qui me torture sans relâche et se cache derrière mon attitude que je suis incapable de t’expliquer de vive voix.

 
Ces mots doux que tu as à mon égard, ils sont trop bons, trop compatissants. Ils sont tout ce que je veux et que je ne veux pas entendre. Je suis là, dans tes bras, et tu m’attires un peu plus à toi, comme si tu voulais que nous ne fassions plus qu’un, que nous puissions nous comprendre comme si nous n’avions jamais été séparés. Et tu souhaites que je t’avoue ce que je me suis juré de garder en moi et d’étouffer.
 

Eugène, je ne peux pas.
 

Mais bras te soutiennent à leur tour. À nous tenir ainsi, nous sommes l’un pour l’autre un appui nécessaire, la nostalgie me prend ; je refuse de t’imposer le poids de mes tourments comme auparavant. Et si je te blesse au travers de cette décision, c’est à moi-même que je porte un coup. Chaque parole que je prononce est un couteau planté dans mon essence, l’essence de mon existence, de l’amour que tu m’as inspiré il y a bien longtemps et qui n’a eu de cesse depuis de me hanter.
 

-Rien dont tu n’as à te soucier, ne t’inquiète pas.
 

C’est un refus, un non, emballé de miel, saupoudré de sucre, trop sucré pour ne pas en devenir écœurant. Je m’écœure moi-même de mon comportement, je n’accepte de toi que ce qui m’arrange, je garde sous silence ce qui te concerne le plus. Sont-ce réellement des retrouvailles si mes secrets viennent en gâcher les réjouissances ? Cette soirée ne peut-elle pas se dérouler dans la banalité ?

 
J’embrasse chastement le sommet de ton crâne, me défait lentement de ton étreinte, je t’échappe, je m’enfuis.
 

Je suis lâche.
 

Ce sont tes lèvres qui me tentent et ma faiblesse qui me rend malheureux.
Eugène Swanson
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Mar 29 Mar - 10:17



Pendant un instant, je sens tes paumes venir se poser délicatement dans mon dos, et soutenir mon poids à leur tour, comme en réponse à cette enlaçade dans laquelle je me suis lancé à corps perdu, pour chercher à te réconforter. J’ai senti sous mes doigts les traits de ton visage s’apaiser, me forçant à croire que ma présence a encore, ne serait-ce qu’un peu, le pouvoir d’alléger ton âme de ses tourments. J’en serais si ravi, car là sont ma préoccupation première et mon désir le plus profond. Ceux de m’assurer que tu as quelqu’un qui sache t’aider et t’accompagner à vaincre tes peines. Que ce soit moi, en tant qu’ami, ou une autre personne…

Les souvenirs se font masses alors que ton parfum m’embaume, ne pouvant que m’en blâmer, moi qui suis venu le chercher. Nous nous sommes serrés si souvent ainsi autrefois, que ce soit par bonheur de se retrouver, par désir de partager nos sentiments dans une forte proximité, ou comme aujourd’hui, par esprit de soutien et d’entraide. Nous étions si complices que ce geste nous en était presque naturel. Désormais il est empli de symbolique nous rattachant à notre passé.  
J’ai foi, ainsi serrés l’un contre l’autre, je suis prêt à accueillir tes peines, je suis prêt à chercher par tous les moyens à te rendre ton sourire et donner tort à cette larme qui s’est échappée de tes paupières. Il suffit juste que tu me dises, que tu m’expliques, que tu m’avoues…que tu te confies à moi.

-Rien dont tu n’as à te soucier, ne t’inquiète pas.

Tes lèvres embrassent doucement mes cheveux, ton corps se détache du mien.

J’ai alors soudain ce sentiment de solitude qui me transperce. Durant l’espace d’un court instant, je l’avais oublié. Parce que tu étais là, parce que ta proximité l’a emmené au loin…dans une simple illusion. Mais désormais la réalité me fait face et m’arrache à mes tendres songes, m’oblige à réaliser à quel point je suis seul, même maintenant, alors que tu te tiens en face de moi.

La douleur dans mon cœur est si grande, je tente de la taire comme je peux. Je comprends que tu viens de me rejeter. Je suis désolé, peu importe la douceur avec laquelle tu l’as fait, je n’arrive pas à ne pas en souffrir, n’en serait-ce qu’un peu. J’ai cru qu’il me serait possible de t’aider, de partager à nouveau avec toi des choses que tu ne partagerais avec personne d’autre. J’ai cru que tu me laisserais être encore proche de toi. Mais tu m’éloignes, tu t’éloignes. Tu me fuis comme ce jour…

J’ai agi sans penser que je pouvais encore te dégouter au point que tu ne veuilles plus de mon contact. J’ai espéré que les années avaient effacé ce sentiment en toi lorsque tu m’as laissé effleurer ton visage pour constater ton identité. Comme un imbécile je me suis convaincu et je me suis jeté contre toi, pensant pouvoir te réconforter. Mais ta gentillesse a sans doute caché ton mal-être et peut-être ai-je trop cru te comprendre. Peut-être me suis-je persuadé moi-même que tu t’étais apaisé au creux de mes bras lorsque j’ai senti que tu me serrais à ton tour, lorsque j’ai senti ton expression changer au contact de mes doigts…

Tu ne veux pas de mon aide, tu ne veux rien me dire, et tu caches cela derrière le déni de tes problèmes.

Je n’ai pas à m’en soucier ? Autrement dit, cela ne me regarde pas… Et pourtant j'ai l'impression que la moindre chose qui peut te faire du mal est encore susceptible de me concerner et de m’être révélée. Après tout, je m’inquiète tout autant, que tu me le dises ou non, mes craintes pour toi restent inchangées même après toutes ces années. Penses-tu vraiment que je sois incapable de me soucier de toi ? Me crois-tu vraiment capable d’oublier une chose, bien qu’inconnue, qui te met dans un tel état ? Jamais de ma vie je ne saurais faire abstraction d’une larme roulant sur ta joue. Comme tu n’as jamais su faire abstraction des miennes.

Je me résonne quelque peu. Bien entendu tu me repousses, et je m'en vois perturbé, mais j’ai peine à croire cela malintentionné. Ne le ferais-tu par pour m’épargner, pour m’éloigner de ta souffrance ? Ne chercherais-tu pas, dans le fond, à me protéger une fois encore ? Tu as toujours été pour moi un refuge sûr et certain contre toutes les choses qui m’effrayaient et tendaient à me nuire dans la vie. Je me suis toujours senti en sécurité à tes côtés, puisque tu faisais tout pour que seul le bonheur ne parvienne à m’atteindre. Mais, aujourd’hui je suis plus fort qu’autrefois, et je veux moi aussi éloigner tes craintes. Je n’ai plus tant peur de souffrir, tant que cela peut t’aider. Mais il semblerait que mon désir soit inexauçable… Si tu ne veux pas de moi, serait-ce une bonne chose que de t’obliger à m’accepter ? Tu sais bien que ce n’est pas dans ma nature de forcer la main à quoi que ce soit…Cependant, ne sommes-nous pas en train de perpétuer nos erreurs passées ?

- Il m’est impossible de ne pas m’inquiéter…

Je ne peux te mentir comme je ne peux te le cacher. Je pense que mon visage exprime malgré mes intentions ce fait que je ne saurais dissimuler. Mon inquiétude transparaît dans chacun de mes traits, mais j’espère que ma douleur passagère, elle, n’est pas visible. Si tu ne veux pas que je me soucie de toi, je ne souhaite pas non plus que tu t’en fasses pour moi. Je vais bien, j’accepterai tout si cela est vraiment ton choix…

- Mais si tu ne veux pas me le dire… c’est comme tu le souhaites

Mes lèvres s’étirent doucement dans un petit sourire. Je n’ai pas à te forcer, je ne le peux, même si je meurs d’envie de savoir ce qui se passe au fond de ton cœur, de connaître la tempête qui fait rage en ton sein et que tu me dissimules. J’ai toujours respecté tes choix. Et même lorsqu’ils ne me plaisaient pas, je me suis toujours dit que tu devais avoir tes raisons.  J’espère simplement que nous ne sommes pas en train de nous engager sur la mauvaise voie, celle qui nous a fait tant de tort autrefois et qui est la cause de la situation présente…

Ma main se lève dans l’envie de revenir caresser ton visage, mais je la retiens à mi-chemin.

- J’espère au moins que cela va s’arranger

Plutôt que de venir effleurer ta joue, j’ai laissé mon bras glisser près du tien, venant serrer ce que j'imagine être le bout de tes doigts. C’est un geste un peu timide, mais je ne pense pas me tromper en considérant que tu préfères que je m’en maintienne à cela. Pour moi, il est tout aussi doux, et tout aussi plein de sens malgré tout.

- Et si jamais tu as besoin d’en parler… je serais toujours là pour t’écouter.

Je reste ainsi un instant avant de lâcher ta main pour ne pas te troubler davantage.

- Je ne te jugerai jamais.

Je me recule un peu, légèrement confus pendant un instant. Je t’ai avoué tout cela et maintenant, je ne sais plus quoi te dire. J’ignore ta réaction et j’ai un peu peur de la connaître, alors, maladroitement, je relève ma seconde main toujours occupée par cette précieuse boite que tu m’as offerte et la ramène contre moi, renouvelant l’expression sur mon visage, comme si je désirais passer à autre chose pour ne pas risquer de te blesser plus encore. C’est notre première soirée de retrouvailles…peut-être que le temps nous aidera à trouver des réponses à nos questions… mais pour l’instant, ne devrions-nous pas en profiter, encore un peu ? J’ai toujours su que si ce jour arriverait il serait aussi difficile qu’il l’est maintenant, mais, peut-être pouvons-nous essayer de l’accueillir plus simplement, et de n’en garder que la joie que nous pouvons en tirer ?

- Dois-je l’ouvrir ?


Je me sens comme un enfant qui attend ses instructions pour savoir comment jouir des présents qu’il a eus. J’attends ton accord, je ne veux pas me tromper. Je veux faire comme tu avais sans doute tout prévu avant de venir me rencontrer, car je sais que ce sera alors la meilleure chose qu’il puisse être.




Daniel Launey
Daniel Launey
Journaliste d'investigation
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Ven 24 Juin - 1:32
Je t’aime.


Je t’aime d’une dévotion si grande qu’elle en devient douloureuse. Elle nous mine, elle nous nuit, elle se dresse entre nous. Je veux te protéger de mes peines, des mes remords et de mes doutes, ce faisant je t’écarte de la cause de tous mes tourments : mon cœur dans lequel tu es bien présent. Tes qualités en ont tapissé toutes les parois, tes rires, tes sourires l’ont gardé de la solitude. Seule ton absence ne pouvait être comblée par ton souvenir. J’ai essayé de mettre de la distance entre nous. Je me suis convaincu que si tu m’oubliais, tu serais heureux, ainsi, je l’aurais été à mon tour.


Mais je ne suis qu’un homme. L’être humain n’a pas été conçu pour l’altruisme, c’est son éducation qui l’y pousse. L’être humain est un animal taillé pour la survie qui au cours de son évolution s’est rabattu sur l’égoïsme. Je te veux à mes côtés en me sachant une nuisance. Je me suis rappelé à toi. Dès l’instant où je t’ai abordé, il était trop tard. Si je m’en vais maintenant, tu souffriras.


Et si tu souffres, j’en souffrirai.


Ce serait un mal pour un bien. Un mal pour ton bien. Mais accepterais-je de te blesser, encore une fois ? Supporterais-je d’être blessé, encore une fois ? Je ne sais plus si je ramène tout à toi ou à moi. Mes pensées se troublent, ma raison se perd. Tes mots ne m’aident pas dans ma tâche. Comment pourrais-je faire le choix le plus judicieux si tu me fais part de ton inquiétude ? Comment si je lis la douleur du rejet sur tes traits ?


Je veux que tu sois heureux, sans moi pour dépendre de toi et t’entraver. Car tu as toujours cru être dépendant, tu n’as jamais réalisé ta force. Je suis le plus faible de nous deux. Je suis celui dont la mémoire est la plus vivace, celui qui aspire à ton amour et à une place quotidienne dans tes pensées. Une seconde par jour, une simple image me suffirait si je savais que tu songeais à moi.


Mais cela n’est-ce pas ce que je souhaite pour toi, n’est-ce pas ?


Je t’aime.


Je t’aime mal. Ou je t’aime trop. Qui sait ? Dès que je commence à utiliser ce verbe, plus rien ne va. Tout est plus simple, tout est plus facile si je l’enterre dans les profondeurs de mon cœur. Je ne suis pas assez expressif, je n’ai pas assez de spontanéité pour te le dire de vive voix, pour le crier sur tous les toits. C’est une vérité que je berce en silence, une mélodie qui à force d’être tue comporte quelques fausses notes. Et si mon amour a changé ? Et s’il t’effraie ? Il ne nous a apporté que déchirements et j’ai peur qu’il n’ait empiré avec le temps.


Je suis faible face à ta tristesse. Faible face à tes sourires forcés qui contiennent la même tendresse que les vrais.


Je ne me sens jamais plus faible qu’à ton contact. Comme un enfant qui a besoin qu’on le rassure. Je ferme les yeux, mon monde se résume à cette pression que tu exerces. J’y croirais presque, que ces dernières années, si belles et pleines d’aventures soient-elles, n’ont été qu’un cauchemar brumeux, que tu m’attends dans une réalité où nous ne nous sommes jamais quittés ; une époque où je n’aurais aucun scrupule à te parler de ce qui me maintient éveillé certains soirs ou me rend rêveur à certaines heures.


Le charme se rompt, tes paroles m’atteignent. Elles résonnent en moi. Non, bien sûr, jamais tu ne me jugeras. Je me juge à ta place, puisque tu es trop bon pour le faire.


Le silence nous guette comme je guette le moindre de tes gestes, à court d’arguments pour t’éloigner de moi, psychologiquement parlant. Je sens ton spectre qui me hante, il tente de connaître le fond de ma pensée dans l’espoir de m’aider. Et je le repousse, je me ferme à toi.


Tu as compris.


Un jour. Un autre jour, s’il te plaît, pas celui-ci, il est trop tôt. Je ne peux pas. Pas encore.


Merci.


C’est un peu plus serein que je m’avance vers toi. Mes mains se posent sur les tiennent sans que je n’y réfléchisse et je retourne la boîte dans l’autre sens.


-Ouvre-le comme ceci sur une surface plane, avec les gravures les plus importantes vers le haut. Fais attention, si son contenu se renverse il est perdu.


Tu feras attention, ce n’est pas nécessaire que je te le dise, mais la possibilité que la surprise vole en poussière ne me quitte pas. Si au moins, avant que cela n’arrive, tu pouvais en profiter, je serais l’homme le plus heureux le temps que dure ton émerveillement.
Eugène Swanson
Eugène Swanson
Professeur de philosophie
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Mar 2 Aoû - 21:58


Je ne sais ce que je dois faire avec l’objet que tu as laissé entre mes mains, sans me révéler lorsque tu me l’as confié, que ce n’était autre que le cadeau que tu me réservais pour ce premier anniversaire que nous fêtions ensemble depuis de longues années. J’attends tes instructions. Je veux tout faire comme tu l’as sans doute imaginé depuis l’instant où tu l’as acheté. Je te connais bien, et je suis certain que tu n’as pas changé à ce niveau-là. Tu as toujours adoré tout planifier, le moindre cadeau, la moindre surprise, tout a toujours été parfait, parce que je savais que tu y songeais sans cesse dès lors que l’idée avait germé dans ton esprit, jusqu’à ce qu’elle se réalise enfin. Tu préparais tout, tu n’oubliais rien, et cela devenait le moment magique que tu espérais, le moment magique que tu m’offrais… C’était tout l’amour que tu y mettais qui rendait cela si fabuleux.

J’espère que je ferais honneur aux sentiments que tu as renfermés dans ce présent, qu’importe ce qu'ils sont devenus aujourd’hui.

Ce n’est pas ta voix qui, tout de suite, me guide sur le chemin que je dois prendre, lais tes mains qui viennent doucement se poser sur les miennes. Leur chaleur caresse l’espace d’un instant la surface de ma peau et tes doigts se glissent entre les miens, récupérant l’objet pour le retourner délicatement, le laissant à nouveau reposer au creux de mes paumes.

-Ouvre-le comme ceci sur une surface plane, avec les gravures les plus importantes vers le haut. Fais attention, si son contenu se renverse il est perdu.

Tes mots ne font qu’éveiller un peu plus ma curiosité. Je suis intrigué, émerveillé par ces secrets qui se dévoilent lentement, sans révéler encore leur plus beau trésor.

- Puis-je m’asseoir ?


Je suis pressé de l’ouvrir. J’ai ce sentiment en moi, un peu… comme si mon cœur retombait en enfance. Ne devenions-nous pas tous les mêmes êtres à la fois heureux et impatients face à ce qui nous promettait joie et étonnement ? Je te laisse me guider là où nous pourrions nous installer, et je te demande de venir à mes côtés. Je veux pouvoir sentir ta présence près de moi lorsque j’ouvrirais ce cadeau qui est le tien...

Mes doigts tremblent légèrement, je ne sais si c’est l’effet d’une certaine anxiété, ou au contraire, d’une impatience certaine. J’ai tout de même un peu peur, après tes recommandations, de faire preuve de maladresses, et de briser la beauté de l’instant, aussi bien que le contenu. Tu as l’air de sous-entendre que c’est d’une fragilité sans fin.
La boîte posée devant moi, je prends d’abord quelques instants pour laisser la pulpe de mes doigts parcourir ces reliefs gravés auxquels je n’avais pas prêté l’attention qu’ils méritaient un peu plus tôt. Je sens les creux et les pleins se succéder, former des lignes, des cercles, des arabesques qui s’entrecroisent, des symboles qui me sont inconnus mais me semblent fascinants. C’est un travail beau, précis et précieux. Je suis déjà conquis par cette boîte fabriquée de toutes pièces par la main d’un artisan dont la passion du métier se ressentait, incrustée profondément dans les motifs de ce bois sculpté.

Il ne me faut cependant pas m’arrêter là. Le plus important m’est encore inconnu.
Caressant une dernière fois le dessus de l'objet, je viens me saisir délicatement des bords. J’attends. Il me semble que mon cœur bas un peu plus vite. Je prend une grande inspiration avant que vienne l'instant où je n'oserais à peine respirer, et, lentement, je soulève le couvercle.

Un embrun, inconnu, inattendu, vient éveiller mes sens. C’est un parfum nouveau, un peu terreux, un peu salé… Timidement, je glisse ma main à l’intérieur. Mes doigts s’enfoncent dans une substance sèche qui se faufile entre eux, caresse ma peau. J’en récupère un peu, tente de l’emprisonner. C'est poudreux, comme fait de millions de petites particules, de petits grains. Est-ce de la terre, est-ce du sable ? J’ai l’impression qu’il y a un peu des deux. Doucement, je ramène cela près de mon visage et respire légèrement.
Et alors, j’ai l’impression d’être emporté ailleurs. Un paysage se crée autour de moi. Je l’imagine, comme si j’y étais, sans pour autant y être, sans pour autant l’avoir vu.

Je replonge ma main et curieusement, je sens quelque chose d’un peu plus dur, et de lisse. Une pierre. Je la devine polie depuis des années dans une rivière, une cascade, un fleuve, emportée par le courant de si loin, l’eau ayant resculpté sa surface. Une eau venue d'un tout autre continent.

Je laisse glisser mes doigts dans la terre sableuse. Il y a d’autres trésors dissimulés. Un coquillage, un morceau de bois…ce sont tour à tour de nouveaux paysages qui apparaissent dans mon esprit, au fur et à mesure de mes découvertes. Une rive, une terre sans fin, une montagne, une plage…tant de lieux que je ne sais nommer mais que je vis soudainement, comme si, moi aussi, j’y avais un jour posé les pieds. Ce sont là tous les endroits où tu es allé n’est-ce pas ?  Tous les pays que tu as visités…Tu les as tous enfermés un à un dans cette boîte, tu les as protégés, tu les as transformés sous forme de souvenirs, et tu es venu me les offrir. Tu m’offres ce tour du monde dont nous avions rêvé. Ce tour du monde que tu avais depuis toujours souhaité faire et dans lequel je voulais t’accompagner plus que tout. Celui dans lequel je t’ai supplié de m’emmener lorsque je sentais la fin approcher, mais que nous n’avons jamais eu le temps de réaliser. Tu y es finalement allé, comme je l’avais souhaité lorsque nous nous étions quittés. C’était ton rêve. Tu ne pouvais pas l’abandonner. Je m’y étais inséré et il était devenu le mien parce que je voulais partager ton bonheur, mais il avait été avant tout et toujours tiens, et j’avais espéré de tout mon cœur que tu étais parti explorer ces contrées lointaines, même sans moi à tes côtés.
Et toi, à chaque endroit où tu es allé, tu t’es arrêté un instant et tu as pris un morceau de cette terre, parce que tu pensais à moi. Toutes ces années, à chaque fois, où que tu ailles…tu n’as finalement cessé de penser à moi…

Grâce à cela, grâce à cette attention que tu as sans cesse renouvelée, j’ai l’impression d’avoir voyagé à tes côtés…comme dans nos tendres et innocents songes de jeunesse…

Mon cœur déborde. C’est tellement. Plus que tu ne peux l’imaginer. Ou peut-être que tu le sais…tu sais à quel point tout cela est important pour moi… à quel point tout ceci est rempli de significations pour nous.

Je repose précautionneusement mes trésors. Une de mes mains s’élève. Elle vient chercher ton visage et le tourne doucement pour que mes lèvres puissent venir se déposer tendrement sur ta joue. Mon autre main se glisse vers la tienne, se fraye un chemin, délicatement et mes doigts s’entrelacent aux tiens, viennent les serrer dans une tendre pression, remplie d’une force qui cherche à véhiculer tous les sentiments qui éclosent dans ma poitrine et que j’aimerais tant te faire partager. Mon front se repose sur ton épaule, à défaut de pouvoir se glisser dans le creux de ton cou, comme autrefois. Est-ce que je cherche à cacher quelques larmes ? Qui sait, cette soirée est si remplie d'émotions pour moi qui n'en avais plus l'habitude...Une fois encore, tu m'as fait la plus belle des surprises...
J’ai peur que ma voix ne tremble un peu, tu m’excuseras...
Je t’aime tellement.

- Merci…Daniel…C’est le plus beau voyage que je n’ai jamais fait…


Tu as accomplis ton rêve et tu me l’as offert. Beaucoup croient que le mien aussi s’est réalisé. Mais la réalité est que mon rêve a toujours été, non pas simplement de devenir professeur en Angleterre, mais surtout et avant tout… de vivre ici avec toi.

Cependant, aujourd’hui, j’ai bien peur que ce ne soit devenu qu'une chimère de plus à enterrer dans le passé, et qui jamais ne se réalisera...





Daniel Launey
Daniel Launey
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Sam 10 Sep - 13:21
Mon regard s’attarde sur tes mains pâles, sur tes doigts, toujours aussi fins, et ton annulaire auquel j’aurais été prêt à passer la bague pour te prouver à quel point je t’aimais. Qui eut cru qu’une relation qui avait mis tant d’années à croître et à se renforcer pouvait voler en éclat au moindre caprice du destin. Je croyais en notre amour, en la force du mien, pourtant, j’ai vu ma raison s’effriter et mes croyances s’effondrer. J’ai senti mon cœur imploser en même temps que les larmes coulaient sans plus s’arrêter. J’ai appris que j’étais un être faible et détestable. Alors que tu avais besoin de moi, je t’ai abandonné. Je suis parti sans me retourner, je me suis volatilisé…


Quand je me regarde dans la glace, se dessine le portait d’un lâche, un homme qui vient en aide aux autres dans l’espoir d’un pardon qu’il refuse. Il arrive qu’on me dise que je suis quelqu’un de bien et je ne sais plus quoi y répondre. Je ne sais plus quels sont mes motifs, je ne sais plus ce que j’attends de cette vie. Je ne suis pas convaincu. La bonté pure, l’altruisme, j’ai peur à chaque inspiration de souiller les valeurs qui m’ont toujours été chères.


- Puis-je m’asseoir ?


Je réagis promptement à ta demande.


-Bien sûr.


En quelques pas nous pénétrons dans la cuisine, je tire une chaise et te laisse t’y asseoir, je prends place à côté de toi. Le souffle en suspens, je vis ta découverte avec autant de fébrilité, mon regard accroche chacun de tes gestes, les décortique, les analyse et les enregistre. Cette boîte a été le déclencheur de mon initiative. Sans un réceptacle symbolique, ce cadeau aurait perdu toute consistance avant même d’avoir été ouvert. Je ferme les yeux un instant, tandis que tu te tâtes à ouvrir le coffret. Je souris doucement, j’ai l’impression illusoire que nous sommes en communion, que pour quelques secondes, je peux te comprendre comme personne, comme par le passé. Lorsqu’enfin tu te décides, mon sourire s’élargit, je rouvre les yeux pour te contempler. Je souhaite que ce présent ait l’effet escompté, que tu ressentes mes émotions, tout comme moi qui suis fragile face aux tiennes.


Alors que tu reposes mes souvenirs de voyages, eux qui sont à présent les tiens, les mots ne viennent pas et mon cœur, mon pauvre cœur ! qu’il souffre à cette main qui caresse mon visage, à ces lèvres qui se posent sur ma joue. Nos doigts sont unis, ils ouvrent la voie à bien plus, à une communication sans langage, à l’apaisement, à un bonheur que tu me transmets et que je ne ressentais qu’à moitié. Ma cage thoracique se gonfle, incertaine, tandis que tu te reposes sur moi.


- Merci…Daniel…C’est le plus beau voyage que je n’ai jamais fait…


Ma gorge se serre. J’ai essayé de t’offrir ce voyage dont nous avions rêvé et s’il te plaît…


-... J’en suis heureux.


Ma voix se brise. Il n’y a qu’à tes côtés que j’ai la certitude d’avoir été pleinement heureux, entier. Tu étais tout ce qui me manquait ; tu es tout ce qui me manque aujourd’hui. Je ne peux pas regarder un autre et me dire que je pourrais l’aimer. C’est impossible. Mon cœur est pris.


Chose rare, je te prends dans mes bras, ou plutôt, je t’enlace de mon bras libre, te serrant contre moi, te transmettant mon émoi.


-Mon amour…


Ces quelques syllabes sortent d’elle-même de ma bouche, elles me sont cependant si difficiles à articuler, elles s’élèvent dans les airs tel un murmure qui aurait pu sortir de ton imagination.


Voici ma reddition.


Même s’il est question de ton bien, je suis incapable de te mentir plus longtemps. C’est trop dur. J’en souffre. Nous sommes si proches l’un de l’autre, comment maintenir mes barrières, comment garder mes distances ?


-Je te demande pardon pour être parti. Je...


J’ai encore en mémoire le goût de tes lèvres et la douceur de ton corps. Ils me détruisent un peu plus chaque matin que Dieu fait. Ça n’a rien d’une vie. J’étais désespéré, honteux, fou d’amour et transi de douleur au point de me réfugier dans le travail. Maintenant qu’ils m’ont mis sur le banc de touche et que je n’ai plus rien à faire jusqu’à nouvel ordre, j’erre comme une âme en peine.


J’ai besoin d’un soutien.


J’ai besoin de toi, sinon de personne.
Eugène Swanson
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Sam 10 Sep - 18:44




Est-ce là tout ce que je peux espérer désormais ? Me tenir contre toi et serrer ta main chastement. Si l’ont pouvait me promettre que ce ne serait pas l’unique fois, et que cette occasion se répèterait à nouveau dans le futur, je m’en contenterais volontiers. T’avoir auprès de moi, simplement à mes côtés, même si ce n’est que de temps en temps, pouvoir te parler et te sourire sera déjà un bonheur que je n’aurais guère espéré. Je ne te demanderais pas trop si tu ne le peux. Je prendrais tout ce que tu voudras bien me donner, jamais plus. Et si cela signifie que mon rêve ne se réalisera jamais, qu’il en soit ainsi. C’est déjà une partie de lui qui survit tant que tu te tiens là, que ton odeur embaume l’air que je respire et que la chaleur de tes doigts enveloppe les miens. Tu as réalisé ton rêve. Que puis-je espérer désormais pour toi ? Que tu trouves un nouveau sens à ta vie, qu’elle soit longue et prospère…mais surtout remplie d’amour.

N’est-ce pas ce que tu cherches maintenant ? Quelqu’un avec qui passer le reste de ton existence ? L’aurais-tu trouvé au cours de ton voyage ? Pourquoi venir ici aujourd’hui ? Désirais-tu m’offrir ce cadeau qui t’a pris tant d’années avant de partir définitivement ?
J’ai peur de cela, et en même temps j’espère. J’espère, oui, comme un imbécile j’espère que tu es venu chercher cette personne ici…à Londres…là où tu savais où la trouver…
Ne sont-ce pas mes espérances qui me font le plus de mal ? Regarde Daniel, ce n’est pas toi qui me fais du tort, c’est moi qui me blesse tout seul. Mais ne t’en fais pas, je surmonterais cette douleur tant qu’en contrepartie je pourrais admirer ton bonheur.

-... J’en suis heureux.

Ta voix se casse. Est-ce à cause de l’émotion que tu partages avec moi, ou est-ce parce qu’en réalité, tu n’es pas si heureux que cela… Je sais que quelque chose te tracasse. Une chose qui te fait horriblement souffrir mais que tu ne sembles pas encore prêt à délivrer.
Je serais patient, j’attendrais, mais j’espère que cette chose ne te dévorera pas de l’intérieur avant que tu ne puisses m’en faire part. Ne te renferme pas sur toi-même. Ne refais pas les mêmes erreurs du passé…Je suis là pou

-Mon amour…

Le fil de mes pensées s’est soudain stoppé. Il a arrêté son cours dès lors que j’ai senti ton bras m’enlacer et me rapprocher de toi, dès lors que j’ai entendu ces deux simples mots s’évanouir dans l’air comme une illusion, un murmure irréel. Mon cœur semble se briser, imploser. J’en oublie de respirer. Mon esprit ne cherche plus qu’à comprendre ces quelques syllabes. Cette appellation  qui autrefois me paraissait si naturelle et qui aujourd’hui est en train de trahir mon être entier. Pourquoi m’appelles-tu ainsi ? Est-ce par simple nostalgie, ou est-ce que tu penses réellement tes mots ? Éprouves-tu toutes ces émotions qui se bousculent en mon sein à l'entente de ceux-ci ?
Oh Daniel… J’ai l’impression de ressentir toute ton affection qui se transmet de ton corps au mien au fur et à mesure que ta chaleur m’enveloppe. Puis-je y croire ? Puis-je véritablement me laisser aller à y croire ? Ne suis-je pas en train de sur interpréter ?  Je ne veux pas me tromper, je ne peux pas me tromper. Tu ne pourrais me mentir ainsi…

-Je te demande pardon pour être parti. Je...

Le poids de ta culpabilité m’assaille. Je ressens toute ta honte, ta tristesse, ta douleur, ton désarroi. Je ressens tes doutes, tes peurs. Tout se déverse en moi soudainement, comme s’il n’y avait aucune barrière. Mon empathie à ton égard est trop forte…cependant, au moins, je te comprends.

Tes émotions t’empêchent de finir ta phrase, tu n’en a pas besoin. Le sais-tu, que tes peurs sont aussi les miennes ? Mais pourquoi nous effrayons-nous autant… Je ne veux pas que tu aies peur de quoi que ce soit à mon égard ni en ma présence.

Mon bras vient à son tour se refermer sur ton dos alors que mes doigts se resserrent sur les tiens. Je me blottis contre toi dans une embrassade semblable à celles qui, autrefois, avaient le don de chasser nos doutes les plus profonds, et réveiller nos sentiments les plus vivaces.

Ma voix est calme, elle ne vrille pas, elle n’en a pas de raisons puisqu’elle est certaine de ce qu’elle avance, pleine de convictions, tout en restant aussi légère qu’une brise.

- Laisse ces années de solitude au passé. L’important est que tu sois là aujourd’hui.

Ma main remonte à l’arrière de ton crâne, tes cheveux se glissent entre mes doigts alors que je t’offre de douces caresses dont le seul et unique but est d’essayer de t’apaiser.

- Je sais que tu t’en veux pour cette décision plus que difficile que tu as prise, mais tu as tendance à oublier que c’est moi qui t’ai proposé de me quitter…

Je m’éloigne un peu de toi comme si mes yeux allaient se poser sur les tiens. Je cherche plutôt à capturer ton regard alors que le mien se dirige honteusement vers le bas. Si je ne peux plus lire au travers des expressions de ton visage, le mien est resté comme un livre ouvert pour toi.

- C’est moi qui ai été trop faible pour supporter le poids du mal que je te faisais…sans croire au fait que j’étais encore capable de t’apporter du bien.

Il est si facile de reposer le tort sur toi, de penser que si ton amour pour moi avait été assez fort, tu aurais surmonté tes peines et tu serais resté avec moi. Mais dans l’autre sens, celui que personne n’essaie de voir, je n’ai pas été mieux. Il était si facile de te dire de partir si tu le souhaitais, si facile d’abandonner, de te laisser glisser entre mes doigts sans essayer de te retenir. Ce qui aurait relevé d’un peu plus de courage, je ne l’ai pas fait. Je ne me suis pas battu pour te garder auprès de moi. Je n’ai pas essayé de défendre de toutes mes forces notre lien qui commençait à se fragiliser. Je n’ai pas essayé de le protéger, de le renforcer. Je l’ai laissé se briser car je me croyais incapable de le restaurer. Je pensais qu’il ne m’était plus possible de t’apporter quelconque bonheur. J’avais l’impression d’être un monstre qui te blessait chaque fois qu’il te touchait, qui te répugnait chaque fois que tu posais ton regard sur moi. Je n’ai pas eu la force de combattre cette impression. J’ai été lâche. Plus lâche que tu ne l’as jamais pensé, plus lâche que tu aurais pu avoir été envers moi.

- Pardonne le jeune homme malhabile et peu confiant que j’étais, et que je reste encore un peu.


Mon sourire est légèrement douloureux. J’ai toujours été un enfant qui manquait cruellement d’amour-propre et de confiance en soi, parce que je me savais différent, et que cette différence me faisait peur. Mais aujourd’hui, j’ai grandi, je me suis assagis, et je sais que c’est toi qui m’as appris à ne pas la craindre. Idiotement, j’ai paniqué, à cette époque, lorsque je suis devenu encore moins normal que les autres.  J’ai cru que celui qui ne m’avait jamais vu autrement que ce que j’étais réellement, un simple garçon comme des milliards d’autres sur cette terre, avait changé son regard sur moi. Je n’ai fait alors que me morfondre sans chercher à lui prouver que j’étais toujours le même, malgré tout. Tu étais jeune aussi. Il était normal que cette expérience t’ait fait souffrir. Il est normal que nous ayons été faibles tous les deux.

- Daniel…que ce soit dans ta présence, ou dans ton absence, tu m’as toujours rendu plus fort…


Ton départ m’a fait mal. Comment pourrais-je dire le contraire ? Cette personne qui avait toujours été à mes côtés n’était soudain plus là. Ta présence était devenue si évidente, si essentielle…
Mais j’ai assumé mon choix, et le tien qui en a découlé. Et c’est avec ton image gravée dans mon cœur que j’ai continué d’avancer. Lorsque j’échouais, je me relevais en pensant à toi. Lorsque je réussissais, c’était grâce à toi. Tu n’as jamais quitté mon esprit. Tu es resté ce but que je plaçais droit devant moi, même si désormais tu semblais si lointain, si inatteignable. C’est pour toi que j’ai gravi les sommets, que j’ai supporté mes chutes et que j’ai dépassé mes obstacles. Parce que j’ai voulu devenir quelqu’un dont tu pourrais être fier. Quelqu’un en qui tu pourrais croire à nouveau. Quelqu’un sur qui tu pourrais te reposer…

- Et cette force que tu m’as donnée, j’espère désormais qu’elle puisse te venir en aide, comme tu es venu à mon secours. Veux-tu bien, aujourd’hui…te reposer sur moi comme je me suis reposé sur toi autrefois ?

Ma main se lève à nouveau. Elle cherche à rejoindre ta joue, à la caresser, à te rassurer.

- Je ne crains pas le poids de tes tourments, de tes peurs et de tes tristesses. Je veux les partager, les vivre avec toi, et les dissiper…

Mes doigts ramènent quelques mèches de tes cheveux derrière ton oreille dans un geste tendre avant de redescendre doucement se poser au creux de ta poitrine, là où je sens, imperceptiblement ton cœur battre sous ma paume.

- Laisse-moi, à mon tour, être ta force.

Je sais que mon visage est tourné vers le tien. Je sais que ton regard est ancré dans le mien. As-tu encore peur de celui-ci ? Si c’est le cas, alors ce que je fais n’est que folie pure…
Mais qu’importe ma folie si tu en es la cause.

- Laisse-moi essayer d’illuminer à nouveau le quotidien de la personne que j’aime, et que je n’ai jamais cessé d’aimer.

C'est mon sourire, lumineux, plus vrai et sincère que jamais qui embellit désormais mes traits.

Tu le sais maintenant. Tout va si vite…mais j'ai tant de choses à t'exprimer. Si je me suis trompé sur ce que tu as voulu dire en m’appelant comme autrefois, si je risque de te perdre en t’avouant cela, je m’en voudrais sans doute à vie. J’en ai la peur au ventre qui torture sans pitié mes entrailles, mais je suis certain de mes sentiments et je ne pourrais te les cacher.

J’en suis persuadé, Daniel, je le sais qu’aujourd’hui je suis assez fort pour tout cela. La vie n’est-elle pas après-tout une épreuve et le temps un apprentissage ? J’ai beaucoup appris de tout ce que le destin m’a fait subir. Et je le sais, maintenant, qu'elle est la raison de mon existence. Une raison qui ne changera jamais en dépit des aléas.

C’est à moi d’essayer de te rendre heureux.




Daniel Launey
Daniel Launey
Journaliste d'investigation
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Dim 11 Sep - 11:27
Si je suis le navire qui revient après avoir navigué par delà les sept mers, tu es l’amarre qui me maintient au port. Ce n’est qu’une fois que nous nous sommes retrouvés que je parviens à encaisser vagues et marées sans être submergé. T’avoir tout contre moi, accroché à ma présence, me rassure. Je me sens à l’abri de toutes les tempêtes ; compris, accepté.


Aujourd’hui tu es là, hier, je te confondais encore avec un doux rêve dont le souvenir m’était amer. Mais tu es réel et il fut un temps où ce nous qui nous englobe l’était aussi. Solitude, culpabilité, ces notions disparaissent alors que tu caresses tendrement l’arrière de mon crâne. Je ne dois pas fermer les yeux, je ne dois pas me projeter dans le passé car le présent m’appelle.


« C’est faux ! » voudrais-je clamer, endossant le poids de toute responsabilité. Mais ma mémoire troublée n’en est pas pour autant dupe et se rappelle des faits. Tu t’éloignes, je crains que tu ne me quittes. Je scrute ton visage, j’y lis ces émotions qui me font souffrir sans bruit, les mêmes, trait pour trait, desquelles tu as voulu me libérer par la chaleur réconfortante de ta main serrant la mienne. Je vois l’homme que j’ai aimé, celui que j’aime. Tu ne peux certes pas lire mon expression mais tu cernes si bien mon cœur que cela ne fait aucune différence.


Comment pourras-tu jamais me faire du mal ? Tu ne m’as toujours apporté que du bien.


-Il n’y a rien à pardonner, rien… je souffle.


Ce jeune homme malhabile et peu confiant, j’en suis tombé amoureux. C’est parce qu’il était tel qu’il était que je lui ai confié tout ce que j’avais de plus précieux : mon amour. Tu ne peux pas te dénigrer de la sorte, chaque facette de ta personnalité est empreinte de cette bonté qui te caractérise, une bonté aux apparences fragiles, timides, pourtant capable de soulever des montagnes et d’attendrir la pierre. Tes défauts sont ce qui rend tes qualités plus admirables encore. Ensemble, ils forment un tout, ils forment Eugène.


Ne sois pas si triste quand tu souris, je t’en prie. Je voudrais te rendre heureux, si seulement j’étais capable de mettre les mots justes sur ce que je ressens. Ce que tu me dis me touche, j’ai l’impression d’être indigne de tes paroles, de l’estime que tu me portes. Comment mon absence pouvait-elle te rendre plus fort lors des moments difficiles ? Ma présence aurait été mille fois plus utile. Mais où étais-je ? Ailleurs, à explorer le monde. Tout simplement pas là quand tu avais besoin de moi.


- Et cette force que tu m’as donnée, j’espère désormais qu’elle puisse te venir en aide, comme tu es venu à mon secours. Veux-tu bien, aujourd’hui…te reposer sur moi comme je me suis reposé sur toi autrefois ?


-Eugène…


Je ferme les yeux, frissonne au contact de ta peau. Je dois… je dois protester… n’est-ce pas ?


- Je ne crains pas le poids de tes tourments, de tes peurs et de tes tristesses. Je veux les partager, les vivre avec toi, et les dissiper…


Mon cœur s’allège en quelques secondes. C’était donc possible, c’était donc si facile. Il suffisait d’une poignée de mots tendres, sortis de ta bouche.


Je respire lentement, gonfle mes poumons. Je sens ta main posée sur mon cœur, il émane d’elle une douceur qui traverse le tissu de mes habits, les tissus de ma peau, pour qu’irradie en moi une paix intérieure sans pareil.


- Laisse-moi, à mon tour, être ta force.


Mon âme tremble, frappée de plein fouet par ton discours. Je ne peux que te regarder, incrédule. Après tout ce que j’ai fait, après tout ce que je n’ai pas fait, tu continues de vouloir faire partie de ma vie, de mon quotidien. Tu me demandes de ne pas te repousser, je dois lutter contre mes convictions, ma volonté d’agir pour ce que je juge être ton bien.


- Laisse-moi essayer d’illuminer à nouveau le quotidien de la personne que j’aime, et que je n’ai jamais cessé d’aimer.


Ton sourire m’a porté le coup de grâce. Ta déclaration est tout sauf ce à quoi je m’étais préparé. Je murmure ton nom, plusieurs fois, comme un homme perdu qui retrouve la lumière. Je cherche à me convaincre que tout ceci est bien vrai. Je sens les larmes rouler sur mes joues sans comprendre. Moi qui me haïssais pour en avoir versé une, j’ignore ces torrents qui brouillent ma vue et tachent mes vêtements de gouttelettes sombres. Mes mains enveloppent ton visage en coupelle, mon front se pose contre le tien. Je continue de prononcer ton nom, de manière inaudible. J’en articule les inflexions, toute voix m’ayant déserté. S’y mêlent des pardons qui t’implorent en silence.


Pardon d’être lâche.

Pardon de ne pas avoir été à la hauteur.

Pardon de ne pas te mériter.

Pardon de t’avoir fait souffrir.


Mes lèvres ne sont qu’à quelques centimètres des tiennes. La caresse de ton souffle me trouble et m’émeut. Il me suffirait d’un millième de seconde pour t’embrasser mais je n’ose pas, après tout ce temps, après ce qui s’est passé, te voler un baiser.


Je me juge indigne.

Indigne mais privilégié.


-Eugène, pardonne-moi, je t’aime.


Sur cette note de désespoir, je viens cueillir tes lèvres ; amant perdu, retrouvé, égaré.
Eugène Swanson
Eugène Swanson
Professeur de philosophie
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Dim 11 Sep - 21:26



-Il n’y a rien à pardonner, rien…

Ton souffle éloigne quelque peu la tristesse qui se peint sur mon sourire. Il me rassure, car il m’assure que tu ne m’en veux pas, et en même temps je sais que ces fautes que tu ne me reproches pas, tu décides de les endosser, et je ne peux accepter ce poids que tu infliges à ton cœur. C’est ainsi que tu as toujours été. C’est ainsi que tu cherches à me protéger. Mais tu n’as pas à endosser seul la culpabilité de nos actes. Nous sommes fautifs ensemble, ou alors chacun innocent. Mais en aucun cas tu es le seul à devoir être jugé.

Je veux te le faire comprendre. Je ne rejette pas ta protection, loin de là. Il me semble qu’il n’y a que dans tes bras que je sentirais à jamais cet apaisement, et cette impression de sécurité, comme s’il n’y avait que toi pour m’éloigner de tous les dangers. Mais je veux te montrer que je peux être cette bouée de sauvetage à laquelle tu te raccrocherais lorsque tu te sentirais alors englouti par les flots de tes sentiments et de tes craintes. Je veux te montrer que je suis plus solide que tu ne le crois désormais. Je veux te prouver que tu peux me montrer tes faiblesses et que tu n’as pas à les cacher, que tu n’as pas à essayer de m’éviter quelconque peine. Je supporterai tout, avec toi, et je t’aiderais à te débarrasser de ce qui pèse sur ton âme.
Ce que nous vivons, nous le vivons à deux.  Le bonheur, et la tristesse.

Je te remercie de l’attention que tu me portes. Je te remercie de ne pas chercher à interrompre mon discours mais de l’écouter jusqu’au bout. J’entraperçois tes réactions lorsque parfois mes doigts se posent sur ta joue, ou que ton souffle se répercute sur ma peau. Plus encore quand l’expression de tes mots me parvient…lorsque tu murmures mon nom…

Maintenant que je t’ai tout avoué, je n’attends plus que ta réponse. J’ai peur, et en même temps, je ne reculerais pour rien au monde. Je ne regrette pas, il fallait que je te dise tout cela. Il n’est plus question que le moindre recoin de mon cœur te soit étranger. Nous nous étions juré de tout nous dire et ce sont nos silences qui pourtant nous ont détruits. C’est donc avec mes paroles qu’aujourd’hui j’espère tout reprendre à zéro, et recréer ce lien qui je suis certain, n’a pas disparu. Il ne demande qu’un peu de notre attention, de notre patience et de notre persévérance pour revivre, et peut-être même devenir plus fort encore qu’autrefois.

Ta réponse, elle vient sous la forme de mon nom, que tu murmures de nouveau, et répètes sans cesse, comme si tu me cherchais dans le brouillard de tes pensées. Mon sourire lumineux devient alors doux et ma main qui serrait la tienne remonte se poser délicatement à la bordure de ton visage, pour te dire une simple et unique chose : Je suis là, Daniel, je suis là, juste devant toi, et nulle part ailleurs.  

Je sens alors quelque chose humidifier mes doigts avant qu’une chaleur n’entoure mon visage et qu’une légère pression s’exerce sur mon front. Ta voix se brise, je ne l’entends qu’à peine, pourtant je sais que tes lèvres continuent de me murmurer des mots. Mais je n’ai pas besoin d’essayer de les décrypter, je sais ce que tu veux me dire.

Je ressens tous le poids de tes remords, tous ces tourments qui soudain t’envahissent et que ton être entier laisse entrevoir. Pardonne-moi, je t’ai fait subir beaucoup d’informations en si peu de temps. Mais je suis heureux, Daniel. Je suis heureux de ressentir cette peine qui est la tienne, heureux que tu ne retiennes plus toutes ces larmes que tu les laisses rouler sur tes joues sans avoir peur qu’elles ne viennent effleurer mes mains et que j’en prenne conscience. Tu réponds à cet appel que je t’ai lancé. Tu m’acceptes comme le soutien que je souhaite t’être, comme le pilier sur lequel tu peux te reposer...

Je te promets de ne pas te décevoir. Je te promets de te rendre ce bonheur que tu mérites…


Mes paupières se ferment, apaisées par ta proximité, par l’odeur de tes cheveux qui caressent ma peau et la note salée de la rivière de tes yeux, par ton souffle qui se mêle au mien et la chaleur de tes mains dans lesquelles mon visage se love.
Je supporte tous tes sentiments, je les accepte, les laisse se déverser sur moi et disparaître au loin. Ils ne doivent plus encombrer ton cœur, ni alourdir tes ailes. Tu dois les chasser, comme tu le fais si bien maintenant, car ils n’ont plus de raisons d’être, et j’essayerai, de toutes mes forces, de les remplacer par des choses bien plus agréables…

Peut-être par mon amour, si tu le veux bien…

-Eugène, pardonne-moi, je t’aime.

Lorsque ta voix arrive enfin à articuler ces mots qu’elle voulait me transmettre, elle n’aurait eu besoin de s’élever, puisque le geste qui suivit valu toutes les paroles du monde.

Daniel…dis-moi, depuis quand n’ai-je pas senti ce parfum sur mes lèvres…Cette pression que tu m’offres fait vriller mon cœur. Je n’aurais jamais cru revivre cela un jour. Je pensais mourir sans plus jamais connaître le goût de ta bouche embrassant tendrement la mienne. Et pourtant celui-ci explose comme un millier de saveurs, à la fois nostalgiques et nouvelles, qui réchauffent le creux de ma poitrine.

Sais-tu ce que cela signifie pour moi ? Te rappelles-tu des derniers mois que nous avons passés ensemble ? Après que l’on m’ait diagnostiqué, après que j’ai perdu la vue…tu n’as plus jamais posé tes lèvres sur les miennes. J’avais senti, au fur et à mesure du temps que tu évitais tout contact avec moi. Tu t’éloignais, imperceptiblement, inexorablement. Et je ne pouvais rien faire contre cela. Même le jour où tu m’as quitté, où tu m’as annoncé le choix de la décision que je t’avais laissé prendre, tu es parti sans me dire au revoir comme l’auraient fait deux anciens amants. Si tu savais Daniel, j’ai tant attendu à cet instant que tu m’embrasses, j’ai tant désiré ce baiser d’adieux, cette dernière fois où je pourrais graver le souvenir de tes lèvres dans mon esprit. Mais rien n’est venu. Que l’air de la porte qui s’est fermée entre nous, et nous a définitivement séparés. À cet instant, je me suis senti répugnant. Un monstre…oui, je ne pouvais qu’être cela pour te dégouter à ce point. Mon apparence devait être abjecte, je devais être devenu ignoble pour que la seule personne qui m’ait jamais aimé n’ose même plus m’approcher, ni même supporter de me voir…
Je me suis senti plus minable que jamais. Il m’a fallu un certain temps pour que je reprenne confiance en moi, et que je n’accorde plus d’importance aux regards que l’on pouvait porter sur moi. Après tout, il n’y en a qu’un seul qui m’importe.

Ce baiser, c’est bien plus que l’expression de tes sentiments. C’est la preuve que je ne te dégoute pas. La preuve que tu n’as plus peur de faire face à mes yeux vide, plus peur de me toucher... de m’aimer. C’est une page du passé que nous tournons définitivement dans l’espoir d’écrire celle de notre futur. Le mal fait est loin derrière, effacé. Je ne m’en souviens déjà plus. Cette chaleur sur ma peau, c’est comme si nous nous étions jamais quittés. Comme si rien ne s’était produit.

Mais nous n’oublierons pas. Cette épreuve nous aura fait plus grands, plus forts.

Nous sommes-nous finalement séparés pour mieux nous retrouver ?

Mes bras se glissent autour de ton cou, nos lèvres s’attirent, se cherchent, se retrouvent dans une tendresse infinie, comme essayant de récupérer le temps qu’elles n’avaient pu partager ensemble. J’aimerais que cet instant perdure et ne prenne jamais fin, de peur que le rêve éveillé dans lequel je me trouve ne s’évanouisse et se révèle n’être qu’une chimère née de mon imagination, du manque qui s’est creusé au fond de ma poitrine et qui te réclamait depuis si longtemps.
Mais cela ne peut durer éternellement, et lorsque nos visages se séparent lentement, mes mains reviennent caresser tes cheveux, cherchant encore à capturer un peu de ta chaleur.

- Il n’y a rien à pardonner…

Je reprends tes mots, un peu taquin, comme si l’atmosphère était soudain plus légère. Je ris doucement. Mon cœur déborde, mes yeux aussi. Les larmes s’enfuient à leur tour sur mon visage, trop joyeuses pour ne pas aller danser au-delà de mes paupières. J’ai encore besoin de te sentir près de moi, alors je me blottis au creux de tes bras, je respire le parfum de ton cou, je resserre mes doigts sur toi.

- Daniel…puis-je rester ici ce soir ? Je peux dormir sur le canapé si cela te dérange…j’aimerais juste… m’assurer demain matin en me réveillant que tout ceci n’était pas un rêve…

J’ai peur de rentrer chez moi et de croire en me levant que tout cela n’était qu’une chimère de plus que mon imagination s’amusait à me faire subir, et que je ne savais discerner de la réalité. Les rêves peuvent paraître si réels parfois. Il n’y a que nos yeux pour déjouer leurs airs trompeurs. Et moi qu’ai-je contre cela ? J’ai tant rêvé de toi. Mais tu n’as plus jamais été réel jusqu’à aujourd’hui. Je ne souhaite qu’une chose.

Sentir la chaleur de ta main au lever du jour, et croire que tout est vrai.



Daniel Launey
Daniel Launey
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Dim 2 Oct - 12:05
Comment ai-je pu croire que je pouvais m’insinuer dans ta vie le temps d’un soir avant de disparaître à nouveau ? Comment ai-je pu me convaincre qu’une amitié distante me suffirait ? Ces pensées ne m’apaisaient en rien. J’étais certain que le passé gisait loin derrière nous, que j’étais le seul qui ne parvenait pas à avancer, à refaire sa vie. Ces résolutions idiotes me permettaient d’aligner un pas après l’autre, au centre d’une Londres fredonnant nos inévitables retrouvailles.


Même si je n’avais pas cédé aux suppliques que mon cœur, j’aurais fini par te croiser ; t’apercevoir à l’angle d’une rue, reconnaître ta silhouette, de dos, au milieu d’une centaine, non, d’un millier d’âmes. Je t’aurais suivi, abordé, j’aurais plaisanté sur la petitesse de ce monde et le simulacre de rire qui serait sorti de ma gorge n’aurait même pas convaincu les passants.


Je ne suis pas un bon acteur, encore moins un bon menteur. Tout ce que tes lèvres me rappellent, les sensations qu’elles éveillent en moi ; il n’y a rien que je puisse te cacher.


Comment ai-je pu te quitter, toi, mon autre ? Tu es le seul amour que j’ai connu, mon unique certitude sur cette terre. C’est un sentiment enivrant que l’absence rend fou et que la séparation tue. Toi, tu as pourtant vécu bien pire. Je n’ose imaginer ce que tu as enduré après mon départ, je suis incapable de connaître l’étendue du mal que je t’ai fait. J’aurais eu besoin que tu me le cries à la figure, que tu me l’apprennes en ruant ma poitrine de coups.


Tu n’es pas ainsi.


Tu pardonnes, tu me pardonnes.


Après tant d’années, tu prononces des mots inespérés que j’ai même du mal à assimiler. Nous avons été séparés si longtemps et voilà que nous sommes si proches. Tes bras entourent ma nuque, te maintenant contre moi. Je me perds dans la douceur de ton affection, m’emporte un peu trop face à tant de réceptivité. Je me souviens de l’époque où je t’embrassais à t’en faire tourner la tête, sans réellement savoir, au bout du compte, si ce n’était pas l’inverse qui s’était produit.


Nos étions jeunes et fougueux, embrasés par la passion. L’inconscience était notre plus beau cadeau. Pareil baiser ne se serait pas fini aussi abruptement, sans fanfare, sans feu d’artifice. Tout mon être néanmoins bouillonne d’extase.


Serait-ce la sagesse ou plutôt la lucidité qui nous pousse à nous séparer ? Lentement, presque à contrecœur. J’ai le souffle court, j’accueille tes caresses, les yeux à demi-clos. Je souris, bercé par ton rire. Je me sens apaisé. Ce sont tes larmes qui me ramènent à la pleine conscience. Je n’ai pas le temps de réagir que tu es tout contre moi, tu t’agrippes à mon haut, t’accroches à ma présence. Je ne peux que refermer mes bras sur ton corps qui m’apparaît si fragile et te frictionner doucement le dos.


Ta demande, si naïve, me prend de court. Il est inconcevable que je te laisse repartir ce soir, seul dans la nuit. Je n’ai moi-même pas envie que tu t’en ailles. Mais un dilemme de taille se présente  à moi. Il serait honteux que je te relègue sur le canapé et inconvenant que je te propose de partager mon lit. Bien que ce ne soit pas l’envie d’entendre ta voix au réveil qui me manque. J’ai eu du mal à accepter la réalité après t’avoir quitté, le silence dans la chambre, la place inoccupée à côté de moi, si froide. Je ne m’y suis jamais habitué. J’ai si longtemps dormi avec toi que je m’endors difficilement sans personne à mes côtés. Mais le moment est mal choisi pour ce genre d’aveux.


-Bien sûr.


Je retrouve peu à peu ma voix. Elle se voudrait plus grave, plus apaisante, plus… assurée après avoir dévoilé tant de faiblesse. J’hésite à embrasser le sommet de ton crâne mais m’abstiens au dernier moment.


-Je te laisse mon lit, je dormirai dans le canapé. J’ai tendance à me lever très tôt, je ne voudrais pas te déranger en me baladant dans l’appartement.


Je t’éloigne légèrement de moi, sans volonté de te repousser, et me relève en t’invitant à faire de même, mes mains prenant chaleureusement les tiennes.


-C’est vrai qu’il est tard. Je vais te montrer la chambre.


Il n’y a que quelques pas à faire avant de l’atteindre. J’allume la lumière et te guide vers le lit. J’observe un instant la pièce, plus nue qu’épurée, impersonnelle. Il est peut-être mieux pour toi de ne pas t’en apercevoir, de simplement couler entre les draps, flottant sur le matelas. Ce vide omniprésent est de ceux qui font obstacle à un sommeil paisible.


-Il fait plutôt froid… Je peux te prêter un pyjama, si tu veux.


Il est étrange pour moi de te traiter en invité. Mon cerveau est conscient de l’anormalité de cette situation. Elle me rend confus.
Eugène Swanson
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Sam 12 Nov - 16:26



La chaleur de tes bras me semble aussi irréelle que rassurante. J’aimerais m’y reposer, y oublier le monde, sans plus me soucier de savoir quand je devrais m’en séparer. Je me souviens de ces longues heures que nous passions allongés l’un contre l’autre, ma joue posée sur ton torse, ton souffle dans mes cheveux, et tes mains me caressant avec une tendresse infinie. Nous parlions alors, de tout et de rien. De la vie dans sa plus humble simplicité. Et nous étions heureux, plus que n’importe qui. Pourrions-nous retrouver ce même bonheur aujourd’hui ? J’ai l’impression que la joie qui m’envahit n’est pas aussi sereine qu’autrefois. C’est un sentiment fort, certes, mais également tourmenté. Il y a des questionnements qui demeurent, des incertitudes qui ne peuvent s’empêcher d’ajouter cette légère amertume à la fin, celle que l’on sent à peine, mais qui est belle et bien là.
Je l’oublie néanmoins. Je ne veux pas m’en soucier…pas maintenant.

-Bien sûr.

Tu accueilles ma demande comme une évidence et cela me rassure. Je suis ainsi certain que ma présence ne te sera pas une gêne malgré le fait que nous n’avons pas été sous le même toit le temps d’une nuit depuis des temps immémoriaux. Les nuits ont été longues, tu sais, sans ta présence à mes côtés…

-Je te laisse mon lit, je dormirai dans le canapé. J’ai tendance à me lever très tôt, je ne voudrais pas te déranger en me baladant dans l’appartement.

Alors que nos corps se séparent, mes doigts viennent délicatement essuyer le bord de mes paupières, encore humides des larmes de joies que j’ai versées, et un tendre sourire se peint sur mes lèvres, empreint d’un léger amusement. J’acquiesce en hochant doucement la tête pour toute réponse. Dois-je interpréter cela comme une excuse que tu cherches à donner pour éviter que je me sente coupable de te dérober ton lit ? Tu continues de me connaître si bien. Sans cette petite précision, j’aurais sans doute tenté de m’approprier le canapé en dépit de ta bonne intention, pour ne pas abuser de ton hospitalité. Mais comment puis-je actuellement aller contre ta gentillesse ? Un long débat serait inutile. Je suppose que tu ne pourras pas fermer l’œil tant que tu ne me sauras pas bien installé, tu es ainsi, toujours aussi prévenant. Tu as cette tendance à t’effacer pour le bonheur des autres, à faire passer le bien-être d’autrui avant le tien. Et je respecte ce trait de caractère qui est le tien. Je sais que c’est ta manière d’exprimer tes sentiments, de prouver ton affection, de montrer aux autres l’importance qu’ils ont à tes yeux. J’espère simplement que maintenant, je serais capable de t’apporter également ce bonheur que tu dénigres.

Tes mains cueillent les miennes dans une chaleur si tendre qu’il serait difficile de la repousser, bien qu’il n’en ait jamais été mon intention.

-C’est vrai qu’il est tard. Je vais te montrer la chambre.

Je te suis alors que tu m’entraines dans cet appartement que tu connais si bien mais qui m’est encore inconnu. Vais-je, un jour, savoir m’y repérer avec cette facilité née de l’habitude ? Pour l’instant je me contente de retenir du mieux que je peux les détails qui s’offrent à moi alors que nous déambulons de pièce en pièce. J’essaie de visualiser cet endroit où tu vis. J’essaie de l’apprendre. J’espère te montrer que je peux vite devenir autonome, même dans un lieu que je connais à peine. J’ai bien peur de vouloir encore te prouver beaucoup de choses…

La chambre ne se trouve pas très loin, en même temps, je doute que cet appartement ne soit très grand. Les  prix sont si chers à Londres, surtout pour un lieu où tu sembles rester si peu d’après tes dires.  

-Il fait plutôt froid… Je peux te prêter un pyjama, si tu veux.

Je suis surpris par cette proposition, me rendant compte que je n’avais pas songé à cela un seul instant. Je me suis invité chez toi, dans cette situation totalement improviste, et, l’idée que je n’avais absolument aucun nécessaire pour passer la nuit ne m’a à aucun moment effleuré l’esprit. Je suis gêné, mais de toute évidence je ne peux me résoudre à refuser ce prêt tant il m’est inconcevable de m’allonger dans ton lit autrement qu’ainsi vêtut.

-S’il te plaît. Je suis navré de te demander cela.

Je te laisse aller chercher le dit vêtement, attendant patiemment sans bouger de la place où je me trouve, à l’entrée de la chambre. Lorsque tu reviens, je récupère le bien que tu me tends avec délicatesse, comme ayant peur de le froisser.

- Merci, c’est très gentil de ta part.

Je t’offre un nouveau sourire. Je sens que l’ambiance est un peu particulière. Cette situation est étrange après tout, pour nous deux. Elle est presque irréelle, et nous force à reformer dans notre esprit tout le chemin que nous avons parcouru pour arriver à elle, et y croire.
Lorsque je sens que tu vas te congédier, ma main s’agrippe au premier vêtement que tu portes pour te retenir encore quelques instants.

- Daniel…

Elle relâche alors ce qui semblait être la manche de ton haut, et vient chercher le bord de ton menton pour pouvoir situer ton visage. Mes lèvres se déposent, comme un papillon sur une fleur, sur la rondeur de ta joue, celle-là même qui porte aujourd’hui une marque liée à ce passé que je n’ai pas connu, mais que j’apprendrais à découvrir au fil de nos discussions futures.

- Merci pour tout… Bonne nuit.

J’ai rêvé de te dire ces mots…tellement de fois. Chaque soir, lorsque je m’installais au creux de mon lit, je posais ma main sur le matelas vide à côté de moi, et dirigeais mon visage là où autrefois tu reposais. Alors, je murmurais ces mots. Des mots qui t’étaient destinés, où que tu pouvais être. L’espace de quelques secondes, j’essayais d’imaginer où tu devais te trouver, à cet instant, dans l’immensité du globe. Si tu étais baigné dans les rayons d’un soleil brulant à l’apogée de son cycle, si tu admirais les couleurs pastelles de l’aube sur l’horizon d’un océan, ou si, comme moi, tu t’endormais sous la voûte céleste. Je t’imaginais alors heureux, conquis par ta nouvelle vie, et je m’endormais avec le cœur un peu plus léger, prêt à affronter la journée qui m’attendait le lendemain. Pourrais-je un jour te révéler tout cela ? T’avouerais-je tous ces moments où j’ai pensé à toi en ton absence, ces moments qui me blessaient mais me rendaient à la fois plus fort ? Peut-être…lorsque le poids de cette culpabilité que tu sembles porter aura disparu. Je ne veux pas risquer de l’alourdir…au contraire, je suis prêt à tout faire pour qu’elle s’envole.

Ma main repose sur ton bras jusqu’à ce que tu t’éloignes et quitte la pièce. J’ai l’impression encore de flotter sur un petit nuage, mais j’essaie de rassembler un peu mes esprits, le temps de me changer et de rejoindre le lit. J’ai pris la précaution d’éteindre la lumière puisque je ne t’ai pas entendu appuyer sur l’interrupteur lorsque tu es sorti de la pièce, et je me glisse alors entre tes draps encore frais. Malgré ta rare présence ici, tout est empreint de ton odeur. Bien plus que de la respirer, c’est comme si je la cherchais au travers de ces tissus. Elle m’enveloppe, me berce comme une mélodie m’invitant au sommeil. Les manches relevées, ramenées près de mon visage, je sombre entre souvenirs et rêves qui s’éveillent en moi en la présence de ce délicieux parfum, et laisse Morphée m’accueillir dans ses bras. Ce soir, il n’y avait aucune amertume au fond de mon cœur alors que les songes m’envahissaient.



Dans l’obscurité, une lumière se faisait voir au loin, et dans celle-ci une silhouette se découpait. Familière, je n’avais aucun mal à la reconnaître. Son visage n’était pas visible, mais il était tourné vers moi, et sa voix m’était adressée.

Je t’aime… mais je dois partir.

Une douleur se faisait sentir dans ma poitrine alors que mon corps semblait soudain incroyablement lourd.  L’incompréhension m’envahissait. Je demandais « pourquoi ? » mais ma demande n’atteignait personne. La silhouette, déjà, se retournait et commençait à avancer. Je tendais ma main pour essayer de la retenir, mais elle ne l’effleura même pas. Elle était déjà trop loin. Et s’éloignait plus encore. Je criais, j’appelais son nom. Mais rien n’y faisait, il était trop tard.



Dans une grande inspiration, mon visage se relève. Je sens mon cœur battre la chamade dans ma poitrine et cherche à attraper ma montre sur la table de nuit. Mais, c’est surpris que ma main rencontre inhabituellement le vide, et, ne parvenant pas à reprendre mon équilibre, je m’écroule par terre, entrainant dans mon élan les couvertures qui adoucissent ma chute. Dans un grognement clair, je passe ma main sur mon visage et dans mes cheveux, essayant de retrouver mes esprits après cette dégringolade imprévue. Sous moi, je sens quelque chose rentrer douloureusement entre mes côtes et en dégage ma fameuse montre d’argent qui m’a valu cette acrobatie matinale. Dans un soupir, j’appuie sur le bouton qui m’indique alors phoniquement l’heure. Il est encore tôt mais c'est déjà une heure raisonnable pour se lever vu que je n’enseigne pas aujourd’hui.
Lentement, je remets en place mes idées, jusqu’à ce qu’une évidence me frappe. Nous étions le lendemain de mon anniversaire. Ce qui s’était passé la veille…

Aussitôt, je tire le haut de mon pyjama pour le respirer.
L’odeur de Daniel…

Alors je n’ai pas rêvé… C’est donc pour cela que je n’ai pas trouvé ma table de nuit, j’avais déposé mes affaires au pied du lit, je me trouvais dans sa chambre...
Un léger sourire apparaît sur mon visage. Je me relève alors, tentant de remettre correctement les draps et me dirige d’un pas hésitant vers le mur que je caresse jusqu’à atteindre la porte. En essayant de ne pas faire trop de bruit je tourne avec précaution la poignée et entre doucement dans la pièce de vie. Une odeur de café vient tout de suite m’accueillir, agréable, réveillant mes sens alors que je m’avance timidement.

- Daniel ?

Incertain, je cherche la présence de celui que mon cœur désire le plus entendre. Je veux entendre ta voix...je le veux tellement...
Peux-tu être le premier, chaque jour, à prononcer mon nom ?



Daniel Launey
Daniel Launey
Journaliste d'investigation
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Dim 25 Déc - 17:58



-Ne le sois pas, je te rassure.


Les nuits sont encore froides et je ne chauffe pas l’appartement plus que de nécessaire après une certaine heure. Je ne veux pas que tu tombes malade par ma faute ou dormes dans l’inconfort.


Je traverse la pièce pour atteindre la garde-robe. J’ouvre un bâtant, se dévoile à moi une étagère. Ma main effleure le bois, caresse le tissu d’un pyjama.


Ce n’est pas cette situation qui est étrange mais la soirée que nous avons passée ensemble, les bons et les mauvais souvenirs que nous nous sommes remémorés. Ils sont remontés à la surface de notre conscience avec une telle vivacité. J’ai cru avoir à me battre une fois de plus contre mes démons, mais tu les as chassés.


Tu as apaisé mon cœur.


Je ferme les yeux un instant, j’inspire doucement. Me parvient le parfum de l’adoucissant. Il se lie au souvenir du goût de tes lèvres.


Je me sens serein. Étrangement serein.


Je referme l’armoire et reviens à toi. Je te tends les vêtements, presque religieusement.


-De rien, c’est normal.


J’avais oublié à quel point mon être se liquéfie quand tu me souris avec tant de tendresse. Notre dialogue n’est que formes de politesses, mais chacun de tes mots résonne en moi et chamboule mon corps.


Comment mon esprit parvient-il à être aussi serein alors que tout en moi se dérègle ? Ces sensations, si longtemps perdues et retrouvées, sont délicieuses.


Il n’y a toujours eu que toi.


Elles le confirment et l’affirment.


-Je…


« Je vais te laisser pour que tu puisses te changer », allais-je dire, mais tu m’as arrêté juste avant que je fasse demi-tour, attrapant ma manche, murmurant mon nom.


Il n’est jamais aussi doux, aussi beau que dans ta bouche.


Ta main se saisit avec légèreté de mon menton. Interloqué, je m’immobilise et reçois un baiser sur ma joue, la caresse d’une plume, d’une brise, chaude et légèrement humide.


Je cligne des yeux plusieurs fois avant de parvenir à te répondre.


-Bonne nuit…


Le contact physique que tu maintiens entre nous rend mon départ de la chambre plus difficile encore.


-… dors bien, je rajoute en refermant la porte derrière moi.


Ce n’est qu’une fois sorti que je réalise que j’ai oublié un pyjama pour moi. Je soupire.


-Tant pis.


Je ne ferai pas marche arrière pour te déranger. Alors, je fais le tour de l’appartement pour éteindre les lumières avant de prendre une couverture, un coussin, et de m’installer dans le canapé.


Pour la première fois depuis longtemps, je m’endors sans avoir besoin de me retourner dans tous les sens durant plusieurs heures et ma nuit, bien que courte, se révèle reposante. Je suis quelqu’un de matinal, je me lève généralement avec le soleil car je n’ai pas besoin d’énormément d’heures de sommeil.


Lorsque j’ouvre les yeux, je découvre mon salon et me souviens de la veille. Un fin sourire éclot sur mon visage.


Eugène.


Mon cœur morcelé, on dirait qu’il est entier.


C’est agréable.


Je m’extirpe des draps et m’étire et baillant. Dehors, le ciel est clair, sans nuage, éclairé par les couleurs de l’aube. Je ne me lasserai jamais de ce spectacle. J’allume la télé sur une chaine d’info et baisse le volume au strict minimum. C’est mon remède contre la solitude du silence. D’autant plus qu’un journaliste se doit de rester informé.


Avant de commencer la journée, j’allume généralement la machine à café. Une ou deux tasses avec un demi-sucre et je suis opérationnel pour travailler. Bien que je sois en « congé » pour le moment, j’ai quelques articles à commencer sur lesquels je peux prendre de l’avance. Je vais certes à l’encontre des recommandations de mon patron mais cela m’évitera d’être débordé dès mon retour. J’ai besoin d’être occupé, d’être utile, sans quoi je deviendrai fou.


J’installe mon ordinateur portable à la cuisine et le démarre écoutant d’une oreille distraite les informations. Mon regard se perd sur ce qui m’entoure.


Eugène, qu’attends-tu de moi ? Peut-être serais-je plus soulagé si tu avais des attentes que s’il n’en était rien. J’aurais moins peur de te décevoir sans le vouloir. Je pourrais tenter de te rendre heureux après t’avoir rendu si malheureux. Ainsi, je donnerai moi-même une raison à ma culpabilité de disparaître et je ne dépendrais plus uniquement de ta bonté. Ne serait-ce pas pour le mieux ? Je refuse d’être à nouveau celui qui te fait du mal.


Tout à mes réflexions, je me sers une tasse de café et m’adosse au plan de travail, le regard tourné vers l’extérieur. Je reste ainsi un long moment. La boisson est quasi froide quand tu me tires de ma rêverie en prononçant mon nom. Je tourne aussitôt la tête dans ta direction.


T’apercevoir de bon matin, chez moi, vêtu de mon pyjama, a le mérite de me faire sourire. Ma joie transparaît dans ma voix. J’ai besoin de prononcer ton nom, moi aussi, comme pour être certain que tu sois bien là.


-Eugène, bonjour !


Je dépose ce que je tiens et te rejoins.


-Bien dormi ? Tu as faim ? Je n’ai pas grand-chose à te proposer en déjeuner, j’espère que ca t’ira malgré tout.


J’attrape la télécommande et change de chaîne. L’émission qui relatait les récents bombardements à l’étranger laisse place à un film tout public dont les scènes comiques sont ponctuées de rires préenregistrés.
Eugène Swanson
Eugène Swanson
Professeur de philosophie
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Mer 11 Jan - 18:22



Le bruit de la télévision m’importe peu. Mon esprit n’est à la recherche que d’un seul bruit. Celui de ta présence.

-Eugène, bonjour !

Mon nom, ta voix, et voilà un sourire qui fleurit tendrement sur mes lèvres, traduisant ce souffle de bonheur qui soulève ma poitrine  et vient réchauffer mes joues qui doivent se teindre d’une couleur pivoine. Je tourne mon visage dans ta direction alors que le bruit d’une tasse posée sur un plan de travail se fait entendre et que le son de tes pas m’indique que ta présence se rapproche.
Mon cœur s’affole.
Je ne peux m’empêcher d’espérer un baiser matinal alors que je sens la chaleur qui se dégage de ton corps si près de moi et ton odeur arriver dans une brise enivrante. Un geste affectueux comme nous le faisions autrefois et qui marquait chaque début de journée par un nuage de tendresse. Cependant, je me raisonne moi-même. C’est encore trop tôt. Bien trop tôt. Nous ne sommes sans doute pas encore prêts pour recommencer ces petites marques d’affection quotidiennes qui gagnent leur charme lorsqu'elles en deviennent naturelles. Pensé-je cela car j’ai peur de précipiter les choses ? Peut-être… Oh grand Dieu oui. Je ne suis pas de ceux qui se jettent dans le vide sans se soucier de savoir que leur chute sera belle et bien amortie. Prudence a toujours été mère de sûreté et ma meilleure compagne. Même mes décisions les plus irrationnelles ont souvent un fond de pensée. Ainsi, j'espère ne voir quelqu'un souffrir de mes actes ou de mes paroles.

-Bien dormi ? Tu as faim ? Je n’ai pas grand-chose à te proposer en déjeuner, j’espère que ca t’ira malgré tout.

J’acquiesce gentiment. Je suis si ravi d’entendre tant de joie dans le ton de ta voix. Ton humeur est bien différente de celle d’hier. Ton âme semble plus légère, plus reposée, et c’est si agréable.

- Oui, merci. Mes gouts n’ont pas vraiment changé, tu sais que je n’ai jamais été difficile. Un thé sera parfait ou un peu de ce café que tu as préparé sera tout aussi bien.


J’évite de te parler de ce mauvais rêve qui a hanté une partie de ma nuit. Il n’a en rien changé le confort de ton lit et la douceur de tes draps, et je veux t’assurer que tu es un très bon hôte. Ce cauchemar me trouble mais je crois déceler sa nature et son origine. Ce sont mes craintes qui ont pris forme dans mes songes et n’ont de raison d’être que dans les lacunes qui persistent dans les questions concernant notre relation. Or, en cette matinée, je suis bien déterminé au fond de moi à éclaircir ces zones d’ombre avec toi.

Lorsque tu me tends la tasse que tu m’as préparée, je te remercie et la prends délicatement, sa chaleur réchauffant mes doigts frais, puis je respire doucement les effluves de ce parfum revigorant qui s’élèvent dans la buée tiède qui vient caresser mon visage. Je te demande si nous pouvons nous asseoir et tu me guides, restant auprès de moi pour me tenir compagnie pendant que je petit-déjeune. La tranquillité qui plane, bercée par le bruit de la télévision, est si apaisante. Un sentiment nostalgique m’envahit. Mais les souvenirs de nos belles années sont surpassés par ceux de la veille. Je me rappelle de tout ce que je t’ai dit, de tous ces aveux qui se sont échappés de mon cœur et dont je t’ai enfin fait part après les avoir gardés en mon sein, sans pouvoir te les transmettre. Tout est allé si vite, hier soir, nous nous sommes laissé porter par les émotions, par ces années de manques comblés par nos retrouvailles, et les mots ont trouvé leur chemin pour passer la barrière de nos lèvres. Cependant, il est l’heure maintenant de repenser à tout cela à têtes et cœurs reposés.
Je bois une gorgée du liquide chaud pour me donner un peu de courage et décoincer un peu la traditionnelle voix caverneuse du matin, puis repose doucement ma tasse dans un claquement délicat.

- Daniel…je crois que nous devrions discuter de …nous.

Timidement, je cherche ta main qui est posée sur la surface entre nous et serre tendrement tes doigts. J’ai quelques appréhensions, bien entendu, et, je réalise à peine ce que je vais te demander, mais après les mots que tu as prononcés hier soir, je sais que je me dois de sauter le pas pour enfin clarifier notre situation, après que l’aient été nos sentiments…

- Veux-tu…t’engager de nouveau dans une relation sérieuse avec moi ?

Je sais que mes yeux sont posés sur toi alors que je t’offre un sourire qui trahit aussi bien cet amour qui est entièrement tien, que cette légère angoisse qui m’envahit. Ces sentiments empourprent mes joues et je baisse mes yeux, laissant mes mèches blanches glisser sur mon visage. Ce n’est que le temps de me calmer et de te faire redécouvrir un visage plus serein. Je n’ai rien à craindre, je serais d’accord avec toutes tes décisions, qu’importe soient-elles. Il ne faut surtout pas que tu aies l’impression que tes mots risquent de me blesser car je ne veux en aucun cas influencer ton choix, et causer les mêmes erreurs que dans le passé.

- Nous ne sommes pas obligés d’aller trop vite…peut-être pourrions-nous commencer par nous voir plusieurs soirs par semaine le temps que tu es à Londres ? Qu’est-ce que tu en penses ?

Je dis cela, mais déjà je ressens le manque de ne pouvoir te voir tous ces autres soirs où je resterai seul chez moi. Alors que je retrouve à peine ta présence, j’ai l’impression que je ne peux déjà plus m’en passer. J’ai si envie qu’elle m’accompagne constamment, et retrouver ce quotidien où tu ne me quittais pas, où tu n’étais jamais très loin de moi. Mais je sais que de toute manière, cela est impossible puisque tu vas devoir repartir pour ton travail, retourner sillonner les routes du monde et quitter celle belle Angleterre, tôt ou tard. Est-ce que, pour cette raison, et malgré les sentiments qui t’animent à mon égard, tu vas éconduire cette proposition que je te fais et répondre à la négative à cette demande que je t’ai formulée ? Je suis bien conscient de cette possibilité plus que probable, et je comprendrais. Néanmoins, la distance n’a jamais altéré ce que j’éprouve pour toi, et je sais que ce ne sera jamais le cas. Alors, je veux bien être, tel un phare brillant au milieu de la nuit qui reconduit les bateaux en peine vers la côte, ton point de repère sur cette vaste terre, ton lieu où tu viendras te reposer après tes grands voyages ; ici, au creux de mes bras. Car toujours je t’attendrais avec patience, et t’accueillerais avec chaleur.  




Daniel Launey
Daniel Launey
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Dim 22 Jan - 14:40
Ton sourire au matin est un second soleil qui vient illuminer ma journée. Je me dis que les premiers mots que tu as entendus au réveil étaient les miens et rien ne pourrait décrire la joie que cette réalisation m’inspire. C’est naïf, et même totalement stupide, mais les petits bonheurs ne composent-ils pas les plus grands ?


-Va pour un café.


Je rallume la machine qui chauffe le liquide et verse une tasse que je t’apporte, récupérant la mienne que je remplis au passage. J’observe un instant ton visage apaisé avant que nous n’allions nous assoir. Ce silence entre nous, rempli par les sons qu’émet le poste de télévision, a quelque chose d’agréable. Au fond, j’aimerais qu’il perdure et que rien ne vienne le rompre, que nous n’ayons pas à parler, à alourdir l’atmosphère dans la pièce de nos soucis.


Il le faut. Je le redoute.


Tu te décides à prendre la parole puisque je ne manifeste aucune intention de le faire. Je ferme les yeux, inspire une bouffée d’air et déglutit.


« Nous », ce mot, si beau, si douloureux. Il enlace mon cœur et le poignarde. Nous il y eut, nous il fut… Y a-t-il toujours un nous qui tienne ? Dans mes rêves les plus fous, il existait, il était une berceuse que tu murmurais au creux de mon oreille, jusqu’à ce que je m’extirpe de mes songes pour réaliser ton absence.


Ta main trouve la mienne et je la presse en retour. J’ai peur de ce nous qui baigne dans l’illusion, ce nouveau nous qui prétend être le même qu’avant en cachant ses balafres  à peine pansées. N’est-il pas trop tôt ? Jamais l’idée d’une relation sérieuse avec l’homme que j’aime ne devrait me faire reculer, alors pourquoi ?


Quelque chose en moi défaille en lisant sur ton visage l’étendue de cet amour qui m’est tout dévoué. Je porte tes doigts à mes lèvres et les embrasses tendrement, la gorge serrée. Je voudrais repousser ces mèches qui te gênent, passer ma main dans tes cheveux et t’embrasser, naturellement, amoureusement.


Qu’est-ce qu’il m’en empêche ?


Tout va trop vite, oui, voilà. C’est ça, mon ventre qui se tord. J’ai besoin de temps pour assimiler que tu es là, à mes côtés.


J’ai besoin de temps comprendre que je peux t’aimer. Que tu es là pour moi, que je suis là pour toi.


Serai-je là pour toi ?


Non, me dit ma raison. Je serai sur un reportage en Australie,  au milieu d’un tournage en Afrique, en train de préparer une interview en Amérique… Quand serai-je là pour toi ? Tu seras aimé mais tu seras seul. Je ne peux pas le supporter, tu ne mérites pas d’être seul.


-Pour combien de temps crois-tu que je serai à Londres, Eugène ? Je ne peux pas…


L’oxygène me manque.


-… Je t’aime, tu le sais.


J’embrasse de nouveau tes doigts fins, si pâles, si longs ; si délicats.


-Je ne peux pas t’imposer mon rythme de vie. Et si je reste à Londres je…


Ma voix ne cesse de se casser. J’essaye d’organiser mes idées.


-Je vais étouffer, je vais suffoquer, je vais…


« Je vais mourir. », je me retiens de terminer.


Ma seconde main accomplit mon désir et vient tendrement caresser ta joue avant de se perdre dans tes cheveux. Je te regarde dans les yeux avec la même intensité que s’ils me voyaient et pouvaient lire ma sincérité.


-Je serai encore à Londres pour deux ou trois semaines. Je te rendrai visite autant que tu veux, tous les jours s’il le faut, mais…


Ta tristesse me tue intérieurement. Ne sois pas triste. S’il te plaît. Je t’aime, comprends-moi, aimer l’autre, c’est vouloir le meilleur pour lui.


-Ne pleure pas.


J’ai ce besoin urgent de tes lèvres. De ton visage tout contre le mien. De ton souffle haletant, de nos respirations erratiques en harmonie. Ce n’est pas un baiser qui suffira à te consoler, je ne devrais pas. C’est plus fort que moi, dans un mouvement un peu trop brusque, mon pied cogne contre la table basse qui tressaute et je me retrouve au-dessus de toi à t’embrasser, ton visage entre mes mains.


Encore une fois, je suis occupé de faire tout ce que je voulais éviter.


Pardonne-moi.
Eugène Swanson
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Mar 24 Jan - 20:31




Tes lèvres effleurent mes doigts dans une caresse tendre, si tendre…que ce geste à la douceur infinie semble me présager la réponse que tu vas me donner. Le silence que tu arbores, j’ai l’impression de lire en lui; j’entends les mots que tu ne prononces pas. Il devient la parole qui précède ta voix.

-Pour combien de temps crois-tu que je serai à Londres, Eugène ? Je ne peux pas…

Quelques semaines, Daniel, tout au plus, et tu repartiras. Puis tu ne reviendras alors qu’après de longs mois, voire années, je le sais très bien, j’en suis pleinement conscient, et c’est en ayant pris en compte ce fait que je t’ai demandé si tu voulais tout recommencer avec moi.

-… Je t’aime, tu le sais.

Tu embrasses mes doigts avec finesse, comme si tu embrassais mes lèvres. Mon cœur se serre puis fond à nouveau. Quelle douce et étrange torture me fais-tu là, à me rejeter puis me quémander mon amour. Tu sembles me repousser pour ensuite me garder plus fermement contre toi. Je me perds dans les flots de tes émotions sur lequels je tangue. Tu sembles incertain, toi qui as toujours été sûr de toi. Est-ce moi qui t’ai rendu ainsi ? J’ai bien peur que ce soit le cas. Pardonne-moi…

-Je ne peux pas t’imposer mon rythme de vie. Et si je reste à Londres je…

Je le sais…

-Je vais étouffer, je vais suffoquer, je vais…

Ta voix se brise.

Oh Daniel…j’ai tant envie de caresser ton visage, mais ma main est restée prisonnière de la tienne et l’idée de m’en séparer m’est comme impensable.  À la place, c’est toi qui viens faire ce geste de réconfort que je désirais te procurer. Tu es tendre avec moi, si précautionneux, comme si tu avais peur que je m’effrite. Entre tes mains, j’ai l’impression d’être précieux. Ces mots dont tu ne peux contrôler la rudesse, tu tentes de les adoucir par la délicatesse de tes attentions portées vers moi. Pourtant, c’est moi qui dois te rassurer.

Jamais je ne t’emprisonnerai à moi. Je ne l’ai pas fait autrefois, je ne le ferais encore aujourd’hui. Je ne pourrais le supporter autant que tu ne le peux. Tu es fait pour voyager, t’envoler au loin et je ne serais le poids qui alourdit tes ailes. En restant ici tu serais comme un oiseau en cage, malheureux, et je sais que ma présence n’y changerait rien, je n’ai pas cette prétention. J’ai toujours été prêt à te laisser cette liberté dont tu as tant besoin pour t’épanouir. Je ne te demande pas d’abandonner ton travail pour t’installer ici avec moi. Ce serait une erreur de ma part. Je suis confus si c’est ce que tu as cru. Et si ce n’est pas le cas, si tu te contentes simplement d’exposer ce fait pour me repousser avec un air de raison, alors, dis-moi, de quoi as-tu véritablement peur ?

-Je serai encore à Londres pour deux ou trois semaines. Je te rendrai visite autant que tu veux, tous les jours s’il le faut, mais…

Mais je ne peux pas m’engager de nouveau avec toi. Est-ce ce que tu n’arrives pas à prononcer ? Est-ce vraiment ce que tu veux dire ? Car je crois que ton cœur, lui, n’est pas d’accord.

-Ne pleure pas.

Je ne pleure pas Daniel…Ce qui me fait mal, c’est le son de ta voix, c’est cette note torturée qu’elle a. Si tu souffres, alors ce choix n’est pas le bon. T’en rends-tu compte ? Daniel, tu le sais pourtant, que nous avons fait des erreurs et que nous ne devons pas les perpétrer à nouveau. Penses-tu vraiment que c’est la meilleure solution ? En es-tu réellement persuadé tout au fond de toi ?... Pour ma part, je l’entends, ce cri de désespoir qui déchire ta poitrine.

Je ne pleure pas, non, mais j’ai envie de te serrer contre moi. Il se peut que mon visage trahisse cette impression de solitude qui s’empare de moi. Cette main qui caresse ma peau a beau me toucher, il y a ce bras, si long, qui me sépare de toi. Tu es trop loin, cette distance est une souffrance. Je veux me rapprocher, mêler ma chaleur à la tienne, parce que j’en ai besoin. Parce que tu en as besoin.

Le bruit sourd de la table qui se déplace soudainement, un coup, je crois un instant que quelque chose va tomber, moi-même je me crispe alors que je sens un mouvement brusque, croyant que je vais basculer, me préparant à sentir la douleur de quelque chose qui va me percuter. Ma respiration se bloque, l’espace d’une seconde, tes lèvres s’emparent des miennes.

Le temps que je réalise, la surprise laisse lentement place à l’alanguissement. Je m’abandonne à tes mains qui enlacent mon visage, à ta bouche qui réchauffe doucement la mienne.  Elle a le goût de ton odeur, le bleu de ta tendresse, le rose de ton amour,  le rouge de ta passion, et puis, cette légère teinte couleur café. C’est doux, c’est tendre, c’est ardent. Mes frissons m’enflamment. Si mon enveloppe semble encore froide tout en moi pourtant s’embrase. Mon cœur fond. J’ai l’impression de le sentir couler à l’intérieur de moi.

Mon corps s’engourdit jusqu’à ce que nos souffles se mêlent et se séparent. Je m’affaisse et me repose, allongé contre le canapé. Mes doigts se posent sur mes joues brulantes, camouflent un tant soit peu mon visage troublé. Cette fièvre qui m’anime, cela faisait si longtemps que je ne l’avais pas ressenti. Oh Daniel, je me sens honteux de me montrer ainsi,  mais cela fait bien des années que l’on ne m’a procuré tant de tendresse. C’est déjà la deuxième fois depuis nos retrouvailles que tu m’embrasses, moi qui pensais ne plus jamais vivre cela. L’étonnement de la première fois passé, ces sensations réveillent en moi les désirs d’une habitude qui s’était installée il y a fort longtemps. J’ose à peine me l’avouer…et pourtant, il semblerait que…

J’aimerais que tu ne t’arrêtes pas.

Je souris. Je crois que je suis un peu nerveux. Cela m’arrive si peu. Un rire cristallin s’envole.

Comme je me sens stupide.

C’est idiot. Tu es là près de moi, tu m’embrasses amoureusement, mais tu demeures encore si lointain, tu n’es pas vraiment à mes côtés.  Je suis si heureux, et déchiré, tel celui qui jouit d’un bonheur qu’il ne goûte qu’à peine.
Non, je ne pleure pas. Je ne pleurerais pas... C'est toi qui me l'a imploré.

Je n’ose pas enlever mes mains, je continue de me cacher, mais si tu venais desserrer mes  bras, tu découvrirais des yeux brillants d’amour pour toi.

- Ne suis-je pas comme la femme qui attend le retour de son mari marin ? Comme l’épouse du militaire qui voit son amour partir à la guerre, sans être certaine de son retour ? Comme la compagne de l’homme d’affaires toujours en déplacement, jamais à la maison ? Nous ne serions pas les premiers à vivre une telle relation…La distance ne me fait pas peur, Daniel…est-ce ton cas ?

Ma voix se finit sur cette note claire, curieuse, appréhensive et pleine de considération à ton égard. J’aimerais te comprendre. Je sais que tu me diras la vérité. Je sais aussi qu’il est temps pour toi d’essayer de te livrer un peu plus. Ce n’est pas une chose facile. Mais tu peux le faire si tu ne te mets pas toi-même tes barrières.

- Tu sais, je ne suis pas malheureux, j’ai moi aussi un métier qui me plaît et qui occupe bien mes journées. Bien entendu, il arrive que certains soirs je me sente un peu seul…mais je suppose qu’il en est de même pour toi. Tu as su vaincre cette solitude jusqu’à maintenant. Moi aussi…

Je m’ose alors à relever l’une de mes mains. Je tends mon bras dans les airs, je cherche à atteindre ton visage du bout de mes doigts.  

- Mais…de ma vie, il n’est rien qui puisse m’apporter plus de bonheur que de savoir que c’est auprès de moi que tu viendras te reposer dès lors que tu en auras besoin. Et plus encore…lorsque tu auras parcouru toutes ces terres, que tu auras vécu tous ces longs voyages, lorsque tu seras fatigué, que tu auras vieillis et que tu voudras t’arrêter quelque part pour finir ta vie…tu pourras alors venir me retrouver…tu pourras venir me rejoindre.


Il ne me manque qu’une simple chose pour que ma vie semble complète. Qu’importe le temps que cela prendra, qu’importe quand cela arrivera. C’est de savoir que je pourrais vieillir à tes côtés.





Daniel Launey
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Jeu 2 Fév - 13:07
Ta figure se crispe puis se détend entre mes mains lorsque nos lèvres se rencontrent. Plus que nos souffles, ce sont nos âmes qui se retrouvent et se chérissent au travers de la proximité de nos corps. Elles qui se connaissent et s’aiment, séparées trop longtemps par l’interminable, l’impitoyable Temps, s’exaltent passionnément.


J’ai, sur le bout de ma langue, mon cœur qui se liquéfie sous la chaleur des baisers que nous échangeons. Il se fait tout à toi dans un partage tendre et demandeur ; quémandeur de l’amour que tu me portes, prêt à en collecter chaque parcelle pour colmater ses blessures.


J’ai l’impression d’être projeté en arrière, de vibrer avec la même intensité que lors de nos jours heureux. Mes sens sont accaparés par le présent auquel s’entremêle le passé. Les sensations, familières, m’étourdissent par leur intensité. Tout est si vrai, tangible. Tu es là, je peux t’embrasser ; je pourrais t’enlacer et t’aimer comme au premier jour, encore et encore, me perdre et me retrouver en toi.


Il est si dur de s’arrêter lorsqu’on a perdu pied. Il a quelque chose de brusque dans l’arrêt et pourtant d’apaisant dans les échos de ce qui n’aspirait qu’à continuer ; voici donc l’instant premier où s’épanouit le doux de la douleur qu’engendre la séparation.


Je m’écarte de toi. Les genoux en appui sur le rebord du canapé, bras tendus, les mains reposant sur le dossier, je te maintiens prisonnier de ma présence tout comme la tienne vole ma raison et accapare mes pensées.  Ma cage thoracique se soulève et s’abaisse à un rythme rapide, j’ai mes poumons, que dis-je, j’ai mon être en feu.


Tu soustrais ton visage à mon regard, j’aurais tant voulu l'admirer, déceler les petits détails qui m’auraient aidé à réagir de la manière appropriée. Comment fais-tu pour continuer de me cerner avec une telle facilité ? J’aperçois ton sourire avant d’entendre ton rire, je te contemple amoureusement.


Tu commences à parler et je n’ose plus bouger. Ces couples que tu me cites sont rarement heureux. L’amour peut perdurer malgré la distance mais il en souffre, chacun en souffre. La distance, ce n’est qu’un euphémisme pour désigner l’absence. Qui ne souhaiterait pas être aux côtés de la personne qu’il aime ? Écouter le récit de la journée de l’autre, partager ses joies, ses peines, c’est le rôle d’un compagnon. À quoi servirai-je, moi qui ne suis jamais là ? Que vaudra mon amour si tu continues d’affronter seul le quotidien ? Tu as ta vie à Londres et j’ai la mienne là où me mènent mes innombrables voyages. Nos chemins se sont séparés et nous avons pris des directions opposées, nos routes sont incompatibles, elles ne peuvent se rejoindre que le temps d’un carrefour. Cela en vaut-il la peine ?


La solitude m’a rongé, je ne j’ai jamais su m’en débarrasser car je ne peux te remplacer, tu es le seul. Mais si tu m’avais oublié, ton cœur plus léger, j’en suis sûr, aurait pu aimer encore et guérir par cet amour nouveau. Tu mérites mieux que moi, tu mérites quelqu’un qui prenne soin de toi et te rende tout ce que tu fais pour lui. Je n’ai rien vaincu, Eugène, j’ai sombré toujours plus profondément dans le travail sans trouver aucune parade.


Tu es mon plus grand bonheur, mon soleil. Tu brilles par ta bonté d’âme et illumines ma voie, quoi que je puisse décider, quoi que je puisse faire. Quelqu’un d’autre, à n’en pas douter, profitera de ces encouragements débordant d’affection avec plus de bon sens et de reconnaissance. Je suis ingrat et borné, égoïste par-dessus tout.


La pulpe de tes doigts effleure ma joue. Tes dernières phrases me prennent au dépourvu, une plainte s’étouffe dans ma gorge. Les larmes jaillissent d’elle-même sans plus s’arrêter, elles noient mes résolutions.


Pourquoi ? Pourquoi t’accroches-tu à moi alors que je lutte constamment contre ma volonté et que je m’efforce de te libérer de mon emprise ? Je suis incapable de te résister tout comme je serais incapable de te blesser même s’il s’agissait là de mon seul moyen pour rompre nos liens.


Les bras lâches, je laisse mon corps s’effondrer sur le canapé, mon front atterrit sur le haut du dossier rembourré, mon souffle et mes larmes silencieux se déversent sur ta nuque, tous les muscles de mon visage sont contractés par l’émotion. Il y a un cri dans ma poitrine qui reste bloqué bien qu’il m’anime tout entier.


Je t’aime.


Je t’aime.


Je t’aime.


Je ne suis pas l’homme qu’il te faut, pourtant je t’aime.


Je ne peux m’empêcher de t’aimer corps et âme comme si mon existence t’appartenait.


Même depuis l’autre bout du monde je t’ai aimé aussi fort que je peux t’aimer en cet instant.


J’ai mon cœur qui déborde de tout ce qu’il contient. Les mots que je retiens, que je ne parviens pas à formuler, ils cherchent à sortir par tous les moyens. Ils veulent s’exprimer. Eux aussi ils sont doux. Si douloureux.


Quoi que je te dise, tu ne m’écouteras pas, n’est-ce pas ? Tu ne changeras pas d’avis. Tu m’attendras toute ta vie. Cette dévotion que je ne mérite pas après tout le mal que je t’ai fait a un goût salé ; le long de mes joues, à la pointe de mon menton, au creux de ta clavicule.


-C’est moi… C’est moi qui ne te mérite pas.


Mes lèvres brûlantes se posent dans ton cou. Ma voix est un murmure brisé.


-Je t’aime et je te veux pour moi et moi seul.


Je dépose un autre baiser, puis un autre, au fil de mes aveux.


-Je veux le meilleur pour toi. Je veux que tu sois heureux.


Les  larmes se sont taries sans que je m’en rende compte.


-Alors je veux que tu m’oublies et que tu trouves quelqu’un à la hauteur de ton amour.


Mes poings se serrent, j’enfouis mon visage dans ton cou, les épaules affaissées. Enfin j’expose à la lumière de ton esprit les forces qui me tiraillent. Pourquoi tu m’attires, pourquoi je te repousse, comme un aimant, un amant déréglé.


-La solitude ne se vainc pas, elle s’endure. Je ne veux plus que tu l’endures à cause de moi.


Mes plaies sont  découvertes, mes faiblesses mises à nues. Jamais je ne me suis montré si pitoyable entre tes bras, tout ce que je suis parvenu à faire c’est parler de moi et de ma volonté, si négligente envers la tienne.
Eugène Swanson
Eugène Swanson
Professeur de philosophie
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Ven 15 Sep - 17:27




N’était-ce pas ce dont nous avions rêvé ? Alors que nos mains encore si jeunes s’entrelaçaient, nous songions déjà au temps où notre peau se flétrirait et se couvrirait des marques de l’âge, et que nos doigts ridés des épreuves de notre vie n’auraient fait que se serrer davantage.

Nous avions certes imaginé d’innombrables choses. Nous nous étions projetés dans un avenir qui nous paraissait si certain et rien de ce que nous avions espéré n’avait abouti. Du moins, pas encore. Notre tour du monde avait été compromis et restera à jamais un rêve inachevé, mais nous n’avions pas que cela. Il nous reste encore aujourd’hui des espoirs de jeunesse que nous pouvons exaucer. Qu’est-ce qui nous empêche de nous retrouver inlassablement jusqu’à nos derniers jours, et par la même occasion, en réaliser quelques-uns ?

Sous mes doigts je sens les muscles de ton visage qui se crispent. Un bruit sourd meurt au fond de toi comme un cri que tu n’arrives à exprimer. Quelque chose semble se briser.

Ton corps s’affaisse, ton visage se loge non loin du creux de ma nuque et bientôt je sens la caresse de ton souffle chaud et le fourmillement froid d’une goutte d’eau qui s’étend le long de mon cou. C’est ton cœur qui pleure près du mien. Il y a ses soubresauts qui tambourinent contre ma poitrine et ses larmes qui glissent sur ma peau. Je t’accueille en refermant mes bras autour de toi, en venant caresser tes cheveux, comme pour apaiser cette peine silencieuse qui te ronge de l’intérieur et qui semble enfin prête à sortir.

Il y a une si grande chaleur qui émane de cette tristesse. Parce que tu viens chercher le réconfort au creux de mon épaule. Parce que pour la première fois, tu t’apprêtes à me livrer tes tourments, tu abaisses ces frontières que tu as érigées autour de toi et tu me laisses te contempler dans ton plus faible appareil. Et je suis là, prêt à appréhender ton chagrin et à tenter de volatiliser tes doutes.

-C’est moi… C’est moi qui ne te mérite pas.

Encore une fois tu me repousses.

Ces mots me paraissent aussi insensés que ceux d’un enfant qui se blâmerait lui-même. Depuis quand ai-je une valeur qui t’interdirait de m’aimer ? Depuis quand ai-je besoin que tu vailles quelque chose pour que je t’aime… Depuis quand oses-tu penser que ton amour n’est pas la chose la plus précieuse qui me soit donné sur cette terre ?

-Je t’aime et je te veux pour moi et moi seul.

Et puis tu m’attires.

Tes lèvres tamponnent mon cou de baisers qui se mêlent à ces mots si dangereusement et délicieusement possessifs, et à chacun d’eux j’ai l’impression de t’appartenir un peu plus. Il y a quelque chose qui me fait peur dans cet aveu car il trahit un trait de personnalité que tu n’as pas l’habitude d’arborer. Mais si la seule forme de ton égoïsme se traduit à travers ton amour, je puis l’atténuer en t’assurant une chose. Je serais toujours uniquement tien.

-Je veux le meilleur pour toi. Je veux que tu sois heureux.

Tu me gardes contre toi.

-Alors je veux que tu m’oublies et que tu trouves quelqu’un à la hauteur de ton amour.

Et tu me rejettes.

Mon cœur qui tambourinait s’arrête soudain. Les sueurs fiévreuses du désir deviennent de glace. Ma respiration agitée se brise en une inspiration brusque et bruyante. Tout mon être se fige alors qu’il commençait à se réchauffer à tes gestes et tes paroles. Mes émotions sont comme une vague en suspend, s’arrêtant après avoir caressé la plage de toute la fougue des flots animés, avant de se retirer paresseusement. Tu as fait monter mes espoirs en une cascade qui chute désormais.

Tu reviens toujours à cette même conclusion si fataliste et éprouvante.

-La solitude ne se vainc pas, elle s’endure. Je ne veux plus que tu l’endures à cause de moi.

Pourquoi faut-il que tu sois plus altruiste qu’égoïste ? Il semblerait qu’il vaille parfois mieux que le vice ait raison de la vertu. Mais si tu ne veux point souffrir de ce péché, alors je serais celui qui le porterait.

Je veux que tu restes auprès de moi.
Je veux que tu m’aimes.
Je veux que tu ne voies que moi et moi seul.
Je veux que tu passes le reste de ta vie avec moi.

Tu dis vouloir m’éviter les affres de la solitude, mais celui qui en souffre le plus, c’est toi, Daniel. Et je m’en veux pour ça. À te voir dans cet état, je serais prêt à tout quitter, mon travail, mes élèves, mon appartement ici, pour t’accompagner le long des sentiers que tu foules aux quatre coins du monde pour tes reportages, et m’assurer que tu ne manques jamais d’amour et de réconfort lorsque tu en as besoin. Si seulement je le pouvais. Mais ce handicap m’entrave encore et toujours de pouvoir te soutenir comme je le voudrais. Je n’ai rien de mieux à te proposer qu’un foyer où tu pourras rentrer à la fin de tes longs voyages. Un endroit où te reposer de temps en temps.

Mais avant de te faire part de mes réponses, je te serre de nouveau contre moi et je murmure dans le silence ambiant un remerciement pour  t’être confié à moi. Tu as fait un tel effort pour te montrer ainsi, toi qui as toujours essayé d’être fort en ma présence, que je ne peux que t’en être reconnaissant. Je laisse quelques secondes passer, à te faire simplement partager cette présence qui ne t’a pas abandonné, comme tu le craignais, en lui dévoilant cette partie de toi que tu caches honteusement.
Enfin, lorsque j’espère que tu as compris ce message que ma proximité tente de te véhiculer, je prends doucement la parole.

- Tu n’as pas à me mériter, Daniel.

Mes doigts reviennent se plonger dans ta chevelure alors que ton visage demeure blotti contre moi.

- Crois-tu que j’ai l’impression de pouvoir t’offrir le meilleur ? On peut rêver de mieux que d’un amant aveugle et albinos.


Mettre en avant ce qui me définit comme différent dans cette société, aux yeux de tous, me blesse quelque peu en mon for intérieur. Ce sont des défauts que j’ai toujours reniés avec toi, car tu m’as appris à m’apprécier tel que je suis. Oui, Daniel, c’est toi qui m’as enseigné cela.

- Il y a quelques années, je t’ai laissé partir pour cette raison. Parce que j’avais peur de te faire souffrir à cause de ce que j’étais et te faire manquer les plus grands bonheurs de ta vie en te gardant auprès de moi. Aujourd’hui, je n’ai pas envie de te laisser partir à nouveau. J’ai envie que l’on se donne une chance, que l’on tente cette vie à deux et que, même si ça ne fonctionne pas, on puisse se dire que l’on aura au  moins essayé.

Qu’avons-nous à perdre à tenter notre chance ? Ne vaut-il mieux pas que nous prenions ce risque plutôt que de vivre dans le regret ?

- Ne faisons pas la même erreur qu’autrefois. Il semblerait que nous nous soyons séparés sans que cela n’ait été un réel avantage pour l’un comme pour l’autre. Car pour surmonter l’adversité, nous avons besoin d’être ensemble. Ne penses-tu pas que c’est la leçon que nous a offert la vie ? Cette solitude ne s’en ira peut-être pas, que tu restes avec moi ou que tu partes. Mais elle sera plus simple à endurer si je peux penser à toi comme un amant qui est loin à cause de son travail, que d’un ami que j’ai laissé partir sans avoir su guérir ses peines et sans pouvoir lui véhiculer mes véritables sentiments.

Si cela avait été mieux pour toi que nous restions simplement amis, alors j’aurais tu les cris de mon cœur et j’aurais accepté ce choix. Mais tu as dit m’aimer, tu as dit me vouloir pour toi et toi seul. L’amitié n’est plus une solution suffisamment à la hauteur. Tu espères me voir m’éloigner et chercher ce que tu penses ne pouvoir m’apporter, auprès d’un autre ; mais regarde comme cette décision te fait souffrir. Je ne pourrais l’accepter. Je ne pourrais accepter de te faire du mal une fois encore en me laissant croire à l’illusion que tout ira mieux sans moi. Cela aurait été plus simple, oui, mais la vie a toujours été un peu compliquée.

Je me resserre un peu plus contre toi. Je t’enlace avec une force proche du désespoir ; un court instant de faiblesse que je m’accorde car nous sommes tous deux humains, et nous partageons nos afflictions.

- Je t’en prie, ne me demande pas d’aller dans les bras d’un autre… C’est toi que j’aime, et je ne pourrais jamais tromper mon cœur sur ce point. Si je dois endurer quelconque solitude ce n’est pas de ta faute mais de la mienne pour avoir préféré t’aimer sans aucun retour plutôt que de chercher de l’affection auprès  de quelqu’un.

J’ai besoin de te le dire, car tu n’as pas l’air de réaliser que cette perspective me semble terriblement invivable. J’ai eu tout le temps de me trouver un nouvel amant, mais je ne l’ai pas fait. Car mon âme a déjà trouvé celle qui lui correspond. Et personne d’autre ne pourra me faire ressentir cela. Aucun amour ne pourra supplanter le tien et me le faire oublier.
Je desserre un peu mon emprise et redonne un ton plus délicat et heureux à ma voix.

- Tu n’as pas à me donner ce qu’il y a de mieux…mais tu peux m’offrir ce qui vient juste avant. Ce ne sera peut-être pas le ‘meilleur’, mais ce sera presque parfait.

Le meilleur, après tout, n’existe-t-il pas que pour tendre vers lui sans jamais réellement l’atteindre ?
Ce que tu désires vraiment est ce que j’espère depuis longtemps. Pourquoi nous mettons-nous autant de barrières alors que nous voulons la même chose ? La distance corporelle me semble être un détail si bénin après ce que nous avons vécu. Et comment pourrais-je croire à ce dicton « loin des yeux, loin du cœur » alors qu’à l’heure de nos retrouvailles, je t’aime aussi intensément que pendant nos jours heureux ? Si tu as peur que cela nous détruise, sache que j’ai suffisamment confiance en notre lien pour être certain que nous sauront surmonter cela.

- Ne te laisse pas te faire tant ronger par l’inquiétude. Je suis certain que cela pourrait bien se passer, mieux que tu ne l’imagines... Tu n’auras qu’à m’envoyer des lettres, j’ai toujours rêvé d’une relation épistolaire.

Disais-je en riant doucement.

Ma tête se tourne tandis qu’une de mes mains vient caresser ton visage, essayant de le déloger de l’ombre de ma nuque et l’incliner vers moi. Du bout de mes lèvres, je dépose un tendre baiser sur le haut de ton front et te souris amoureusement.

- Vivre avec moi malgré la distance, est-ce si loin de ton presque parfait ?

Je cherche à poser mon front contre le tien, à être assez proche pour sentir ton souffle sur mon visage, respirer la légère odeur salée qu'a désormais ta peau. Je veux entrelacer nos mains et me sentir unis à toi, encore un peu...

- Tu ne prend pas cette décision seul, Daniel. Nous la prenons ensemble. Que ce soit pour que nous nous réunissions ou nous nous séparions, nous la prendrons ensemble.


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