I don’t know if I am a boy ; I don’t know if I am a girl
« Je suis Harry Potter ! »
Quelques regards fusaient. Ils se posaient sur sa silhouette frêle, clairement féminine. Peut-être cherchaient-ils l’erreur. Sûrement. Avdotia n’en voyait aucune. C’était évident. Toute sa vie, mademoiselle s’était trompée. Toute son existence durant, ses doigts n’avaient pratiqué que le violon. Or, ce n’était pas ce à quoi la russe était destinée. Elle était un sorcier. C’était manifestement une vérité qui ne pouvait être contestée. Elle était Harry Potter. Sa cicatrice n’était pas au même endroit, certes. La nature s’était trompée sur son sexe, aussi. Mais, au fond, c’était du pareil au même. Elle était Harry Potter. Et son ennemi naturel était de retour. Il était incarné par une créature au teint cireux. Une chose humanoïde, bien que ses traits - maquillés, évidemment - semblaient appartenir à ceux d’une autre race. Avdotia était persuadée qu’il cherchait les ennuis. Qu’il désirait mettre fin à son règne magique. Pire, peut-être voulait-il tuer Dumbledore ? Non, réellement ? La môme devait protéger le directeur de l’école - le maire - du machiavélique Voldemort. C’était sa mission. C’était la raison de sa présence à cette fête étrange. Le genre de rassemblement où l’étudiante n’irait jamais, en temps normal. L’instinct. D’instinct, Avdotia - que dis-je, Happy Potter - avait compris que sa présence était indispensable.
« Rends-toi, Voldemort ! Je ne te laisserai jamais nuire à ce rassemblement ! »
La créature jetait des regards dans toutes les directions. Comme s’il cherchait une aide quelconque. Un rictus s’épanouissait sur les lèvres de l’étudiante. Lentement sa main se tendait en avant, armée d’une baguette rutilante - un bout de bois ramassé on-n’sait-où. Elle était prête. Les yeux plissés, Avdotia se concentrait profondément. Elle visualisait. Une minute. Puis deux. Finalement, elle lâchait un cri digne des plus grands génies de la comédie, et un éclair bondissait sur Voldemort - seulement dans sa tête, hein. Les éclairs, comme ça, qui jaillissent, ça existe pas.
« Ça fait mal, hein ? »
Il avait disparu. Clairement. Il s’était échappé ! Mécontente, la pseudo Harry Potter s’élançait au hasard à sa poursuite en poussant des râles agacés. Poudlard serait sauf. Même si Avdotia devait y laisser sa peau !
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Mer 28 Oct - 9:20
La fête costumée aurait dû avoir lieu en plein air, lui avait-on dit. Les invités pouvaient mourir de chaud sous leurs accoutrements qui, à bien du temps, sont fait de tissus trop lourds pour être mêlés à d’autres tissus lourds, ainsi que des respirations saccadées par la danse, le déplacement – et voire, les farces. Mais toute cette foule était entre quatre murs, certes espacés, mais toujours aussi contenant. Tyee avait l’impression que la salle allait exploser d’un moment à un autre. Il y eut heureusement un moment de répit ; quand les inconnus, fatigués, cessèrent de danser sur la musique qui, elle-même, s’était arrêtée. Quelqu’un avait probablement causé problème en marchant sur les câbles ou autre bêtise du genre. Peu importe, il ne restait que quelques âmes qui gambadaient dans l’endroit, la forêt dense s’étant temporairement dissipée : il y avait plus d’espace pour circuler. Tyee en profita pour se mettre à la recherche d’un client.
Ah, oui, car on ne pouvait trouver meilleur endroit comme point de rencontre, un client, qui lui avait commandé un costume de Voldemort, lui avait donné comme point de rendez-vous une fête bondée. D’un côté, Tyee en avait profité pour enfiler lui-même une copie du costume fait de Voldemort afin de montrer le résultat à son acheteur comme pour faire de la publicité incognito. On lui avait fait un fond de teint plus clair pour compenser la présence de ses cheveux et leur couleur épis de blé.
Les yeux paraissaient rivés sur quelqu’un en particulier (on entendait quelques propos parlant d’Harry Poter) sans que Tyee n’y prêtasse vraiment attention. Seul objectif : client !
Tyee jeta un coup d’œil rapide sur les deux collègues qui l’avaient accompagnés, une déguisée en Mama et l’autre, en Jessabelle. Elles aussi semblaient chercher leur cher client fondu dans la foule, jusqu’à ce que l’une fasse signe à Tyee qu’elle crut reconnaître, dans le costume de Dumbledore, celui qu’ils cherchaient. Là-bas, près des boissons. Tyee reconnut lui aussi, malgré la fausse barbe et la perruque qu’il portait, les traits vivifiant et les petits yeux gris clairs de leur client.
Enfin !
La musique reprit alors que Tyee arrivait près de lui. Le son bien trop fort, il se contenta d’un simple toucher à l’épaule et, accompagné d’un sourire commercial, il lui dit :
« Ah, monsieur, enfin je vous trouve. J’ai votre costume dans ce sac, et comme je pensais qu’il serait impossible pour vous de l’essayer sur place, vous pouvez voir sur moi-même le… »
Il fut cependant interrompu par quelques râles tandis que des bruits de pas – quelqu’un courrait en sa direction – lui parvenaient faiblement. Curieux, il se retourna.
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Jeu 29 Oct - 22:13
I don’t know if I am a boy ; I don’t know if I am a girl
T’as l’alcool mauvais.
Sûrement. C’était la vérité. L’unique. La seule. Ses sens altérés connaissaient ces faits. Ils étaient, évidemment, conscients de cette souffrance. De l’adrénaline qui pissait dans ses veines. Des relents étranges qui se dégageaient dans ses entrailles retournées.
T’es comme Elle. Tu supportes pas ça.
Sourcils froncés, Avdotia saisissait la véracité des dires de la voix. De cette chose qui remuait dans les tréfonds de son être. Cette minuscule voix. La sienne. Comme Elle. Son âme étendait ses ongles autour d’une gorge. Ses phalanges se refermaient autour d’une gorge imaginaire. Comme Elle. Comme Vea. Comme celle qui s’en était allée, en marchant dans les brumes de vodka. Ivre jusqu’à sa fin. Bourrée, du soir au matin. Du matin au soir. Même l’obscurité pleine, Vea sirotait. Seule, assise dans son fauteuil. Le sien, parce qu’avec les années, ses formes s’y étaient imprimées. Son parfum âcre s’était mêlé à celui du velours poussiéreux. Seule, avachie dans un salon déserté. Seule, avec ses regrets et ses démons muets.
Les mots tourbillonnaient dans son crâne blême. Ils s’accumulaient. L’étouffaient. Et, sournoisement, l’envie s’était insinuée. Celle d’oublier. Les miracles n’existaient pas. Avdotia le savait. La culpabilité rattraperait ses gestes. Elle serait écrasante, à l’image de sa cuite. Douloureuse. Violente. La même que celle de cette nuit-là, où son sang n’avait que trop coulé. Et, faisant fi de cette conscience assassine, ses doigts s’étaient emparés d’un verre qui trônait là. Il l’appelait. Il l’hypnotisait, de ses promesses.
« Je t’offrirai l’oubli. L’abandon. Tu n’entendras plus la voix. Tu ne verras plus ce visage. »
Silencieusement, la môme angoissé resserrait sa prise autour d’un gobelet au liquide intriguant. Les fragrances qui s’en dégageaient étaient puissantes. Sucrées. Lentement, le liquide âpre enflammait ses lèvres et ses papilles usées. Un verre. Deux verres. Puis, le compte s’arrêtait. Ils se succédaient allègrement. Ils déposaient ses songes dans un recoin sombre. Ils atténuaient ces paroles, enfermées derrière ce rideau inconsistant.
Avdotia était torchée. A l’excès. Sûrement à quelques pas d’un coma. Peut-être même avec le cœur au bord des lèvres. Ils percevaient ses cris, dans l’assistance. Ses hurlements bienheureux de celle qui n’a plus conscience d’être dans la réalité. Et, peu à peu, sa perception tordue remarquait une présence. Voldemort. Voldemort. Dans son crâne miséreux, les épisodes d’une série de films. Ils s’enchaînaient. Déclenchaient son besoin de protéger quelqu’un qui possède un costume fidèle. Affublée de son bâton - arraché à un rosier, dans les jardins - la gosse s’élançait. Sa crinière opaline dansait sur ses épaules, à mesure que ses pas résonnaient dans l’assistance. Quelques râles se laissaient entendre, sûrement provoqués par les victimes de ses bousculades. Et, finalement, Avdotia fendait la foule, jusqu’à atteindre son ennemi. Celui qui, à travers les brumes d’alcool, apparaissait comme l’homme à abattre. Un rictus s’épanouissait sur les lèvres de l’étudiante. Lentement sa main se tendait en avant, armée d’une baguette rutilante - un bout de bois ramassé on-n’sait-où. Elle était prête. Les yeux plissés, Avdotia se concentrait profondément. Elle visualisait. Une minute. Puis deux. Finalement, elle lâchait un cri digne des plus grands génies de la comédie, et un éclair bondissait sur Voldemort - seulement dans sa tête, hein. Les éclairs, comme ça, qui jaillissent, ça existe pas.
« Ça fait mal, hein ! »
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Lun 2 Nov - 9:52
Il y avait trop de monde. Bousculades, rires, déprimes, boissons – et que ça sentait fort la sueur et l’alcool, dedans. Quel était ce genre de fête costumé ? Une party telle qu’on la connaissait. Quand la musique avait repris, Tyee eut pire que l’envie de s’enfuir : c’était un besoin, indispensable à sa survie ! Mais…
« Monsieur Wendell ? Quelque chose ne va pas ? »
Tyee se tourna vers son client, l’air dubitatif. Et lorsqu’il se retourna à nouveau, il haussa un sourcil sur une jeune inconnue. Une longue traînée hivernale encadrait son visage dont les traits, à cause de la foule et peut-être des lumières changeantes aussi, n’étaient pas très visibles. Tyee ne parvint pas à discerner la courbe-même de ses yeux, ou ne serait-ce que l’expression qu’arboraient ses sourcils, sa bouche, le mouvement général de son minois. Mais il voyait dans sa façon de se tenir que quelque chose n’allait pas. A moins que ce ne fût une somnambule, cette femme avait bu et vivait le mauvais côté de l’alcool.
« Monsieur Wendell ? reprit plus doucement le client. Serait-ce une collègue ? - Et bien… »
Tyee observa l’inconnue dans ses gestes. Comique actrice. Il ne mit point du temps à reconnaître derrière cette apparence - féminine, à l’ouest, aux lèvres hydratées de boissons alcoolisées ou d’autres bêtises du genre – le personnage d’Harry Poter. Il était évident qu’en présence d’un Voldemort […] et de Dumbledore si elle l’avait remarqué, elle se soit laissée embarquer par les rêves que procurent plusieurs gorgées chaudes.
« Ça fait mal, hein ! »
Tyee grimaça. Pas de douleur, mais de pitié. Il fronçait les sourcils, serrait légèrement les dents et, de ses prunelles cachées par ce jaune félin, l’observait attentivement. Jusqu’à ce que le client s’impatiente, lui saisissant le bras. Je ne la connais pas, se disait Tyee. Et jamais je ne l’ai aperçue. Mais elle avait probablement besoin de se repérer, de se reprendre ne serait-ce que quelques secondes, au lieu de se perdre dans une foule, de tomber quelque part, de s’endormir par la lassitude, par le manque d’envie de se relever, et être réveillée plus tard par le gardien qui l’ordonnerait de s’en aller, une fois la fête terminée, malgré son mauvais état. Mais sous les traits stressés du client, il ne put qu’abandonner un instant cette femme, souriant nerveusement à son interlocuteur.
« Tenez, dit-il en lui laissant le sachet. Des collègues sont aux environs. Mama et Jessabelle. »
Et il ne lui laissa aucune occasion de le retenir, faisant quelques pas vers l’inconnue. Il approchait lentement. Au fur et à mesure, les traits inconnus se dévoilaient et, à deux-trois mètres d’elle, Tyee s’arrêta, les mains en face de lui pour signaler toute amitié. Il apercevait mieux ce regard inhabituel, ce tableau fade où se mettait en valeur n’importe quelle couleur, n’importe quelle lueur, ainsi que n’importe quel sourire s’il pouvait en sortir.
« Je pense que vous avez besoin de prendre l’air… » lui dit-il.
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Jeu 12 Nov - 16:58
I don’t know if I am a boy ; I don’t know if I am a girl
Vea était fatiguée. Ses paupières lourdes semblaient receler de mystères très attrayants, sur l'instant. Ses doigts enserraient la minuscule baguette tordue qui s'apparentait à un morceau de bois quelconque, arraché d'un massif qui s'était dépêché de mordre sa chair tendre. Vea était épuisée. Les gouttelettes d'un sang foncé ruisselaient sur ses poignets dévoilés. Surtout, Vea glissait dans les affres de la honte.
L’alcool brûlait ses papilles malmenées. Il s’attardait à son œsophage qui se consumait. Sa langue claquait régulièrement contre son palais, au rythme de son souffle haletant. Il faisait chaud. Et, paradoxalement, l’étudiante était gelée. Son corps frissonnait désagréablement, à mesure qu’une eau imaginaire dégueulait le long de sa colonne. Quelques minutes de plus, et la môme achèverait sa soirée avachie sur le carrelage. Maladivement, ses iris bleuâtres pourchassaient les silhouettes environnantes. Son squelette frémissait aux contacts intempestifs, à mesure que ses lèvres lâchaient des protestations inaudibles face à ce ballet des corps qui ravivait ses humeurs.
Vea devait partir. Rentrer à la maison, et s’engouffrer sous ses draps rêches. Peut-être même en Russie, tiens. Là-bas, dans ce manoir ancien. Ils manquaient à son âme, ces détails innocents qui ponctuaient son quotidien d’autrefois. La gouvernante qui dégageait son front de quelques mèches rebelles, aux heures tardives. Les visages fermés des tableaux, là-haut, dissimulés dans l’obscurité de laquelle ils veillaient sur les habitants de la maisonnée. Le son entêtant d’un violon qui se répercutait inlassablement, dès que son professeur pénétrait dans la bâtisse aux allures de demeure cauchemardesque.
Petit à petit, ses regrets commencèrent à refluer, chassant l’adrénaline qui galopait sauvagement dans ses veines étroites. Son crâne menaçait d’imploser. Ses prunelles quêtèrent de l’aide. Voldemort, durant les débats intérieurs de la russe esseulée, s’était approché de quelques pas. Lentement, Vea laissa son regard vitreux voguer de cet homme qu’elle identifiait comme un danger, et celui qui, affublé de sa barbe immaculée, représentait l’être à sauver. Ils semblaient davantage gênés qu’autre chose. Peut-être s’était-elle trompée ? Peut-être qu’Harry Potter avait définitivement évincé le mauvais Voldemort. Le mauvais... Lorsque ses billes alcoolisées se déposèrent une énième fois sur son interlocuteur, Vea et ses doutes se dissolvaient.
Il n’était qu’à quelques mètres, paumes tournées vers le plafond immaculé. Des paroles franchissaient ses lèvres pâles, sans que la môme ne parvienne à les comprendre. Son anglais, dans ces moments de perdition, devenait clairement mauvais et hasardeux. Elle était persuadée qu’il évoquait les salamandres. Elle opinait derechef, revêtit d’un sourire maladroit. Il indiquait vouloir trouver des salamandres. Voilà. Cette idée plaisait à Vea. C’était une idée étrange, voire carrément bizarre à cette période de l’année. Mais, au fond, Vea était bizarre.
Difficilement, l’instrumentiste cherchait une sortie d’une œillade inquisitrice et embrumée. Les vapeurs nauséabondes des cocktails ingurgités déformaient l’assemblée, gratifiant les convives de visages longs de six pieds et aux bedaines gigantesques. Pour seule réaction, Avdotia demeurait hébétée.
« La sortie ? Je ne sais plus où elle est... La porte s’est effacée, vous croyez ? »
Hoquetait-elle en dardant ses iris terrifiés sur celui qui possédait des pupilles félines aux nuances jaunâtres.